CHINAHOY

31-May-2016

Diplomatie chinoise : nouveaux horizons pour la gouvernance mondiale

 

Le 1er avril 2016, le président Xi Jinping participe au 4e Sommet sur la sécurité nucléaire tenu à Washington.

 

HE YAFEI*

Le monde change et la Chine change aussi. Leurs interactions et leurs influences réciproques s'intensifient. La Chine persévère sur sa voie du développement pacifique et représente une force toujours plus importante pour la paix et la prospérité mondiales. Grâce aux nouveaux concepts, idées et stratégies lancés par le président Xi, la diplomatie chinoise se renouvelle et apporte une contribution toujours plus importante à la construction de nouvelles relations internationales : coopération gagnant-gagnant, promotion de la réforme du système de gouvernance mondiale et construction d'une communauté de destin pour tous les pays.

Réformer et améliorer le système de gouvernance mondiale

Pendant des siècles, les pays occidentaux propulsés par la révolution industrielle se sont placés à la tête du monde, et ont établi des relations internationales dans lesquelles ils se réservaient une place dominante. Progressivement, un système de gouvernance mondiale s'est mis en place pour accompagner cette domination, que ce soit dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique ou technique. Après la Seconde Guerre mondiale et compte tenu de la réalité nouvelle qui s'est créée dans les relations internationales avec l'accès des pays en développement à l'indépendance, ce système a subi certains ajustements qui forment ses caractéristiques actuelles. Il a pour centre l'ONU et son Conseil de Sécurité, ainsi que une série d'organisations internationales plus spécialisées. Un système qui fonctionne depuis maintenant 70 ans et qui a, il faut l'admettre, joué un rôle important dans le maintien de la paix mondiale et la promotion de la prospérité économique mondiale.

Cependant, des raisons historiques font que ce système est aussi injuste, inéquitable et pas toujours rationnel. Avec la mondialisation et la montée en puissance des pays émergents, un nouveau rapport de forces historique émerge, et le manque de flexibilité des relations internationales et du système de gouvernance mondiale rend indispensable leur réforme.

Revenir aux confrontations du passé ou jeter aux orties les vieux concepts pour choisir la voie du développement pacifique et de la coopération mutuellement avantageuse, telle est l'alternative. Elle exige une réflexion sur la réforme du système de gouvernance mondiale en vue de réussir la transformation des relations internationales.

Dans ce nouveau contexte, la Chine choisit la voie du développement pacifique. Et le succès du choix de la Chine dépendra de la capacité du monde et de la Chine à saisir les opportunités qui se présenteront et à lancer une coopération gagnant-gagnant. La Chine qui s'engage pour le développement pacifique espère voir les autres pays faire le même choix. Cela étant, choisir le développement pacifique ne signifie pas abandonner la défense des droits et intérêts légitimes du pays.

Toute réforme nécessite une libération de la pensée. La révolution des idées et des concepts est indispensable à toute réforme efficace et énergique. La nécessité de la réforme s'impose à tous, depuis la profonde crise financière de 2008 et la crise économique qui se prolonge depuis, le monopole de l'Occident sur la gouvernance mondiale est radicalement remis en cause. Le néolibéralisme économique et le Consensus de Washington qui faisaient le credo de l'Occident depuis des décennies et prônaient la privatisation totale, la dérégulation de tous les secteurs et l'abandon de toutes les mesures de protection, ont fait long feu. Différents pays ont engagé une réflexion visant à réformer ce système.

Dans sa pratique diplomatique et son développement intérieur, la Chine a fait le bilan de son expérience, des politiques qui bénéficient à la Chine comme au monde ; elles constituent la ligne directrice de la diplomatie chinoise. Entre autres, elle a avancé le concept de « respect mutuel et une coopération gagnant-gagnant » pour bâtir les nouvelles relations internationales et réformer le système de gouvernance mondiale. Elle espère d'autre part rénover le système financier international par la réforme du Fonds monétaire international suivant ce même concept d'égalité et d'équité pour l'adapter au changement des rapports de forces mondiaux et donner plus de droit de parole et de décision aux pays émergents et en développement.

Sur la base de ces nouveaux concepts qui tirent les leçons de l'intégration régionale et de la mondialisation, la Chine a d'autre part proposé de discuter, puis de construire et de partager avec une soixantaine de pays riverains, l'initiative des nouvelles Routes de la Soie qui représente une nouvelle stratégie de coopération internationale. Enfin, la Chine a initié l'établissement de nouvelles institutions financières internationales, comme la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) et le Fonds des nouvelles Routes de la soie. Ce dernier accordera des soutiens financiers aux projets des nouvelles Routes de la Soie.

Une réforme n'est pas une révolution : elle vise à rectifier le système actuel. C'est pourquoi ni les États-Unis, ni les autres pays occidentaux ne doivent s'inquiéter des initiatives chinoises. La Chine a bénéficié de la mondialisation, du système des relations internationales et de la gouvernance internationale actuels, et son développement est lié à son intégration dans ce système, à sa participation à la gouvernance mondiale. Pour prendre un exemple, malgré les difficultés de son processus d'intégration à l'Organisation mondiale du commerce, la Chine a poursuivi la voie de l'intégration au système commercial international dont elle est devenue un membre particulièrement influent. À l'heure où les cycles de négociation risquent de s'enliser à Doha, la Chine ne recule pas devant la difficulté et s'efforce de transformer près de 400 accords de libre-échange entre les différents pays pour former de nouveaux arrangements commerciaux facilitant réellement le commerce et les investissements internationaux. Seuls la réforme et l'innovation pourront empêcher le recul de la mondialisation et de la gouvernance mondiale et contribuer à la reprise économique dans les pays développés et les émergents. La réforme de la gouvernance mondiale doit prendre en compte les intérêts des différentes parties.

L'interdépendance des partenaires

La Chine appelle les différents pays à prendre conscience de la communauté de destins et d'intérêts qui les lie et à établir un réseau de partenariats planétaires dans lequel les pays dépendent les uns des autres.

Il s'agit bien d'établir un nouvel ordre international. À l'ère des nouvelles industries et de la généralisation de l'informatique connectée, les relations entre la Chine et le reste du monde ne cessent d'évoluer. L'interdépendance entre les pays n'a jamais été aussi forte.

Or on remarque un grand écart entre l'ordre international actuel et la communauté de destin telle qu'elle est conçue par les différents pays. Toutes sortes de problèmes planétaires apparaissent, mais le système de gouvernance mondiale est trop faible et manque de solutions pour les résoudre. D'autre part, des solutions qui pourraient fonctionner sont souvent rendues impossibles par des aléas géopolitiques.

Ces dernières années, le président chinois a déclaré à plusieurs reprises que la Chine continuerait à construire une communauté de destin avec les autres pays. Dans le contexte de la mondialisation, la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises crée des liens étroits entre pays. De plus en plus de produits sont fabriqués dans plusieurs pays, qu'il s'agisse d'avions de ligne, de smartphones ou même d'aliments que nous trouvons sur notre table.

Quelle doit être la base de la communauté de destin de l'humanité ? C'est tout d'abord l'égalité entre tous les membres de la communauté internationale, telle qu'elle est énoncée par la Charte de l'ONU et non la loi de la jungle qui résulte de l'inégalité des forces en présence. On a pu constater ces dernières années que la souveraineté des pays a souvent été bafouée. On a ainsi vu des pays occidentaux attaquer militairement des pays qu'ils avaient pris pour cible. L'Irak ne possédait pas d'armes de destruction massive, et pourtant l'Occident a prétendu qu'il en possédait pour en faire le prétexte d'une invasion militaire. Depuis la chute des anciens dirigeants irakiens, le peuple est plongé dans la misère. Quelques années plus tard, les armées occidentales se sont retirées, et l'Irak est tombé dans le chaos. Où sont la justice et l'équité ? Certains pays encouragent partout des révolutions colorées dans les pays qui s'opposent à eux, initiatives qui se soldent le plus souvent par une chute du pouvoir en place, le chaos social et des souffrances pour la population.

Ces pratiques sont incompatibles avec la communauté de destin. S'il existe des confrontations et des injustices dans le monde actuel, cela ne signifie pas que l'objectif et les principes de la Charte de l'ONU sont obsolètes, mais au contraire que les relations démocratiques que préconise cette Charte n'ont pas été réalisées.

Le cœur de la communauté de destin est l'égalité des souverainetés. La Chine propose d'établir sur cette base un partenariat planétaire d'interdépendance, de confiance mutuelle et d'égalité qui vise à jeter les bases de la communauté de destin. Une fois ce partenariat établi, les relations de coopération mutuellement avantageuses et de développement partagé entre pays souverains constitueront une garantie efficace pour protéger l'existence et la sécurité des pays faibles.

La communauté de destin de l'humanité nécessite des valeurs communes et un mode de dialogue des civilisations. Lors du forum Bo'ao 2015, Xi Jinping a proposé dans son discours ce dialogue des civilisations. Il a indiqué à plusieurs reprises lors de ses différentes visites à l'étranger que dans un monde diversifié, des points de vue différents existent sur la coexistence des civilisations. Mais la confrontation entre différentes civilisations ne correspond pas à la réalité de la diversité des cultures et des valeurs et va à l' encontre de la loi objective du développement de l'humanité. La communauté de destin préconise au contraire la coexistence harmonieuse, le respect des différences, qu'il s'agisse des voies de développement ou des systèmes politiques, avec un renforcement de la gouvernance et du dialogue entre civilisations afin de faire progresser l'humanité entière.

Un nouveau concept de sécurité

La Chine préconise également un nouveau concept de sécurité : celle-ci doit être à la fois « commune, complète, coopérative et durable ». C'est pourquoi elle espère que les différents pays parviendront à coordonner sécurité et développement, et faire progresser l'une par l'autre.

La sécurité et le développement doivent être les clés du système de gouvernance mondiale. La mentalité de la guerre froide subsiste encore et c'est pourquoi que le monde est dangereux. L'intervention occidentale et les répercussions du Printemps arabe ont plongé le Moyen-Orient dans le chaos et réduit les peuples de la région à la misère. Un grand nombre de citoyens cherchent à fuir à l'étranger. La crise ukrainienne continue de couver et menace la sécurité européenne en envenimant les relations russo-américaines et euro-américaines. Même lorsque les guerres ont pris fin, de nombreux problèmes n'ont pas été résolus et la guerre froide s'est poursuivie, dressant des obstacles dans les pays et régions concernés.

Nous espérons que les pays parviendront à comprendre ces questions et à traiter les relations internationales du point de vue de la communauté de destin pour s'opposer fermement à la mentalité du jeu à somme nulle qui génère les confrontations. Cette contradiction est particulièrement évidente en Asie, où les États-Unis continuent à pratiquer leur stratégie de « rééquilibrage » en renforçant leur présence militaire dans l'Asie de l'Est et l'Ouest du Pacifique. Ils renforcent leurs alliances militaires avec les pays de la région, mènent des exercices militaires fréquents. Alors qu'ils se contentaient de manœuvrer en coulisses, ils s'invitent désormais ouvertement dans le problème de la mer de Chine méridionale, exacerbant les tensions dans cette région. Encouragés par ce soutien, le Japon et les Philippines s'animent d'ambitions nouvelles et accélèrent leur course aux armements pour atteindre leurs objectifs.

L'économie de la région de l'Asie de l'Est dépend largement de la Chine, tandis que la sécurité repose sur les États-Unis. Mais ce phénomène de séparation entre développement et sécurité n'est pas tenable sur le long terme. Il fait que la sécurité n'est pas assurée et que le développement se heurte à des obstacles. La gouvernance mondiale et régionale doit intensifier ses efforts pour résoudre ces problèmes avant qu'ils ne dégénèrent. Il faut pour cela adopter un nouveau concept de sécurité, établir un nouvel ordre de sécurité en Asie de l'Est et dans toute l'Asie, rechercher la paix par la coopération. Des mesures complexes devront être prises pour créer une sécurité durable et offrir des garanties fiables qui seules pourront soutenir une croissance vigoureuse de l'économie en Asie de l'Est. Les principaux pays doivent jouer un rôle de modèle. Il est important que la Chine et les États-Unis construisent des relations de nouveau type qui allient les principes de non-confrontation, de respect mutuel et de coopération mutuellement bénéfique. L'initiative des nouvelles Routes de la Soie est une voie possible et fournit une feuille de route à la coopération mutuellement bénéfique et à la construction d'une communauté de destin entre la Chine et les pays riverains.

 

*HE YAFEI est ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ancien directeur adjoint du Bureau des affaires des Chinois d'outre-mer relevant du Conseil des affaires d'État.

 

 

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