CHINAHOY

3-May-2016

L’importance des relations sino-allemandes pour les relations sino-européennes

 

Le 10 octobre 2014, à Berlin, Li Keqiang et Angela Merkel assistent à la signature de contrats commerciaux et de documents concernant la coopération intergouvernementale.

 

TIAN DEWEN*

Le président allemand Joachim Gauck a effectué en mars une visite d'État en Chine. Le 23 mars, il a prononcé un discours à l'université Tongji, à Shanghai, dans lequel il a présenté en détail ses idées sur les droits de l'homme, la liberté, l'État de droit et la société civile. Il a également exprimé son admiration pour les avancées remarquables de la Chine depuis 1978 et son discours exprimait le souhait de l'Allemagne de voir une Chine stable et prospère. Une opinion rationnelle et objective qui risque de mécontenter les médias occidentaux, mais qui pourtant est une condition préalable pour un développement sain des relations sino-allemandes sur le long terme.

Les relations sino-allemandes, locomotive des relations sino-européennes

L'Union européenne est le premier partenaire commercial et le premier marché international pour la Chine. De bonnes relations sino-européennes sont essentielles pour le développement économique chinois, et la coopération économique sino-allemande joue un rôle de moteur dans le développement de ces relations. L'Allemagne est depuis de nombreuses années le premier partenaire commercial européen de la Chine. Selon les données publiées par le ministère chinois des Affaires étrangères, c'est en 2002 que la Chine a supplanté le Japon comme premier partenaire commercial asiatique de l'Allemagne. En 2014, le volume du commerce bilatéral entre la Chine et l'Allemagne atteignait 177,75 milliards de dollars, une augmentation de 10,1 % sur l'année précédente, qui avait vu transiter des exportations chinoises vers l'Allemagne pour un montant de 72,71 milliards de dollars, ce qui représentait déjà une hausse de 8 %. Avec 105,04 milliards de dollars d'importations, en augmentation de 11,5 % sur l'année précédente, la balance des paiements est défavorable à la Chine de 32,33 milliards de dollars. Lors de son discours à l'université Tongji, le président Gauck a souligné que le volume des échanges sino-allemands représente l'équivalent du total des échanges de la Chine avec la France, le Royaume-Uni et l'Italie réunies. Ce sont donc bien les relations bilatérales sino-allemandes qui déterminent la dynamique du développement des relations sino-européennes.

La structure de la coopération économique et commerciale sino-allemande présente trois caractéristiques principales. Premièrement, ces deux pays sont complémentaires du point de vue de leurs besoins commerciaux. Si la Chine importe principalement d'Allemagne des produits électromécaniques, des équipements de transport ferroviaires, des véhicules et des navires, des produits chimiques, des instruments optiques et des équipements médicaux, elle y exporte principalement des appareils électriques, des équipements mécaniques, des matières textiles, des produits chimiques, des articles manufacturés et des jouets. Une relation de coopération s'est ainsi établie entre les industries des deux pays. Deuxièmement, l'Allemagne est l'un des pays qui ont le plus investi en Chine. Fin mars 2015, la Chine avait approuvé 8 675 projets proposés par des entreprises allemandes, pour un investissement total de 24,46 milliards de dollars dans des domaines tels que l'automobile, l'industrie chimique, la production électrique, les transports, l'acier et les télécoms, la plupart de ces projets concernant des entreprises industrielles de haute technicité. Enfin, l'UE reste pour la Chine, depuis le début de la réforme et de l'ouverture, une zone privilégiée d'importation des technologies, et l'Allemagne est le pays européen source des plus importants transferts de technologies. À la fin 2014, la Chine avait acquis 20 907 brevets allemands pour une valeur cumulée de 67,86 milliards de dollars.

De son côté, c'est un peu grâce à sa coopération économique et commerciale avec la Chine que l'Allemagne est devenue la première puissance économique européenne. Selon un récent bilan d'Eurostat, au 1er trimestre 2014, le PIB allemand atteignait 689 milliards de dollars, soit 21,2 % du PIB total de l'UE, faisant du pays la première puissance économique européenne. Depuis l'établissement de la zone euro, la croissance allemande a été nettement plus élevée que la moyenne de l'UE, une conséquence directe de la structure économique de l'Allemagne. De tous les pays européens, l'Allemagne est le pays à l'industrie manufacturière la plus puissante et la plus orientée vers l'exportation, cela alors que la Chine est son premier partenaire commercial dans le domaine industriel. Selon l'UE, en 2015, la Chine était le troisième pays fournisseur de l'Allemagne, après la France et les Pays-Bas, elle représentait 7 % des importations allemandes. Dans le même temps, la Chine est le quatrième pays destinataire des exportations allemandes avec 6,6 % en valeur de ses exportations, derrière les États-Unis, la France et le Royaume-Uni.

Suite à la crise financière, la reprise économique européenne est largement centrée sur le développement de la coopération économique et commerciale avec la Chine. En 2015, l'économie mondiale restait confrontée à de sérieux défis : le taux de croissance tombé à son niveau le plus bas depuis six ans, commerce international encore plus décevant, marchés financiers mondiaux subissant d'importantes fluctuations. Moteur essentiel de la croissance mondiale, la Chine a réussi à maintenir une croissance de 6,9 % en 2015. À l'heure actuelle, le PIB chinois dépasse 10 000 milliards de dollars, chaque point de pourcentage de croissance signifie donc un accroissement d'une valeur de 100 milliards de dollars. Dans un contexte de quasi-récession économique mondiale, la coopération avec la Chine est importante pour tous les pays. Le niveau d'interdépendance économique entre la Chine et les pays de l'UE est de plus en plus élevé. Une bonne relation sino-européenne est donc d'une importance vitale pour le développement économique des deux parties, mais aussi pour l'économie mondiale.

Les relations sino- allemandes propices à la relation sino-européenne

Dans le contexte du ralentissement économique mondial, le volume du commerce sino-allemand a connu une forte baisse en 2015. Selon les informations publiées par l'ambassade de Chine en Allemagne, le volume du commerce entre la Chine et l'Allemagne s'est monté à 156,78 milliards de dollars, une baisse de 11,8 % sur l'année précédente. De ce volume, les exportations de la Chine vers l'Allemagne représentaient 69,16 milliards de dollars, une baisse de 4,9 %, tandis que les importations chinoises se montaient à 87,62 milliards de dollars, en baisse de 16,6 %. En janvier 2016, le volume du commerce sino-allemand était de 12,06 milliards de dollars, soit une baisse de 16,9 % par rapport à l'année précédente, avec des exportations chinoises de 5,86 milliards de dollars, en baisse de 12,4 %, et des importations de 6,2 milliards de dollars, en baisse de 20,7 %. Une forte baisse qui a eu un impact significatif sur le commerce sino-européen qui a de son côté baissé de 7,2 % sur la même période. Pour remédier à cette situation, des mesures énergiques visant à optimiser la coopération économique et commerciale avec l'Allemagne et l'Europe seront nécessaires.

En mars 2014, lors de la visite d'État du président chinois Xi Jinping en Allemagne, les deux parties ont décidé de hisser leurs relations bilatérales au niveau d'un partenariat stratégique tous azimuts, une façon de relancer le développement des relations sino-allemandes. À en juger par l'évolution notée au cours des deux années suivantes, ce partenariat stratégique basé sur les moyens consacrés à cette coopération a porté les relations sino-allemandes vers un nouveau palier.

Le renforcement rapide de la coopération financière entre la Chine et l'Allemagne a connu de bons résultats. En vertu du Programme d'action pour la coopération sino-allemande publié à l'issue du troisième cycle de consultations intergouvernementales bilatérales, la Chine et l'Allemagne ont officiellement établi un dialogue économique et financier de haut niveau, parrainé par des ministères des Finances ainsi que des représentants des Banques centrales et des départements de supervision financière de la Chine et de l'Allemagne. Selon les informations publiées par le ministère chinois des Affaires étrangères, en mars 2014, la Banque populaire de Chine et la Banque fédérale d'Allemagne ont signé le Mémorandum d'entente concernant le mécanisme de compensation en RMB à Francfort. En juin, la filiale de la Banque de Chine à Francfort a été désignée comme la banque de compensation en RMB. En juillet, lors de la visite de Mme Merkel en Chine, la Chine a annoncé le versement de 80 milliards de yuans à l'investisseur institutionnel étranger qualifié en RMB à l'Allemagne. En juillet 2015, la Banque de Chine, la Banque industrielle et commerciale, la Banque de Construction, la Banque des Communications et la Banque agricole disposaient d'un total de 11 agences en Allemagne, tandis que la Banque populaire y établissait un bureau de représentation.

La coopération financière sino-allemande renforce la coopération sino-européenne. Ces dernières années, la Chine a signé des accords d'échange de devises avec de nombreux pays européens et y a établi des chambres de compensation en RMB. En 2015, la Chine et l'Europe ont encore élargi leur coopération financière. La Banque centrale chinoise et la Banque centrale européenne ont organisé, respectivement en avril et en novembre 2015, deux tests d'échange de devises. Elles ont versé des capitaux aux banques commerciales chinoises et de la zone euro. Deux tests qui se sont déroulés avec succès. Dans l'avenir, des opérations d'échange de devises pourront être effectués en cas de besoin. En novembre 2015, China Europe International Exchange a ouvert ses portes à Francfort en fusionnant les capitaux de Shanghai Stock Exchange, de Deutsche Börse et de China Financial Futures Exchanges, et les 199 premiers produits financiers libellés en RMB ont été mis sur le marché. En date du 17 décembre 2015, le volume des transactions conclues chez China Europe International Exchange atteignait 266 millions de yuans, soit largement plus que le total réalisé dans la même période sur d'autres plates-formes d'échanges européennes réservées aux produits chinois.

En ce qui concerne les moyens de coopération, les deux parties approfondissent leur coopération dans les industries manufacturières. En octobre 2015, lors de la visite de Mme Merkel en Chine, les deux parties sont parvenues à un accord de convergence stratégique et de jonction entre les programmes « Made in China 2025 » et « Industrie 4.0 » de l'Allemagne, mais aussi l'amplification de la coopération dans les nouvelles industries stratégiques et les coopérations tripartites sur les capacités de production. En juillet 2015, le premier ministre chinois Li Keqiang a proposé, lors de sa visite en Europe, une coopération sur les capacités de production à développer ensemble sur des marchés tiers sur le modèle inauguré avec la France dans une déclaration conjointe. L'Allemagne a répondu favorablement à cette proposition. Partenaires importants dans l'industrie, la Chine et l'Allemagne espèrent parvenir à créer de nouvelles avancées dans le transfert de capacités de production vers des marchés tiers.

Les relations sino-européennes : de larges perspectives d'avenir

En avril 2014, lors de sa visite en Europe, le président chinois Xi Jinping a proposé un enrichissement des relations bilatérales entre la Chine et l'Europe qui couvre des domaines tels que la paix, la croissance, la réforme et la civilisation, pour porter le partenariat global stratégique sino-européen vers un niveau plus élevé. Depuis deux ans, les relations sino-européennes accueillent des opportunités de développement et continuent à faire de nouveaux progrès. Il reste cependant un grand espace de développement futur, notamment grâce aux relations bilatérales sino-allemandes qui stimulent la relation sino-européenne.

En 2015, les relations entre la Chine et l'Europe se concentraient sur une concordance complète entre concept et stratégie de développement. Un concept de développement innovant, coordonné, durable, ouvert et partagé, ainsi qu'il est formulé par le XIIIe Plan quinquennal correspond bien à la « Stratégie 2020 » de l'UE. En ce qui concerne la stratégie de développement, l'initiative des nouvelles Routes de la Soie et le « Plan Juncker » pour l'Europe comprennent de fortes synergies. C'est pourquoi on a compté en 2015 trois points clé dans les relations sino-européennes. Premièrement, les deux parties ont échangé des participations dans les banques de développement à vocation politique respectives, la BERD pour l'Europe et l'AIIB pour la Chine, en vue de créer ensemble de nouvelles opportunités de coopération. En 2015, ce sont 17 pays européens dont l'Allemagne qui se sont posés en membres fondateurs de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, proposée par la Chine. En décembre 2015, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a approuvé l'entrée de la Chine à son capital. Deuxièmement, la Chine a renforcé sa coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale dans le cadre du programme « 16+1 ». En novembre 2015, le premier ministre chinois Li Keqiang a signé avec ses homologues deux accords intergouvernementaux sino-hongrois et sino-serbe lors du 4e Sommet Chine-Europe centrale et orientale qui se tenait à Suzhou. Dès la fin 2015, les travaux ont été lancés sur la partie serbe de la voie ferrée qui reliera le pays à la Hongrie. Enfin, en 2015, on enregistrait une hausse de 6,9 % entre janvier et novembre des investissements en provenance de l'UE vers la Chine. L'investissement chinois vers l'UE a également connu un élargissement à de nombreux secteurs nouveaux, comme les équipements de construction, les véhicules, la propriété foncière, le transport fluvial, les télécoms, l'énergie, la finance. Après négociations sur l'accord relatif aux investissements entre la Chine et l'UE, l'objectif de parvenir à un accord-cadre et dresser un texte commun d'ici la fin de 2015, fixé lors du 17e Sommet Chine-UE qui s'est tenu en juin 2015, a été concrétisé pour l'essentiel. Cela posera une base plus solide qui permettra d'approfondir le partenariat global stratégique sino-européen.

Les relations bilatérales sino-allemandes doivent quant à elles jouer leur rôle dans le nouveau contexte des relations sino-européennes. Les relations sino-allemandes possèdent de vastes perspectives d'avenir à condition que les deux parties mettent en application le concept annoncé de bénéfice mutuel. Dans cette période critique, il sera crucial de considérer correctement le développement chinois. Dans son discours prononcé à l'université Tongji, le président Gauck a cité Mme Merkel qui avait déclaré, lors de sa visite à Beijing : « Si l'économie chinoise évolue dans un sens favorable, le monde entier en profitera ». Une attitude sans aucun doute positive et constructive. Lors de son entretien avec le président chinois Xi Jinping, M. Gauck a indiqué qu'en dépit de systèmes sociaux différents, les deux parties parviennent à développer une relation bilatérale basée sur le respect réciproque et la confiance mutuelle. Comme l'a souligné M. Gauck, c'est ainsi et seulement ainsi que les relations sino-allemandes pourront développer des bases solides marquées par la confiance et la fiabilité.

 

*TIAN DEWEN est chercheur à l'Institut de recherche sur l'Europe qui dépend de l'Académie des sciences sociales de Chine.

 

 

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