CHINAHOY

4-May-2016

Un maximum de minimalisme

 

Rien de superflu, rien qui traîne, un intérieur rangé et propre, voilà le but des membres du groupe Vie minimaliste.

 

Vivre avec le minimum, sans s'encombrer de superflu, voilà une nouvelle tendance récemment apparue chez les jeunes chinois. Un forum appelé « Vie minimaliste » guide même ceux-ci pour se défaire du matériel et mieux profiter de la vie.

GONG HAN, membre de la rédaction

On a souvent des centaines d'applications dans son smart phone, mais on n'en utilise en moyenne qu'une dizaine. Pareil pour les armoires où l'on entasse des habits mais dont on ne porte en réalité que quelques-uns. On fait des stocks de nourriture et de produits pour la maison, on accumule les livres, que l'on ne lit en général qu'une fois. On passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux alors qu'on compte ses amis « réels » sur les doigts d'une main.

Ces illogismes dans notre vie quotidienne ne sont pas étrangers à la Chine. Le consumérisme, l'abondance de ressources et de marchandises dépassent les besoins réels des gens. Aujourd'hui, certains jeunes chinois lancent un défi à ce phénomène, en essayant de lancer un mode de vie minimaliste.

Se défaire du matériel

Sur le forum chinois Douban existe un groupe baptisé « Vie minimaliste » qui compte plus de 30 000 membres. Créé le 26 janvier 2012, ce groupe s'est lancé dans la promotion d'un mode de vie minimaliste qui ne rime pas avec frugalité et privations mais se veut un mode vie plus humaniste, économique, écologique, détendu et joyeux.

C'est en défaisant ses sacs sur le plancher de son nouvel appartement après un déménagement qu'une membre du groupe remarque que plus de la moitié du contenu de ses sacs est inutile. Après un premier tri, elle décide d'en jeter les deux tiers.

Après cela, elle n'achète plus aucun matériel électroménager ni autres objets superflus. « Je ne m'interdis pas d'acheter, c'est juste que je n'ai rien envie d'acheter. Je me rends compte qu'on a besoin de pas grand-chose. La qualité de vie ne baisse pas en ayant moins, au contraire », explique-t-elle.

Helen, un autre membre du groupe, fait une liste de ce qu'elle a trié : en tout, 30 kg d'objets, entre autres, deux caissons de basses pour TV, une paire de haut-parleurs, un grille-pain inutilisé depuis plus d'un an, une plaque de cuisson électrique inutilisée depuis six mois et tous les cintres en fil de fer du pressing qu'elle gardait toujours « au cas où ». Après avoir fait le tri entre ses papiers, elle jette tout ce qui ne lui sert plus. Elle ne demande plus de nouvelle carte bancaire et ne garde que les cartes de fidélité qu'elle utilise le plus souvent, essentiellement des cartes de supermarché et d'hôpital. Elle attend un certain temps avant d'acheter des choses dont elle a envie pour savoir s'il elle a vraiment besoin. Elle évite aussi l'achat groupé avec les collègues.

« Posséder peu, en user avec parcimonie, et se défaire avec détermination » est la clé de la joie de vivre une vie minimaliste pour Helen.

Certains utilisateurs résument des règles pour les achats quand on veut vivre de façon minimaliste. Celles-ci tiennent en quatre questions : Besoin ou pas ? Est-ce irremplaçable ? Est-ce louable ? Est-ce approprié ? Si vous pouvez répondre « oui » à ces quatre questions, il faut encore utiliser très fréquemment cet objet pour lui donner une vraie valeur.

La prémisse de la vie minimaliste est de posséder déjà beaucoup et d'avoir la capacité d'acheter, ce qui peut expliquer pourquoi ceux qui pratiquent cette philosophie sont surtout des jeunes. Par rapport à la génération précédente qui a subi une longue période de privation matérielle, les jeunes chinois n'ont pas de sentiment de manque.

Ils ont également une mentalité plus ouverte. Pour eux, la vraie frugalité dans la vie se manifeste par « tenir aux choses que l'on aime », et non pas en gardant les objets pour ne pas gaspiller. Cela s'applique aussi à l'organisation de son temps et de son énergie.

Pas une vie d'ascète

Au mois d'avril 2016, des membres du groupe ont lancé une activité en ligne : 30 jours de minimalisme. La règle est simple : jeter un objet le premier jour, deux objets le deuxième jour, et ainsi de suite jusqu'à jeter 30 objets le dernier jour.

L'organisatrice de l'activité appelle à ne pas « jeter pour jeter ». Elle espère en fait aider les participants à s'émanciper le plus possible de l'influence des objets inusités dans leur environnement. Elle explique aussi que si une chose peut être utile pour les autres, il ne faut pas la jeter à la poubelle. Le choix des objets n'a pas de critère, il faut juste se débarrasser de ce qui ne sert pas.

Beaucoup remettront en question ce défi en disant que ce n'est en fait qu'un grand débarras. L'organisatrice rétorque : « Chacun décide pendant combien de jours il participe au défi. Ensuite chacun est libre de continuer d'explorer la vie en dehors du matériel après avoir trouvé un point d'équilibre dans sa vie matérielle. »

Ce que le minimalisme recommande n'est pas une vie d'ascète résistant à toutes les jouissances. Les adeptes du minimalisme préfèrent en fait acheter des produits de bonne qualité mais dans la limite de leurs capacités, cela pour en prendre soin, éviter ainsi le gaspillage et l'accumulation d'articles à bas prix.

C'est pourquoi les personnes qui vivent de cette façon possèdent souvent les meilleurs téléphones portables, portent des chaussures en cuir chères qui sont presque inusables, et possèdent une liseuse Kindle. Ils préfèrent dépenser leur argent pour des voyages et des activités sociales.

Retrouver le vrai sens de la vie

Si le minimalisme ne se manifestait que par le refus d'acheter et le rejet du matériel, cette mode ne pourrait pas être populaire. Pour beaucoup de ceux qui pratiquent ce style de vie, c'est un moyen de retrouver le sens de la vie et de savoir ses vrais besoins intérieurs.

Que se cache-t-il derrière l'accumulation matérielle ? Beaucoup de raisons : l'impulsivité, le consumérisme, la recherche d'un sentiment de sécurité par la possession matérielle, la mode, l'envie de posséder ce que les autres ont, l'attachement aux souvenirs ou aux personnes , le manque de courage devant le chaos de sa vie, le besoin de stimuli par le portable et les informations, l'incapacité de supporter la solitude, la difficulté à organiser son temps et canaliser son énergie dans les choses authentiques.

Une vie complexe et désordonnée reflète les inquiétudes et la confusion intérieure des gens à notre époque. C'est pourquoi beaucoup se sentent « guéris » et ont l'impression d'être plus énergiques après avoir commencé à vivre avec le minimum.

« Constamment, on nous fait croire qu'on a besoin de ci, de ça. Mais très souvent, ce dont on a besoin n'est pas du matériel, mais de la nouveauté. Le minimalisme est en cela différent de l'ascétisme dans le fait qu'il n'interdit pas nos désirs. Mais il permet de s'émanciper de l'oppression matérielle pour mieux vivre. Il ne nie pas l'utilité des objets, mais exige de mieux les utiliser, pour qu'ils deviennent utiles à la vie. Par le minimalisme, on s'intéresse à la vraie vie et on peut éviter l'aliénation par le matériel », explique Yiqin Fu.

Le minimalisme rend la vie plus simple et plus réglée. Un membre du groupe de Vie minimaliste raconte qu'après un an à pratiquer le minimalisme, elle a réussi à arrêter de toujours tout remettre au lendemain, à résister à la tentation de toujours acheter, et a pris l'habitude de tenir sa maison rangée et propre. Elle a entraîné ses parents dans son sillage, qui eux aussi ont pris l'habitude de tout ranger et de ne garder que le strict nécessaire sans se sentir frustrés par l'impression d'avoir gaspillé ou jeté des choses « qui auraient pu servir ».

Le minimalisme concerne également la sélection des informations dans notre société moderne et connectée. Les « minimalistes » désinstallent de leur portable les applications obsolètes, vident régulièrement leur boîte email, annulent leurs abonnements aux comptes et autres groupes non indispensables sur les réseaux sociaux. N'étant plus rivés à leur portable ou leur ordinateur, ils font plus attention aux contacts avec leurs amis dans la vie réelle et à leurs vrais centres d'intérêt.

« En se défaisant du superflu, on peut se rendre compte de l'influence du matériel sur la vie et revenir à l'essentiel en mettant de côté les choses qui ne sont pas nécessaires à notre vie quotidienne, c'est comme ça que je conçois le minimalisme », conclut Oscar, le fondateur du groupe sur Douban.

 

 

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