CHINAHOY

5-April-2016

Internet+ et la vulgarisation scientifique

 

Des enfants et des bénévoles visitent le Parc forestier olympique pour étudier la faune nocturne. (PHOTO:

 

HU YUE, membre de la rédaction

Le 11 janvier 2016, une soirée spéciale s'est tenue au Centre national des conventions de Beijing. Les performances proposées : danses, chants, sketchs et prestidigitation, étaient celles qu'on est habitué à voir lors de ce genre de soirées, mais les acteurs et les gens derrière ce spectacle étaient en fait des scientifiques. Une pièce de l'opéra de Beijing jouée en costumes traditionnels racontait l'histoire du procès de Galileo Galilei au XVIIe siècle. Les spectateurs ont aussi beaucoup apprécié le one-man show à propos du film de Feng Xiaogang, Mr. Six, par un nutritionniste de l'hôpital du Temple du Ciel à Beijing, Gu Zhongyi.

La soirée était organisée par Guokr.com, site web de vulgarisation scientifique.

De « Songshuhui » à Guokr

Pendant le gala, Ji Xiaohua, 38 ans et PDG de Guokr, a donné un discours devant les 300 spectateurs réunis, dont des scientifiques, des personnes spécialisées dans la vulgarisation scientifique, des journalistes, et des amateurs des sciences.

Ji Xiaohua a commencé à écrire des articles de vulgarisation scientifique il y a une dizaine d'années alors qu'il était chercheur-doctorant en neurobiologie de l'université Fudan de Shanghai. Ses articles au style simple, amusant et facile à comprendre sont devenus très populaires au sein des lecteurs, car ceux-ci sont différents des thèses scientifiques rébarbatives et obscures au grand public.

En 2007, après ses études universitaires, contre toute attente, il a choisi de devenir écrivain. C'est ainsi qu'il est devenu connu en Chine dans le milieu de la vulgarisation scientifique. En avril 2008, il crée Songshuhui (association des écureuils), un site de blogs de vulganisation scientifique. Les bloggeurs du site sont appelés « les écureuils » et sont pour la plupart docteurs et ou chercheurs dans des instituts scientifiques en Chine ou à l'étranger. Leur avantage est de pouvoir expliquer simplement des thèses scientifiques compliquées. D'où une popularité acquise rapidement à travers tout le pays. Fin 2008, Songshuhui avait réussi à recueillir 30 000 visites quotidiennes.

En 2009, Ji Shisan et ses bloggeurs se mettent à organiser des activités off-line, car la rédaction d'articles sur le blog ne les satisfait plus. Après 24 « Carnavals scientifiques » cette année-là, Songshuhui a réussi à regrouper un encore plus grand nombre de fans. Ces évènements ont également fait voir à Ji Xiaohua la nécessité de transformer son équipe.

« Comme nous sommes une association d'intérêt public sans but lucratif, il y a beaucoup de projets commerciaux que nous ne pouvions pas réaliser sur Songshuhui. » De plus, Songshuhui fonctionnant sur le mode du bénévolat, cela ne permettait pas de continuer à fonctionner correctement, certains bloggeurs désertaient à cause de la pression du travail.

Pendant cette période, le concept d'Internet+ n'existait pas encore, mais les exemples de succès d'entreprises comme Alibaba étaient déjà nombreux, et beaucoup de capital-risqueurs avaient remarqué l'émergence du nouveau domaine de la vulgarisation scientifique sur le web. Quand un investisseur a proposé une coopération à Ji Xiaohua, celui-ci n'a pas hésité et en 2010, Guokr a été mis en ligne.

À la différence de Songshuhui, Guokr est ouvert à tous les internautes, c'est en fait un réseau social et un nouveau média. « Il y a plusieurs dizaines de millions de gens qui veulent partager leurs connaissances scientifiques et apprendre plus. Ce sont nos utilisateurs. »

Lors de la création de Guokr, Ji Xiaohua dit avoir mis l'accent sur la rentabilité du site.

Au début de Guokr, une rubrique pour casser les rumeurs et faire la guerre à la pseudo-science sur Internet en Chine à été lancée. Elle imite le programme télévisé « MythBusters » de la chaîne américaine Discovery. Grâce à ses contenus intéressants, Guokr s'est très vite imposé comme une référence de la vulgarisation scientifique sur le web en Chine. Mais trouver un modèle de fonctionnement rentable reste toujours un défi.

En juillet 2013, l'équipe de Ji Xiaohua a lancé la plate-forme MOOC (massive open online course), des cours en ligne ouverts à tous à l'instar de certaines universités américaines en 2012. Ceux de Guokr ont suivi la tendance éducative internationale. En un an, les cours ont attiré plus d'un million d'abonnés et réussi à établir une coopération avec plus d'une vingtaine de programmes en ligne éducatifs internationaux, y compris le Coursera aux États-Unis.

Selon Ji Xiaohua, le but de ces cours en ligne est de changer les « relations entre l'homme et la connaissance ». Le projet lui a permis d'obtenir un investissement de 20 millions de dollars fin 2014. Guokr, soit Internet+ et la vulgarisation scientifique, sont sur une pente ascendante.

Un soutien de la part de la société

Le succès de Guokr n'est pas dû au hasard. En Chine, un autre site web partage la même réputation dans ce même domaine : Zhihu.com. Ce site web créé en 2010 souhaite permettre à ses utilisateurs de créer, d'éditer et d'organiser des tests questions-réponses sur des sujets de connaissances scientifiques et de la vie quotidienne, un peu comme le Quora aux États-Unis. La vulgarisation scientifique occupe une partie considérable des contenus du site.

La différence avec Guokr est que Zhihu mise sur la création d'une plate-forme destinée aux Chinois. Aujourd'hui, le nombre de ses utilisateurs et son influence ne sont pas du tout mal par rapport au Guokr.

L'ère de la vulgarisation scientifique a permis à Guokr et Zhihu d'obtenir leur succès. « L'environnement est de plus en plus favorable à la vulgarisation scientifique », assure Ji Xiaohua. Grâce à la croissance économique, la classe moyenne chinoise grandit rapidement. Les gens pensent non seulement à la nourriture, au logement et au transport, mais aussi à la sécurité des aliments et la pollution atmosphérique. Donc les connaissances scientifiques liées sont aussi importantes pour eux. Dès lors, vulgariser les connaissances scientifiques ne se limite pas qu'à l'éducation des enfants, mais aussi aux adultes. Les ouvrages de vulgarisation scientifique sont au premier rang des best-sellers en Chine. Et depuis ces dernières années, l'histoire naturelle est aussi de plus en plus populaire.

C'est grâce à cet environnement que Guokr a été rapidement plébiscité par les Chinois, et surtout les jeunes. « La rédaction de Guokr se base toujours sur l'actualité scientifique du moment, nous explique Ji Xiaohua. En 2015, quand Tu Youyou a gagné le prix Nobel de physiologie grâce à ses recherches sur l'artémisinine, Guokr a tout de suite suivi l'information et présenté les connaissances concernant le sujet.

Quand en janvier 2016, Google a lancé AlphaGo, un logiciel capable de jouer au jeu de go qui a battu Fan Hui, joueur professionnel chinois et champion d'Europe de jeu de go, Guokr a fait un sujet du point de vue de l'intelligence artificielle et de la neurologie. Il a aussi fait l'interview de joueurs chinois pour expliquer les connaissances liées au jeu de go. Ces sujets opportuns satisfont non seulement la curiosité des lecteurs, mais aussi permettent aux gens d'acquérir des connaissances scientifiques. »

Quant aux moyens de diffusion, Guokr a aussi fait beaucoup d'essais. Avec le rapport profond, les photos, et la questions et réponses, Guokr attire plus d'un millions de fans sur Weibo et WeChat. Ji Xiaohua déclare : « Le développement du web et de l'Internet mobile rend la science, souvent vue comme rébarbative plus ludique. En plus, la vulgarisation scientifique se rapproche des gens grâce aux nouvelles techniques et aux nouveaux médias. »

Coopération entre le gouvernement et le marché

Selon Ji Xiaohua, le succès de Guokr dépend du soutien gouvernemental dans le domaine d'« Internet+ la vulgarisation scientifique ». « Le gouvernement a non seulement fourni des soutiens politiques, mais aide aussi les entreprises privées comme Guokr à participer aux projets scientifiques gouvernementaux. »

Les gens ont confiance dans les perspectives d'« Internet+ et la vulgarisation scientifique ». Par exemple, Tencent, la plus grande entreprise du web chinoise, a aussi développé ses activités dans ce domaine. Le 30 avril 2015, Shang Yong, vice-président exécutif de l'Association des sciences et technologies de Chine a signé un contrat avec Ma Huateng, PDG de Tencent, sur la coopération dans le domaine d'« Internet+ et la vulgarisation scientifique », pour créer le projet de Science Communication China.

Ce projet a été créée en 2014 par l'Association des sciences et technologies de Chine. C'est un ensemble de programmes et de projets scientifiques pionniers mis en place par le gouvernement chinois. Aujourd'hui, les terminaux intelligents, portable, tablette, sont à la pointe de la vulgarisation scientifique. Celle-ci peut donc être faite de façon ciblée, après avoir étudié les intérêts des utilisateurs à travers les techniques comme le Cloud computing, le Big Data et l'analyse personnalisée. En six mois, une coopération active a été mise en place. En septembre de la même année, www.kepuchina.org a été mis en ligne.

Grâce aux soutiens du gouvernement et de la société ainsi qu'au marché en Chine, Guokr peut être confiant en son avenir. Mais selon Ji Xiaohua, par rapport aux pays occidentaux, la vulgarinisation scientifique en Chine est encore en retard. « Les scientifiques occidentaux sont forts pour expliquer d'une façon facile et abordable et ils participent à beaucoup d'activités publiques. Mais en Chine, les scientifiques sont encore trop souvent enfermés dans leur tour d'ivoire. Mais de nombreux volontaires fournissent leur temps et énergie pour la vulgarinisation scientifique, il faut donc protéger leur droit et préserver leur passion pour cette cause. » Toutefois, Ji Xiaohua est plutôt optimiste : « En Chine, la vulgarinisation scientifique se développe de mieux en mieux, grâce non seulement au soutien officiel, mais aussi à la participation des gens. »

 

 

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