- Accueil
- Questionnaire
- Médecine chinoise
- Toit du monde
- Cuisine
- Livre
- Proverbe
- Francosphère
- A la chinoise
- Tendance
- Mots clés
- Aux quatre coins du pays
- Objets d'art
- Sci-Edu
- Environnement
- Personnalité
- Sport
- Tourisme
- Culture
- Economie
- Société
- Focus
- Convergence
- Propos d’expert
- Reportage spécial
- Dossier
- Galerie photo
- Actualité
He Yafei : un nouveau rôle pour la Chine dans la gouvernance mondiale
![]() |
He Yafei. |
LI HONG*
Il y a peu de temps, un livre intitulé China’s Historical Choice in Global Gouvernance a été publié, d’abord à Beijing puis à Hong Kong. Son auteur, He Yafei, est un ancien diplomate chevronné, désormais directeur adjoint du Bureau du Conseil des affaires d’État pour les affaires des Chinois d’outre-mer. Pour lui, la Chine, en tant que grand pays, doit saisir les occasions qui se présentent à elle pour participer activement à la restructuration du système de gouvernance mondiale et ainsi y jouer un rôle constructif de premier plan.
Genèse du livre
M. He a travaillé à l’ambassade de Chine aux États-Unis, ainsi qu’au siège de l’ONU. Il a encore été directeur général du département des affaires d’Amérique du Nord et d’Océanie au ministère chinois des Affaires étrangères, puis vice-ministre dans ce ministère. La diplomatie chinoise à l’égard des États-Unis n’a donc plus de secret pour lui.
Lors d’un séminaire sur les relations Chine–États-Unis, organisé il y a deux ans à l’université de Beijing, He Yafei a prononcé un discours, qui a été suivi avec intérêt par les chercheurs et spécialistes en relations internationales présents, lesquels étaient issus de cette université de Beijing et de Harvard.
Dans son allocution, il a indiqué que la Chine et les États-Unis, deuxième et première économies du monde ainsi que membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, exerceraient une influence considérable sur l’échiquier mondial et sur le règlement des dossiers planétaires. Selon lui, il convient de se pencher en premier lieu sur la gouvernance mondiale et de résoudre à travers la coopération les défis et les problèmes mondiaux, pour renforcer progressivement et stratégiquement la confiance entre les deux pays.
Son intervention a eu de bons échos auprès des chercheurs chinois et américains. L’organisateur du séminaire a alors invité M. He à écrire pour International Strategy Review, la revue de l’université, un article traitant de la gouvernance mondiale, du G20 ainsi que de la coopération sino-américaine. Après la publication de celui-ci, des érudits, particulièrement intéressés par le contenu, ont sollicité He Yafei de le développer encore, d’expliciter plus en détail ses points de vue en rédigeant un ouvrage. Ainsi est né China’s Historical Choice in Global Gouvernance.
He Yafei déclare qu’au fil de sa longue carrière diplomatique, il a lui-même vécu les négociations qui ont eu lieu sur des dossiers internationaux majeurs et des questions d’actualité épineuses, comme celles à l’ONU sur le changement climatique, celles sur le programme nucléaire de l’Iran ou encore les pourparlers à six sur le problème du nucléaire nord-coréen. Surtout après la crise financière de 2008, il a participé à une série de sommets pour faire face au marasme. À ce moment-là, il a profondément senti que dans le domaine de la gouvernance mondiale, la Chine pourrait jouer un rôle considérable en prenant part à la coopération entre grands pays.
Ayant assumé successivement les fonctions de conseiller à la Mission permanente de la Chine auprès de l’ONU, ainsi que représentant de la Mission permanente de la Chine auprès de l’Office des Nations unies à Genève et d’autres organisations internationales en Suisse, He Yafei sait parfaitement quelle fut l’implication de la Chine dans la gouvernance mondiale au cours de l’histoire. Il rappelle qu’elle commença relativement tard. La diplomatie chinoise remonte à la fin de la dynastie des Qing (1644-1911), lorsque les canons et les navires des pays occidentaux forcèrent les portes du territoire chinois. Pris en étau entre ces invasions étrangères et les troubles internes, le gouvernement des Qing se laissa dominer par les autres pays. Il fallut attendre 1978, date du lancement de la réforme et de l’ouverture, pour que la Chine se mette à participer de manière active, non plus passive, à la gouvernance mondiale. En 2012, lors du XVIIIe Congrès du PCC, le secrétaire général Xi Jinping a proposé le concept des « relations entre grands pays aux caractéristiques chinoises ». Depuis, le pays joue un rôle important à l’extérieur de ses frontières, en proposant programmes et initiatives. Désormais, la sagesse chinoise contribue à la gouvernance politique et économique mondiale.
He Yafei a entamé son livre en avril 2014 et en a achevé le manuscrit à la fin de cette même année. Puis, ses écrits ont été traduits en anglais. Dans son livre, il raconte ses expériences et réflexions personnelles en matière de diplomatie. Se basant sur la théorie et la pratique, l’auteur propose une nouvelle approche hautement détaillée de la gouvernance mondiale et du rôle que la Chine y joue, tout en partageant ses opinions et suggestions. L’ex-premier ministre australien Kevin Rudd, après avoir parcouru l’ouvrage, a affirmé : « L’avis de l’écrivain sur la gouvernance mondiale et la position historique de la Chine donne vraiment à réfléchir. » En retour, He Yafei a exprimé l’espoir que sa publication pousse la société à se soucier de cette thématique et à en discuter.
![]() |
Le président chinois Xi Jinping au 6e sommet des BRICS, qui a eu lieu dans la ville brésilienne de Fortaleza. |
Bras de fer à Francfort
M. He Yafei évoque d’abord la structure de la gouvernance mondiale avant la crise financière. Le système de l’époque moderne date des accords de Yalta signés en 1945, centrés sur l’ONU, ses institutions spécialisées ainsi que ses organes subsidiaires. Outre l’ONU, ce système prenait en considération le Groupe de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international ainsi que l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, tous associés aux accords de Bretton Woods. Après les années 1970, le G7 est devenu le « club des grandes puissances » via lequel les pays les plus développés géraient l’économie et la politique mondiales. Depuis les années 90, avec la montée massive des pays émergents, dont la Chine, l’Inde et le Brésil sont les représentants, l’écart de puissance entre les économies émergentes et les pays développés s’est considérablement réduit. Depuis 2003, le G7 a invité, selon les sujets à discuter, les représentants des pays émergents à venir participer aux discussions, pour former peu à peu des mécanismes de dialogue comme le G7/8+5 (5 fait référence aux cinq pays émergents que sont la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Mexique ; le G8 inclut la Russie). Néanmoins, le G7 reste toujours la plate-forme principale donnant aux pays développés la prérogative d’administrer l’économie et la politique mondiales.
Avec la mondialisation économique, cette situation a doucement changé. En 2008, la crise financière a éclaté à Wall Street, s’étendant rapidement au reste du monde. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont rapidement compris que les pays occidentaux, seuls, ne seraient pas à même de se sortir d’une telle crise, de sorte qu’une coopération entre pays en développement, pays émergents et pays à économie de marché était nécessaire.
Un dîner spécial a eu lieu à Francfort en août de la même année. He Yafei y a participé à titre de coordinateur pour la Chine. Cette expérience inoubliable est décrite dans son livre : « Le soleil se couchait tandis que soufflait une brise rafraîchissante. Les coordinateurs des cinq pays présents (la Chine, les États-Unis, la Grande- Bretagne, l’Allemagne et la France), tous membres du G20 arrivèrent discrètement, chacun accompagné d’un attaché, au restaurant aménagé provisoirement dans le siège de la Deutsche Bundesbank. Ils prirent ensemble un repas “qui n’eut jamais lieu”, pour employer des termes diplomatiques. » Il a expliqué plus loin : « Il s’agit d’un subterfuge diplomatique courant. On dit d’un événement qu’il “n’a jamais eu lieu” car personne ne souhaite que l’affaire s’ébruite. Il est tout à fait normal que des diplomates mangent ensemble. Un dicton affirme que “la diplomatie se joue dans l’assiette”, ce qui est vrai dans une certaine mesure. Toutefois, partager un plat ou boire un café ensemble ne sont que des vétilles. Ce sont l’objet et le contenu de l’entretien au cours du repas qui importent. » Alors, entre deux toasts, de quoi les cinq coordinateurs ont-ils bien pu parler autour de cette table ?
Le sujet de leur entretien : quel mécanisme serait désormais le plus approprié pour permettre aux grands pays de coordonner les affaires économiques mondiales ? Selon M. He, tous les pays réfléchissaient à cette question à l’époque. La Chine a pris conscience que se présentait devant elle une occasion historique de réformer la gouvernance mondiale, estimant que le G20 – comprenant l’Argentine, l’Australie, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Turquie, etc. – dispose d’une représentativité raisonnable dans l’ensemble. Par ailleurs, comme le G7 n’avait pas la force de surmonter la crise financière majeure, il fallait avoir recours au G20, de sorte que les solutions seraient discutées entre pays développés et pays en développement. Mais cela impliquait la transformation des institutions de gouvernance mondiale. On n’était pas sûr de pouvoir mettre en œuvre cette réforme à ce moment-là.
Lors d’une concertation en petit comité entre la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni, la Chine a exposé ce point de vue. Les deux autres pays, notant l’actuel changement du contexte mondial, ont reconnu que le G7 peinait à assumer sa tâche de gérer les affaires économiques mondiales, un fait mis en exergue par la crise financière. Cependant, des pays comme la France, le Japon et l’Italie ne partageaient pas la même opinion, notamment parce qu’ils disposaient d’un plus grand droit de parole au sein du G7 qu’au sein du G20. Ces derniers voulaient donc, pour régler la crise financière, utiliser le modèle G7+5, à savoir un mécanisme de dialogue informel entre les dirigeants des pays développés et ceux des pays en développement. Mais au dîner de Francfort, à force d’échanges et de consultations, les coordinateurs des 5 pays sont finalement parvenus à un consensus de base selon lequel « le G20 remplacera le G7 en tant que principale plate-forme de gouvernance économique mondiale ». L’idée a ensuite été rapportée aux dirigeants de tous les pays concernés pour examen.
Pour trouver des solutions face à la crise financière s’aggravant, la rencontre du G20, créée en 1999, est passée du niveau de conférence ministérielle informelle à celui de sommet. Le 1er sommet a eu lieu à Washington en novembre 2008 ; le 2e, à Londres en avril 2009.
Une transformation en marche
Le 25 septembre 2009, le 3e sommet du G20 s’est tenu à Pittsburgh, aux États-Unis. À l’issue de cette rencontre, a été publiée la Déclaration des dirigeants, annonçant officiellement que le G20 remplaçait désormais le G7 en tant que « principale plate-forme de coopération économique internationale ». He Yafei estime qu’un tournant a été marqué en cette année 2009 : ce sommet du G20 a donné le coup d’envoi à la réforme de la gouvernance mondiale.
La « mise à jour » du G20, soulignant l’importance des économies émergentes comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, reflète la situation du monde d’aujourd’hui, a commenté un média occidental. La force des économies émergentes, représentées par les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), est de plus en plus reconnue par les hommes politiques des puissances occidentales.
M. He ajoute qu’il y a eu une entente au sein du G20 : le G7 ne doit plus discuter des questions économiques mondiales avant le sommet du G20, ce dernier devant donner le ton. Ainsi, le mécanisme G8+5 a été dissous.
Depuis ce sommet de 2009, poursuit-il, les pays développés et les pays en développement représentent chacun une moitié du paysage de la gouvernance mondiale. Pour résoudre les problèmes structurels du système économique et financier mondial, il faut que tous les grands pays, ceux en développement y compris, collaborent pour parvenir à un consensus.
Pour He Yafei, ce n’est autre qu’une tendance inhérente au progrès historique. Et la Chine compte bien sauter sur l’occasion pour promouvoir la restructuration de la gouvernance mondiale, afin de faire évoluer les relations entre la Chine et le monde.
He Yafei considère que pour faire face à la crise financière internationale, les services diplomatiques, économiques et financiers doivent œuvrer de concert. Lorsqu’il a servi de coordinateur de la Chine lors des négociations à Francfort, il a ressenti très clairement que son pays, jouant un rôle moteur au G20, gagnait en capacité économique et en droit de parole dans les affaires internationales.
Les mesures de relance de 4 000 milliards de yuans, lancées par le gouvernement chinois avant le sommet du G20 de Washington en 2008, ont hautement contribué à la reprise économique, selon He Yafei. Au sommet de Londres en avril 2009, l’une des tâches urgentes du G20 était d’élargir la disponibilité des fonds existants au FMI. Comme la Chine est le plus gros détenteur de réserves de change au monde, elle était au centre de l’attention. Elle s’est engagée à acheter des obligations du FMI pour un montant de 50 milliards de dollars environ. Un exemple pour les autres pays, puisque plus tard, le budget du FMI a grossi jusqu’à 1 000 milliards de dollars, assez pour rétablir la confiance en l’avenir de l’économie mondiale. À travers ses efforts pour lutter contre la crise financière internationale et accélérer la reprise de l’économie mondiale, la Chine a contribué à hauteur de 52 % à la croissance du PIB mondial entre 2008 et 2013. Par des actes concrets, elle s’est donné l’image d’un grand pays responsable.
Des programmes chinois
Selon He Yafei, la Chine, au fil de l’évolution du contexte international et de sa propre situation, a été happée par la vague de la mondialisation. Le développement de la Chine est indissociable de celui du monde, tout comme le monde, pour se développer, a besoin de la Chine. Au cours de sa carrière diplomatique, He Yafei a constaté que la Chine est passée du statut de grand pays régional à celui de grand pays mondial désormais en passe de devenir une grande puissance planétaire. Selon lui, pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation, la Chine doit jouer un rôle pilote constructif dans la gouvernance mondiale et savoir proposer des programmes chinois, tout comme l’avait indiqué Xi Jinping.
He Yafei a réalisé l’importance pour un pays de participer à la gouvernance mondiale et à l’élaboration de règles internationales alors qu’il travaillait à Genève. Selon lui, les négociations visant à résoudre les problèmes épineux, tels que les défis du changement climatique ou de la sécurité énergétique, touchent de près aux intérêts de chaque pays en matière de développement. Toutefois, par le passé, la Chine restait passive et n’avait pas le droit à la parole dans l’établissement des règles internationales. Le pays s’étant depuis renforcé sur tous les fronts, son influence dans les affaires internationales est en hausse. Depuis le XVIIIe Congrès du PCC, le secrétaire général Xi Jinping a vigoureusement promu l’innovation théorique et pratique dans les relations avec l’étranger, créant un nouveau concept de « diplomatie entre grands pays aux caractéristiques chinoises ».
La Chine participe aujourd’hui activement à la gouvernance mondiale. Elle a préconisé la création d’un partenariat en Asie-Pacifique, partenariat marqué par la confiance mutuelle, la tolérance, la coopération ainsi que les bénéfices mutuels, et poussé par l’ambition commune des différentes parties à établir une zone de libre-échange dans cette région. De plus, la Chine a soutenu la fondation de la Banque de développement des BRICS et le lancement du Fonds de réserve d’urgence des BRICS destiné à aider les pays en développement dans la difficulté. La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, sur l’initiative de la Chine, a également reçu une réponse positive de la part de nombreux pays, dont le Royaume- Uni. Tous ces exemples prouvent que, dans le domaine de la gouvernance mondiale, la Chine est devenue un participant à l’instauration de nouveaux règlements et une vraie force pour défendre les intérêts globaux des pays en développement.
He Yafei rappelle qu’à la fin de l’année 2014, la Chine a proposé une « double approche » pour résoudre les questions en mer de Chine méridionale. Celles portant sur les droits et intérêts maritimes des pays ainsi que la souveraineté ne peuvent être résolues que par voie de négociations bilatérales ; pour les autres, y compris celle concernant l’exploitation des ressources, elles peuvent être traitées via des mécanismes multilatéraux. En outre, pour ce qui est des dossiers d’actualité tels que la crise ukrainienne, la guerre civile syrienne, le programme nucléaire en Iran, le conflit israélo-palestinien, les troubles en Afghanistan, le problème du nucléaire nord-coréen, les combats entre le Soudan du Sud et le Soudan du Nord, ainsi que les griefs historiques qui persistent entre l’Inde et le Pakistan, la Chine adopte une position ferme, objective et impartiale, tout en recherchant énergiquement à offrir sa médiation et à trouver des solutions sûres. Ainsi, la Chine joue de plus en plus un rôle constructif dans le processus de règlement des affaires politiques.
Ces dernières années, des initiatives ou programmes chinois, comme la Ceinture économique de la Route de la Soie et la Route maritime de la Soie du XXIe siècle, ont attiré l’attention du monde. Ils ont fait l’objet d’un large soutien à travers le globe et reçu une multitude de réponses positives.
Selon M. He Yafei, dans la gouvernance mondiale, la Chine a suivi la marche suivante : passivité, participation ordinaire, participation active et participation à titre de leader. En 2016, la Chine accueillera le sommet du G20. Et puisque la Chine en assurera la présidence tournante, c’est celle qui, parmi la troïka du G20 (Chine, États-Unis et Union européenne), disposera du plus grand droit de parole dans la définition de l’ordre du jour. Ces prochaines années seront donc sources d’opportunités historiques pour la Chine. Qu’elle endosse pleinement son rôle de chef de file dans la réforme de la gouvernance mondiale, c’est également ce qu’espèrent de nombreux pays.
*LI HONG est journaliste pour Radio Chine Internationale.
La Chine au présent
Propos d’expert
- Pour une version améliorée des relations sino-européennes
- Le Japon doit reconnaître sa responsabilité historique
- He Yafei : un nouveau rôle pour la Chine dans la gouvernance mondiale
- Excellentes opportunités pour les relations commerciales sino-françaises
Dimitri de Boer s’associe à la protection environnementale en Chine
- La Chine se dirige vers un environnement plus sain
- La transformation économique : une nouvelle opportunité pour la Chine