CHINAHOY

1-June-2015

Dimitri de Boer s’associe à la protection environnementale en Chine

 

Interview d’un expert en gestion environnementale qui apporte son concours à la Chine depuis une dizaine d’années.

 

 

ANAÏS CHAILLOLEAU et MA HUIYUAN, membres de la rédaction

 

 

Début 2014, le premier ministre chinois Li Keqiang a résolument déclaré la « guerre à la pollution ». Dès avril de la même année, la Loi sur la protection environnementale, adoptée en 1989, a été amendée. Il s’agit d’un geste témoignant de la volonté ferme des autorités et de la population chinoises de lutter plus fermement contre la pollution. Le 1er janvier 2015, le nouveau texte est entré en vigueur.

 

« Je me réjouis que cette nouvelle loi contient tout un chapitre sur la publication des données et la participation de la population, sans oublier de mentionner le recours à la justice. Nous avons quelque peu contribué à ces améliorations », se félicite Dimitri de Boer, co-directeur du Programme de gouvernance environnementale Chine-Europe (ECEGP). Et ce spécialiste en gestion environnementale compte de nombreuses autres casquettes encore : expert conseiller à l’ONUDI (Organisation des Nations unies pour le développement industriel) et vice-président de l’ONG China Carbon Forum. Toutefois, c’est en toute simplicité qu’il nous a accordé une interview dans les locaux de China.org.cn, évoquant notamment la prise de conscience écologique du public, les progrès de la Chine vis-à-vis de la protection environnementale et les diverses coopérations menées avec les pays développés, ainsi que le rôle majeur que devrait jouer la Chine dans la prochaine Conférence de Paris sur le changement climatique.

 

Une prise de conscience au sein de la société

 

Passionné depuis toujours par l’Asie, ce Néerlandais aujourd’hui multilingue a d’abord effectué un passage par la Thaïlande, avant d’atterrir en Chine. « Je suis arrivé à Beijing en 2002 pour apprendre le chinois. Puis, je ne suis jamais parti. » Il a alors poursuivi des études dans le trio de tête des meilleures universités de la ville – Beiyu (BLCU), Beiwai (BFFU), Beida (Beijing University) – tout en travaillant en tant que responsable pour l’ONUDI. « Dans le cadre du développement industriel, l’environnement est un sujet clé. Donc je me suis progressivement tourné vers l’environnement. C’est un domaine intéressant, puisque ceux qui y œuvrent ne le font pas pour l’argent, mais par conviction. »

 

Il raconte qu’au début du siècle, on pouvait lire dans les rues en Chine des slogans prônant le respect de la nature, mais les gens n’y prêtaient guère attention à vrai dire. Ces derniers s’affairaient plutôt à amasser de l’argent. Selon ses dires, la population devinait que l’air était pollué certains jours, sans pouvoir toutefois en avoir le cœur net ni savoir les dangers y afférents.

 

Même lui s’en inquiétait peu : « Je me rappelle, en 2011, un de mes collègues m’avait recommandé de fermer la fenêtre, car l’air était particulièrement pollué ce jour-là. Moi, je préférais aérer. Je ne le comprenais pas à l’époque. Mais lui vérifiait chaque jour le taux de particules annoncé par l’ambassade américaine à Beijing et lisait des articles scientifiques pour s’informer de l’impact sur la santé. »

 

Il poursuit : « Aujourd’hui, c’est toute la société chinoise qui se sent concernée. Selon moi, cette conscience environnementale est intrinsèque à la publication des données sur la qualité de l’air. » Dimitri de Boer explique que, pour voir apparaître de vrais progrès en matière environnementale, la demande doit venir de la base, c’est-à-dire la population. « En Chine, pendant des années, il y a eu reconnaissance, de la part du gouvernement, que l’environnement méritait d’être protégé, mais il était difficile d’assurer cette protection à cause de pressions liées à l’économie et au développement. La population n’avait pas vraiment conscience de ce besoin. Cela a désormais changé ! Il s’agit même du plus grand changement que j’ai observé en Chine : le passage d’une approche « du haut vers le bas » peu fructueuse à une approche « du bas vers le haut » plus efficace. »

 

 

Accompagner les progrès du pays

 

La participation du public est cruciale pour conduire chacun à déployer des efforts pour sauver la planète. C’est l’un des thèmes directeurs du ECEGP, avec en outre l’accès aux informations liées à l’environnement, le recours à la justice et la responsabilité environnementale des entreprises. « Ces quatre thèmes ont été fixés par la Commission européenne et le ministère chinois de la Protection environnementale, explique Dimitri de Boer. Il faut savoir qu’à l’international, les trois premiers sont considérés comme les meilleures méthodes pour garantir aux gens la protection de leurs droits environnementaux. Ils ciblent la société, tandis que le dernier vise à faire le lien entre l’industrie et la communauté. »

 

L’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice dans les affaires environnementales sont effectivement les principes énoncés dans la convention d’Aarhus, dressée en Europe en 1998 et comptant aujourd’hui 47 signataires (dont l’Union européenne). « À l’époque, devenir membre n’était pas possible pour la Chine, c’était trop tôt. Néanmoins, le pays reconnaît l’importance de ces principes et travaillent dur pour les mettre en pratique », commente-t-il.

 

Concrètement, Dimitri de Boer et son équipe jouent le rôle de coordinateur entre les divers actionnaires gouvernementaux, notamment la délégation de l’Union européenne en Chine, le ministère chinois de la Protection environnementale et le ministère chinois du Commerce. Puis, ils composent un programme d’action annuel et répartissent au mieux les fonds recueillis dans les divers projets.

 

Actuellement, 15 projets sont en cours dans le cadre du ECEGP. Dimitri nous parle d’un qui lui tient particulièrement à cœur : « À Guizhou, le gouvernement local a décidé de mandater une ONG pour superviser les industries polluantes. Les résidents locaux sont mis à contribution dans ce système, puisqu’ils ont la possibilité d’informer cette ONG des dommages environnementaux dont ils ont été les témoins. C’est un modèle intéressant et pionnier que je n’avais vu nulle part ailleurs en Chine. »

 

Au-delà du ECEGP qu’il dirige, Dimitri de Boer souligne qu’une multitude de coopérations existent entre la Chine et le reste du monde pour faire progresser la cause environnementale, qu’elles soient d’ordre public ou privé. On peut citer notamment l’accord historique sur le climat signé entre Beijing et Washington en novembre 2014, en marge du sommet de l’APEC, ou encore les nombreux partenariats commerciaux dans les secteurs des énergies plus propres (nucléaire, « charbon propre »...) et renouvelables (éolienne, solaire, hydroélectrique...).

 

En s’appuyant sur les expériences des autres pays mais surtout sur ses propres forces, la Chine a réalisé des avancées significatives en quelques années seulement : publication au quotidien des taux de pollution atmosphérique, investissements massifs dans la lutte contre la pollution et les énergies propres, révision de la Loi sur la protection environnementale, amendes de plus en plus élevées pour les pollueurs – une coentreprise de McDonald’s a tout récemment été condamné par le Bureau de protection environnementale de Beijing à payer une amende-record de 566 500 euros pour pollution de l’eau –, préparation d’une taxe environnementale et/ou d’une bourse du carbone à l’échelle nationale... Et ceci n’est qu’une liste non exhaustive !

 

Cependant, la route est encore longue avant d’obtenir un environnement assaini et une transparence maximale quant aux diverses pollutions. « En Chine, il est possible de vérifier en temps réel la pollution atmosphérique plus aisément que nulle part ailleurs, reconnaît Dimitri de Boer. Mais il manque encore quantité d’informations sur les nuisances sonores, la présence de substances nocives dans le sol, le rejet des déchets, etc. Quand on évoque le sujet de la pollution en Chine, les gens ont tendance à incriminer le secteur industriel, négligeant l’agriculture. Toutefois, les engrais et pesticides sont de graves polluants. À chaque secteur ses types d’émissions. Du coup, impossible de régler le problème de la pollution en un claquement de doigts ! »

 

Une lutte mondiale contre les émissions

 

« La Chine s’est développée très rapidement sur le plan économique, mais a également pollué très rapidement », ajoute Dimitri de Boer. Après trente années d’essor économique et industriel, le pays le plus peuplé au monde affiche un constat assez déplorable : premier émetteur de CO2 au monde ; près de 60 % de ses nappes phréatiques sont jugées de piètre qualité ; et 16 % des terres seraient polluées aux agents chimiques tels que l’arsenic ou le mercure. Il note tout de même que la Chine, bien qu’elle soit toujours considérée comme un pays en développement, s’investit déjà beaucoup dans la protection environnementale, ce qui pourrait faire des émules parmi les pays en développement, tels que le Brésil, la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Mexique.

 

Selon les termes de Dimitri de Boer, l’Europe, les États-Unis et la Chine, au regard du volume d’émissions qu’ils émettent, seront « les éléphants dans la pièce » lors de la tant attendue Conférence de Paris sur le climat, qui réunira 190 pays au Bourget fin 2015. « À la Conférence de Copenhague, il a été convenu qu’il fallait limiter le réchauffement du globe à 2 °C, de sorte à éviter un changement climatique catastrophique. Mais à vrai dire, même si tous les pays prennent des engagements à Paris et s’y tiennent, il est fort à parier que cet objectif ne sera pas atteint. » À savoir qu’actuellement, cette hausse de la température globale est évaluée à 4 °C...

 

Toutefois, d’après les prédictions de notre spécialiste, cette rencontre devrait permettre d’aboutir à l’édification d’un cadre de travail mondial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Je pense qu’un accord sera signé, car la démarche adoptée est la bonne selon moi : chaque pays va venir et présenter son propre plan d’action, ses propres ambitions et objectifs. Il est alors fort probable qu’un consensus sera trouvé ».

 

 

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