CHINAHOY

27-April-2015

La Chine se dirige vers un environnement plus sain

 

RENAUD DE SPENS*

Dès le réveil, regarder la couleur du ciel, puis ouvrir téléphone ou ordinateur pour vérifier le taux de microparticules dans l'air... De toute façon, même si on préfère l'ignorer, des messages de contacts WeChat ou de l'école des enfants donneront les mesures de pollution de la journée, voire conseilleront de mettre un masque ou annonceront l'annulation des activités en plein air... C'est dans cette ambiance « d'airpocalypse » que la plupart des résidents des grandes métropoles chinoises ont vécu 2013 et 2014. Cependant, il faut aussi se réjouir : en réalité, cette prise de conscience de la crise est déjà en soi un gigantesque progrès.

C'est en 1993 que je suis venu pour la première fois en Chine. À l'époque, surtout comparé à l'Europe, l'environnement chinois ne semblait pas excellent, même pour le non-spécialiste que j'étais, qui ne pouvait que ressentir la pollution, sans pouvoir en être scientifiquement sûr. Mais dès ces années-là, on trouvait déjà certains experts chinois qui prenaient pleine conscience des dangers, comme le fameux journaliste environnementaliste Ma Jun. Son ouvrage de 1999, La crise de l'eau en Chine fut un grand succès de librairie ; pour la première fois dans l'histoire du pays, toute la partie éclairée de l'opinion publique a commencé à s'intéresser aux problématiques de l'environnement. C'était juste un an après la création de l'Administration nationale de l'environnement. Rapidement, l'environnement et la « croissance verte » sont devenus des thèmes régulièrement évoqués par les dignitaires politiques chinois, tandis que les scientifiques, les fonctionnaires spécialisés, les journalistes, et même les publicitaires mettaient en valeur les préoccupations liées à l'écologie.

Dans le contexte de la préparation des Jeux Olympiques de Beijing en 2008, le pays a notamment fait de considérables efforts en la matière. Par exemple, l'une des pollutions qui gênait le plus les résidents de Beijing était alors les grands vents de sable mongols qui s'abattaient sur la ville au printemps, produit de la désertification causée par l'homme. Pour combattre le phénomène, les autorités ont fait replanter près de 12 milliards d'arbres, et des améliorations sont peu à peu apparues : alors qu'il y en avait avant presque tous les ans, la dernière grande tempête de sable de Beijing a eu lieu en 2006. Toujours dans la capitale, la plupart des habitations des hutong, ces ruelles typiques pékinoises, étaient encore chauffées au charbon jusque vers 2008, et en hiver on y voyait tous les jours des tricycles apportant le combustible noir ; la municipalité a depuis fait installer un système public de chauffage partout.

Un peu après, beaucoup de collectivités locales ont commencé à mesurer systématiquement la pollution de l'air, et à en rendre publics les chiffres. En 2011, des villes comme Nanjing et Suzhou ont été les premières à publier des mesures de ces particules plus fines, dites « PM 2,5 ».

Auparavant, la plupart des Chinois avaient du mal à se sentir directement préoccupés par la protection de l'environnement. Même s'ils connaissaient l'existence du problème, et qu'ils pouvaient en ressentir certains effets secondaires, ils étaient souvent focalisés sur le développement et l'enrichissement individuel, et peinaient à modifier les comportements préjudiciables à l'écologie. Je me souviens encore de la première fête du Printemps que j'ai passée en Chine, en 2007. À Beijing, les pétards claquaient de toutes parts, presque sans répit, pendant des jours et des jours, et l'air était vite devenu chargé de soufre, alors qu'une poussière rouge-orange traînait partout dans les rues. Mais le plus terrible était que la grande majorité des Pékinois n'avaient aucune conscience du tort qu'ils portaient ainsi à leur propre santé ; à l'époque, parmi les non-spécialistes, il était rare de trouver des Chinois avec une véritable conscience écologique. Venant de m'installer pour travailler à Beijing, au début j'ai essayé de demander à mes collègues chinois des conseils pour aller faire mes courses. Je cherchais des recommandations pour des marchés, voulais connaître les meilleures marques de produits alimentaires... ils n'en avaient pratiquement aucune idée, et j'en avais été très surpris. Comment faire avancer la qualité de la vie en Chine sans le soutien de la population ?

Heureusement, depuis, la Chine a beaucoup changé. Les préoccupations environnementales s'y sont désormais bien éveillées. La presse chinoise porte une attention soutenue aux questions d'environnement et de sécurité alimentaire ces dernières années. Tout cela s'est conjugué aux efforts des scientifiques et des services de l'environnement pour finir de faire éclore la conscience écologique de la société chinoise. C'est pourquoi il y a désormais un espoir de pouvoir voir le fameux ciel bleu pékinois plus souvent, et pas seulement lors des événements importants comme le sommet de l'APEC en 2014.

Au Nouvel An de cette année, une de mes amies chinoises qui ne pouvait pas rentrer faire la fête en famille a demandé à sa mère si les festivités avaient été animées. Sa mère a répondu qu'il n'y avait pas eu beaucoup de pétards, mais que c'était bien, parce que c'était plus écologique ! Ce sont les efforts de chacun, accompagnant les mesures des autorités, qui font de la Chine un pays qui se dirige désormais vers un environnement plus sain.

 

*RENAUD DE SPENS est un écrivain français qui réside à Beijing.

 

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