CHINAHOY

4-August-2015

Pour une version améliorée des relations sino-européennes

 

Le 29 juin 2015, Li Keqiang a assisté au Forum sur le partenariat dans l’urbanisation sino-européenne à Bruxelles.

 

La récente visite du premier ministre chinois en Europe a haussé le niveau des relations bilatérales. Analyse.

TIAN DEWEN*

Du 28 juin au 2 juillet 2015, le premier ministre chinois Li Keqiang a participé à la 17e Rencontre des dirigeants Chine–UE tenue à Bruxelles, de même qu’il a visité la Belgique, la France et le siège de l’OCDE. Un déplacement qui a été effectué dans un contexte marqué par la faible reprise de l’économie mondiale, la crise de la dette persistante dans la zone euro et l’entrée de l’économie chinoise dans la « nouvelle normalité ». Dans le même temps, l’année 2015 coïncide avec le 40e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’UE. Durant ces quatre décennies, la Chine et l’Europe ont connu, l’une comme l’autre, des changements considérables. D’un côté, la Chine, après un développement fulgurant suite au lancement de la réforme et de l’ouverture, est devenue la deuxième économie mondiale ; de l’autre, l’UE, qui de 12 pays s’est élargie à 28 membres, pour devenir la plus grande organisation supranationale de la planète. Ainsi, il est dans l’intérêt des deux parties de travailler main dans la main pour porter à un plus haut niveau leurs relations bilatérales, ce qui aura de profondes conséquences sur le cours de toute l’économie mondiale.

Une coopération économique stratégique

Les liens économiques et commerciaux des deux parties sont les contreforts des relations sino-européennes. Face à la croissance rapide soutenue en Chine en contradiction avec le ralentissement économique continu en UE, il est urgent de mettre à jour le contenu et leurs formes de coopération. Depuis plusieurs années, la Chine demeure le premier partenaire commercial de l’UE, et vice versa. Autrefois, leurs rapports reposaient principalement sur le commerce de marchandises. Cependant, ces dernières années, la complémentarité entre les structures économiques chinoise et européenne s’est réduite, de sorte que la concurrence dans l’industrie s’est aggravée et que le volume des échanges commerciaux a été freiné dans sa progression. Aujourd’hui, elles doivent renforcer leurs échanges dans l’investissement et le secteur industriel. Il est indispensable de monter d’un cran la collaboration économique entre les deux parties si l’on entend y insuffler une nouvelle vitalité.

Au cours de sa visite en Europe, Li Keqiang a appelé à renforcer la coopération internationale sur les capacités de production, dressant les grandes lignes pour l’actualisation des rapports économiques sino-européens. Ce type de coopération, poussé par la Chine et l’Europe, peut se résumer en trois points : premièrement, réaliser des percées dans la construction conjointe d’infrastructures en connectant les stratégies de développement des deux parties ; deuxièmement, approfondir les partenariats sur les marchés tiers, particulièrement dans le secteur de la fabrication d’équipements ; troisièmement, accentuer la coopération financière en profitant de la demande en investissements du secteur industriel ; quatrièmement, promouvoir la libéralisation du commerce et de l’investissement.

Parmi ces quatre objectifs, combiner les stratégies de développement des deux parties représente celui dont la portée est la plus durable et la plus globale. Tout au long de sa tournée en Europe, Li Keqiang a invité à raccrocher l’initiative chinoise intitulée la Ceinture économique de la Route de la Soie et de la Route de la Soie maritime du XXIe siècle au plan Juncker sur l’investissement, à dessein d’élever à un niveau stratégique la coopération économique entre la Chine et l’UE pour garantir un développement à long terme. Le président chinois Xi Jinping a avancé, en septembre et octobre 2013, le concept stratégique consistant à construire les Nouvelles Routes de la Soie terrestre et maritime. Empruntant le symbole historique qu’est l’ancienne Route de la Soie, cette tâche se propose de bâtir, en œuvrant avec les pays riverains, une communauté d’intérêts, de destins et de responsabilités caractérisée par la confiance politique mutuelle, l’intégration économique et la coexistence des cultures. En 2014, le président de la Commission européenne nouvellement entré en fonction, Jean-Claude Juncker, a annoncé que l’UE envisage, dans l’objectif de stimuler une économie régionale stagnante depuis la crise financière, d’investir 315 milliards d’euros en trois ans pour booster la ré-industrialisation de ses pays membres, l’intégration du marché numérique ainsi que la transformation des réseaux ferroviaires et des infrastructures portuaires. Le plan Juncker s’accorde parfaitement avec l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie terrestre et maritime : les deux visent l’interconnectivité, la collaboration sur les capacités de production et la fabrication conjointe d’équipements. Si ces deux projets sont connectés avec succès, la Chine et l’UE pourront combiner leurs capacités industrielles, valoriser leurs avantages en termes de ressources, faire converger davantage leurs intérêts ainsi qu’offrir de nouvelles opportunités de développement aux relations économiques et commerciales entre les deux parties.

Pour promouvoir un partenariat sino-européen stratégique sur le long terme, Li Keqiang a mené de larges consultations avec les dirigeants européens sur la création d’un fonds commun de placement, sur la mise en place d’une plate-forme sino-européenne pour l’interconnectivité et sur la signature d’accords d’investissement. Actuellement, la Chine et les pays de l’UE promeuvent activement la montée en gamme industrielle. À ce titre, il existe une grande place pour la coopération puisque la stratégie chinoise « Made in China 2025 » et les divers plans européens, tels que « Industrie allemande 4.0 », « la nouvelle France industrielle » et « My2050 World for the UK », affichent des objectifs similaires. Dans le même temps, nombre de points communs s’observent entre, d’un côté, le programme d’interconnectivité Asie-Europe proposée par la Chine, et d’autre part, les projets portant sur les infrastructures avancés par l’UE, comme la construction d’un réseau de transport paneuropéen, d’une voie express terre-mer Europe-Chine et d’un nouveau Pont terrestre eurasiatique. La stratégie chinoise d’ « Internet+ » ainsi que les projets européens sur le développement du numérique et la construction de « villes intelligentes » peuvent également progresser ensemble. Si la Chine et l’UE arrivent à coordonner leurs actions dans les domaines susmentionnés, les relations économiques et commerciales entre les deux parties devraient imprimer un nouvel essor. Les initiatives de collaboration suggérées par la Chine ont reçu un écho favorable en Europe. Jean-Claude Juncker a affirmé qu’il dépêcherait prochainement le vice-président de la Commission européenne à Beijing pour que celui-ci engage des consultations avec la Chine et définisse dès que possible une feuille de route encadrant la coopération entre les deux parties.

 

Le 1er juillet 2015, le premier train de marchandises Chine–Europe (Kunming–Rotterdam) est parti de Kunming.

 

Le bon exemple de la coopération sino- française

En l’an 2015, les relations sino-européennes ont atteint 40 ans, l’« âge mûr», alors qu’en 2014, les relations sino-françaises ont fêté leurs 50 ans, l’« âge de la sagesse ». En revenant sur le développement des relations sino-européennes, on s’aperçoit qu’elles se sont orientées vers la coopération pragmatique, le bénéfice réciproque et le principe du gagnant-gagnant, à l’instar du « sage » modèle des relations sino-français. À l’occasion de la récente visite de Li Keqiang en France, la Chine et la France ont publié une Déclaration conjointe sur l’approfondissement de la coopération sino-française sur l’énergie nucléaire civile, et les deux pays ont signé quelque 70 accords et contrats, pour un montant total de près de 70 milliards d’euros. Par ailleurs, des mesures concrètes ont été prises, comme celle visant à faciliter les formalités de visa pour les Chinois. Tous ces progrès ont mis en lumière les deux priorités pour la mise à jour des relations sino-européennes.

Premièrement, nouer des partenariats sur les marchés tiers. Pendant cette visite du premier ministre chinois en France, un certain nombre de partenariats tripartites, prenant diverses formes, ont été conclus dans les domaines de l’énergie nucléaire et des lignes ferroviaires à grande vitesse, au profit de tous les signataires. Cela signifie que la Chine et la France vont travailler la main dans la main pour développer la coopération internationale en matière de capacités de production et explorer ensemble les marchés étrangers. Li Keqiang, alors qu’il était en Europe, a fait mention à maintes reprises de cette notion de « partenariat sur les marchés tiers ». L’objectif consiste à mieux associer le matériel moyen de gamme de la Chine aux technologies avancées et aux équipements clés des pays européens dans des zones tierces, pour le bénéfice des trois parties. Pour l’heure, la Chine et la France ont déjà réalisé de gros progrès dans leur coopération sur l’énergie nucléaire à l’étranger, avec la construction notamment de la centrale de Hinkley Point au Royaume-Uni. Dans le même temps, les deux pays ont uni leurs forces en Afrique centrale et en Afrique de l’Est dans une pléthore de domaines, tels que la construction d’infrastructures, la sécurité, la finance, l’énergie, le maintien de la paix et les missions d’escorte, la santé et la médecine ainsi que l’éducation et la formation du personnel. Lors de la signature, le 30 juin, d’un accord pour favoriser ces partenariats en marchés tiers, Li Keqiang a affirmé : « La Chine et la France viennent de trouver un consensus qui devrait gonfler l’enthousiasme d’un plus grand nombre de pays développés à s’engager dans ce type de coopération. Les relations entre nos deux pays continuent de marcher à l’avant-garde de celles entre la Chine et l’Occident. Aujourd’hui, un nouveau pas a été fait. »

Deuxièmement, faciliter les échanges humains. Il est primordial d’accroître les échanges entre les peuples des deux parties, pour que le développement des relations sino-européennes garde à l’avenir un rythme soutenu. Le 1er juillet 2015, Manuel Valls et Li Keqiang ont annoncé lors d’un point presse que la France accordera à davantage de Chinois des visas à entrées multiples valables cinq ans, et que la Chine autorisera la partie française à créer des bureaux de visas hors des murs des organismes consulaires pour faciliter les formalités de demande aux Chinois. Dans le même temps, le nombre d’étudiants chinois en France devrait rapidement passer de 30 000 à 50 000. De plus, la Chine et la France préparent ensemble un projet « 1 000 stagiaires », ciblant la promotion des échanges entre les jeunes des deux pays. « Ces initiatives offriront plus de commodités aux citoyens chinois souhaitant travailler, voyager ou étudier en France. En retour, nous accorderons des facilités correspondantes aux ressortissants français qui viennent en Chine », a affirmé le chef du gouvernement chinois. Lors de ses rencontres avec des dirigeants européens, Li Keqiang est parvenu à des consensus avec l’UE, invitant cette dernière à ouvrir des centres de visas ne relevant pas d’un organisme consulaire dans 15 villes chinoises, pour simplifier la demande de visas vers l’Europe et pour accroître la mobilité des personnes entre les deux parties.

L’image d’un grand pays responsable

Le fait que la Chine assume un plus grand devoir devant la communauté internationale va sans aucun doute servir de solide base au progrès des relations sino-européennes. La visite de Li Keqiang en Europe a montré, à travers divers aspects, une Chine ouverte, tolérante et responsable, ce qui a rehaussé les attentes et la confiance de l’Europe, voire du monde, à l’égard de ce grand pays. La Chine a pris aujourd’hui plusieurs engagements.

Premièrement, suivre avec intérêt le développement européen. La crise de la dette grecque a refait parler d’elle au moment de la visite du premier ministre chinois en Europe. Lors de la 17e Rencontre des dirigeants Chine–UE à Bruxelles, Li Keqiang a abordé ce sujet à trois reprises, soulignant le soutien continu de la Chine au processus d’intégration européenne ainsi que son souhait de voir émerger une Europe prospère, une UE unie et un euro fort. Selon lui, la Chine a déployé de multiples efforts pour aider la Grèce à surmonter les épreuves, de même qu’elle a répondu par des actions concrètes aux préoccupations et demandes du pays. Par cette attitude, la Chine a prouvé qu’elle est une véritable amie de l’UE, qu’elle entend jouer un rôle constructif dans la résolution de la crise de la dette européenne et qu’elle espère voir l’Europe se remettre dans les meilleurs délais.

Deuxièmement, jouer un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique. Li Keqiang a annoncé, lors de sa rencontre avec le président François Hollande, que la Chine venait d’élaborer un plan national détaillant les actions que le pays compte mettre en œuvre de manière autonome d’ici 2030 pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. En voici une liste non exhaustive de ces actions : inverser la courbe des émissions de CO2 d’ici 2030 ; faire baisser les émissions de CO2 par unité de PIB de 60-65 % par rapport à 2005 ; s’arranger pour que les combustibles non fossiles atteignent 20 % des énergies primaires consommées ; faire augmenter la réserve de bois en forêt de 4,5 milliards de m3 par rapport à 2005. Ce document sera prochainement transféré au secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Entre-temps, la Chine continuera de prendre des initiatives pour s’adapter aux conséquences du changement climatique, cherchant à se perfectionner dans les domaines de la réalisation aux catastrophes naturelles, de la prévention et de l’alerte précoce ainsi que des mesures prises pour faire face à ces calamités. Saluant l’initiative chinoise, François Hollande l’a qualifiée de « soutien énergique au succès de la prochaine Conférence de Paris sur le climat » puisqu’elle ouvre de nouvelles opportunités à la communauté internationale dans la lutte contre le changement climatique et promeut le développement économique durable dans le monde.

Troisièmement, développer un nouveau type de relations avec les pays développés. Li Keqiang a assisté, en marge de sa tournée en Europe, à la cérémonie officielle d’adhésion de la Chine au Centre du développement de l’OCDE. C’est la première fois qu’un chef de gouvernement chinois était reçu à l’OCDE, « club des grandes puissances ». Dans son discours, Li Keqiang a affirmé que la Chine, plus grand pays en développement dans le monde, pouvait façonner un nouveau type de relations avec les pays développés, des relations qui seraient notamment marquées par une coopération dans les capacités de production et des partenariats sur des marchés tiers. À présent, tout en maintenant une situation proche du plein emploi, un niveau de revenus en augmentation stable et un environnement en constante amélioration, la Chine a la capacité d’atteindre son objectif de 7 % d’accroissement du PIB par an. Ainsi, la croissance de l’économie chinoise se poursuit dans la bonne voie, tout comme les efforts déployés par le pays pour établir un nouvel ordre planétaire où les relations inter-étatiques seraient fondées sur le principe du bénéfice partagé. Tous ces facteurs seront propices à la paix et au développement dans le monde.

 

*TIAN DEWEN est chercheur à l’Institut de recherche sur l’Europe relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine.

 

La Chine au présent

 

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