CHINAHOY

5-April-2016

Guo Chuan, un Chinois en haute mer

 

Le navigateur chinois Guo Chuan.

 

À part Zheng He, le navigateur chinois de l'époque des Ming, on ne compte pas beaucoup de navigateurs chinois. Guo Chuan est le seul navigateur à voile professionnel de Chine, nous l'avons rencontré pour vous.

RAMÓN MARTÍNEZ, membre de la rédaction

Le 27 septembre 2015, micros et caméras de télévision, fans de voile et une foule de curieux s'étaient donné rendez-vous dans la ville côtière de Qingdao dans le Shandong pour souhaiter la bienvenue au navigateur chinois Guo Chuan.

Guo Chuan rentrait dans sa ville natale avec une fusée éclairante au grand mât de son bateau pour annoncer son retour.

À Qingdao, c'était l'émotion. Dix ans plus tôt, le trimaran Qingdao China avait traversé le détroit de Béring entre l'Asie et l'Amérique pour rejoindre la ville russe de Murmansk à la frontière entre la Norvège et la Finlande, à plus de 6 000 kilomètres de là.

« J'avais l'impression d'être à la cime du monde. En fait, je l'étais. Nous sommes le premier voilier à avoir navigué aussi au Nord », nous raconte Guo Chuan. « Le défi de l'Arctique était important car peu de gens y sont déjà allés à part les Russes et les Norvégiens. Mais naviguer dans l'Arctique à bord d'un trimaran de cette taille, conçu pour les océans méridionaux était quelque chose que personne n'avait jamais fait », explique-t-il.

Guo raconte que son équipage et lui ont dû faire face à beaucoup de doutes et de critiques de la part du monde de la voile. Pourtant, son record lui a donné raison : « Nous avons passé pratiquement deux ans à étudier la viabilité du projet et avons rencontré beaucoup de gens qui étaient déjà allés dans la région. Nous avons travaillé dur et essayé de garder un esprit positif. Nous avons reçu un grand appui de ma ville Qingdao. Et finalement, nous avons réussi. Nous sommes en train de faire l'histoire et je suis très fier que ce soit un Chinois qui était à la barre du bateau », ajoute-t-il.

Comparé à la longueur du littoral chinois et au nombre de Chinois, Guo Chuan est un oiseau rare et un pionnier. C'est d'ailleurs l'unique navigateur transocéanique professionnel du pays.

 

Le trimaran de Guo Chuan rentre au port.

 

Guo Chuan a 50 ans, cela fait 14 ans que ce diplômé en aéronautique et astronautique de l'université de Beijing se passionne pour la navigation. Il a navigué pour la première fois à 33 ans. Par la suite, il a décidé d'abandonner son métier de spécialiste en satellites commerciaux.

« Ce n'est pas une décision que j'ai prise du jour au lendemain. J'avais commencé à envisager un changement car je voulais avoir un autre style de vie. J'ai commencé en pratiquant des sports de plein air : le deltaplane, la plongée, le ski, le parapente, le ski nautique. Mais quand j'ai vu un bateau à voile pour la première fois en 2002, je suis tombé tout de suite amoureux et rien n'a plus attiré mon attention », nous raconte-t-il.

Il nous assure qu'il a reçu un soutien inébranlable de sa famille et quand il parle de la mer ou de la voile, il est intarissable. « Plus de 70 % de la Terre est couverte d'eau. L'eau, c'est la vie pour les humains mais aussi pour la Terre. Grâce à la voile, on peut être vraiment proche de la nature. Tout est fascinant dans la régate transocéanique. Il n'est pas seulement question de manœuvrer le bateau et les voiles, mais aussi de dépasser ses limites, d'expérimenter la vie extrême en mer et de faire preuve d'ingéniosité pour résoudre tous les problèmes qui peuvent arriver, savoir gérer la pression. En plus, cela permet de voir des paysages magnifiques que l'on ne pourrait pas voir ailleurs, avec des dauphins qui nagent à côté du bateau pendant des heures et des heures, qui te font réaliser la beauté de l'univers. Nous devons prendre soin de ce que nous a donné la nature et protéger ce que nous avons », nous confie-t-il.

Sa passion pour les régates a payé en 2006 quand il a été choisi – bien que novice pour faire partie d'un équipage lors de la Clipper Race qui permet à des fans de la voile de vivre l'expérience d'un tour du monde.

Trois ans plus tard, il participait à la Volvo Ocean Race comme équipier de communication à bord du VO 70 Green Dragon Racing. Il disputa également la Mini Transat, régate transatlantique en solitaire à bord d'un 6 mètres 5. Il se préparait pour son grand retour.

Malgré toutes ses compétitions antérieures et le fait d'avoir été un des porteurs de la flamme olympique des JO de Beijing, le nom de Guo Chuan n'est devenu fameux qu'en avril 2012 lorsqu'il fut reçu pour la première fois comme un héros dans sa ville Qingdao après avoir parcouru 21 615 miles nautique en solitaire à travers le Pacifique, l'océan Indien et l'Atlantique à bord de son Class 40 Qingdao, un monocoque de 12 mètres sur lequel il a effectué un tour du monde en 137 jours 20 heures une minute et 57 secondes. Facile à dire, mais difficile à imaginer.

« 138 jours seul en mer serait terrible pour la plupart des gens », explique Guo Chuan. « C'est un long périple, mais ce n'est pas un voyage solitaire. Tout d'abord parce que j'avais un équipage à terre qui me donnait un appui autant mental que technique. Ensuite, il y a beaucoup de choses à faire dans un bateau, et j'étais extrêmement occupé et n'avais pas le temps de penser à la solitude. Quand j'ai commencé à m'entraîner dans le petit village de la Trinité sur Mer en France en 2007, je ne parlais pas français et je n'avais pas d'amis. Je ne connaissais pas grand-chose sur les régates en océan non plus. C'est là que je me suis senti seul », nous confie Guo Chuan qui décrit des moments bien plus périlleux en haute mer. « Quand j'ai participé à la Volvo Ocean Race 2008-2009, j'ai eu une crise de claustrophobie et j'ai manqué de me suicider. Mais j'ai réussi à survivre et cela m'a rendu plus fort mentalement. »

Aujourd'hui, Guo Chuan est un navigateur reconnu mondialement et membre de la Fondation Paix et Sports aux côtés d'autres légendes du sport tels le joueur de tennis serbe Novak Djokovic, l'athlète russe Yelena Isimbayeva ou le pilote français Sébastien Loeb.

C'est un homme qui aime le sport et la mer et qui a encore beaucoup de projets devant lui. « Cette année, je travaille sur un projet en solitaire : traverser l'océan Pacifique de San-Francisco à Shanghai en solitaire et sans assistance. J'espère le faire en 21 jours et établir un nouveau record.

Il dit être heureux de faire ce qui le passionne et être fier d'être le numéro un dans beaucoup de domaines qu'il a entrepris, mais ce qui le motive c'est de naviguer : « Personne ne m'oblige à faire cela, c'est juste que c'est ce que j'aime faire », conclut-il.

 

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