CHINAHOY

5-April-2016

De chanteur à chercheur

 

Gildas Lusteau. (PHOTO : SÉBASTIEN ROUSSILLAT)

 

Quand on dit en Chine qu'on a une vie extraordinaire, c'est souvent assez proche de la réalité. Entre « vie dans une carte postale » et expériences hors du commun, la Chine permet à certains de découvrir un potentiel qu'ils n'auraient peut-être pas imaginé.

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Gildas Lusteau est aujourd'hui chercheur en sciences sociales et s'intéresse à la responsabilité sociale des entreprises chinoises. Depuis Beijing, il s'occupe du bureau de représentation de l'école de management de Strasbourg. Un travail plus ou moins ordinaire mais avant cela, lui qui a passé déjà près de 10 ans en Chine et est marié avec une jeune Chinoise de la banlieue de Beijing, a eu une autre vie.

Une vie haute en couleurs qui explique peut-être son choix de revenir en Chine après un retour de deux ans en France entre 2009 et 2011.

Originaire des Côtes d'Armor en Bretagne, Gildas a eu l'occasion très tôt d'aller en Chine : « J'étais encore au collège et le père d'un copain venait d'être muté directeur du lycée français de Beijing. Je suis allé le retrouver pendant les vacances de février en 1998. J'ai visité Beijing, Pingyao et j'ai toujours eu envie de revenir après ça », nous dévoile-t-il.

Il entre à l'école supérieure de commerce de Reims et réalise un cursus en double-diplôme qui lui permet de passer 3 ans en Chine pour ses études à l'université du commerce extérieur.

Une petite annonce

Un jour, dans le campus de l'université à Beijing, il tombe sur une annonce : « recherche guitariste pour groupe de rock ». Gildas y répond et rencontre Yu Xin, un jeune chinois qui l'auditionne. « Au départ, je suis saxophoniste, mais je savais jouer un peu de guitare, alors je lui ai joué un morceau. Il m'a interrompu et dit "c'est nul, tu sais faire quoi d'autre ?", je lui ai répondu : "du saxo". Le lendemain il m'achetait un saxophone, le surlendemain on était sur scène. » Par la suite, il enchaîne les concerts et les évènements partout en Chine.

« J'avais la chance d'avoir du temps en plus de mes études pour pouvoir profiter de cette expérience. Avec Yu Xin, on a participé à de nombreux shows télévisés, fait plein d'évènements, voyagé un peu partout en Chine, de Hainan jusqu'à Kachgar où on a joué devant plus de 50 000 personnes. C'était incroyable. »

La période pré-Jeux olympiques est très effervescente et l'ami chinois de Gildas décide de sortir un album en 2007. « On travaillait et on enregistrait la nuit en studio, je jouais la basse que j'avais apprise sur le tard et faisais des chœurs, et j'allais à l'université la journée. »

Le groupe des 5 Continents

Puis Yu Xin, qui voit grand, décide de créer un groupe musical composé par lui et des artistes étrangers, dont Gildas : le groupe des 5 Continents.

« On avait même proposé une chanson pour les JO : Welcome to Beijing, qui n'a pas été retenue, mais on l'a chantée au Théâtre Mei Lanfang. En coulisses, on croisait des chanteurs chinois très connus : Jay Chou, Sun Nan. La même année, on avait aussi écrit une chanson pour soutenir les victimes du tremblement de terre du Sichuan. Le groupe nous permettait de nous produire sur de grandes scènes chinoises et de grands shows télévisés : « The Great Alley of Stars », « The Same Song » etc…

Le plus impressionnant pour moi a sans doute été de chanter au Grand Palais du Peuple sur la place Tian'anmen devant plusieurs milliers d'officiels chinois, le tout retransmis en direct sur CCTV. Il y avait un chœur de l'armée et un orchestre symphonique de deux cents musiciens, le hall était immense, c'était tétanisant », nous raconte-t-il.

« Mais mes meilleurs souvenirs sont pourtant ceux des plus petits concerts dans les campagnes chinoises. Comme on était étranger et qu'on venait de tous les pays dans le groupe, on était accueilli chaleureusement et les gens s'amusaient en nous voyant dans nos costumes bigarrés. »

Niubang

Parallèlement, se servant de sa connaissance de la scène artistique chinoise, Gildas lance Niubang avec deux amis français pour monter des concerts de rock et de musique électronique dans les salles de Beijing afin de permettre au public étranger de la capitale de découvrir la scène pékinoise des musiques actuelles. « On réunissait sur scène de jeunes groupes et musiciens d'univers différents qui commençaient à monter et sont depuis devenus connus : Carsick Cars, Subs, Joyside ou encore le producteur Sulumi. »

C'était à la fois une expérience artistique et un important travail de communication : « Niubang me permettait d'allier mes études en management au domaine artistique. J'ai fait ça de 2005 à 2009 et cela m'a permis d'organiser des évènements assez sympas », nous raconte-t-il.

Le calme après la tempête

Les études et la carrière artistique chinoise de Gildas lui ont offert une vie bien remplie et pleine de perspectives. En juillet 2008, à la fin de ses études, il trouve un poste de volontaire international à l'ONUDI. Il s'occupe d'un programme environnemental : « Pendant 6 mois, j'ai participé au China Motor Challenge et poussé les industries polluantes à investir dans de nouveaux équipements afin qu'elles respectent l'environnement. Comme ça demandait une grande disponibilité, il était devenu difficile de continuer à jouer dans le groupe et de faire les activités de production. »

À la fin de ces 6 mois de volontariat, il choisit de rentrer en France pour faire un master dans le domaine qu'il a découvert à l'ONUDI : le développement durable. « Je me suis dit que c'était un secteur nouveau en Chine. Je crois aussi que je ne me retrouvais plus dans l'univers pop et j'étais fatigué de courir partout pour les concerts, je voulais me poser un peu, faire un break en France. »

Il passe alors près de deux ans entre La Rochelle et Rennes. « Cette coupure après 4 années très intenses en Chine, ça m'a fait un bien fou », commente-t-il. Puis il retourne en Chine en 2011 pour travailler comme administrateur du service culturel de l'ambassade de France et du Festival Croisements.

Il commence ensuite une thèse de doctorat à l'école de management de Strasbourg et développe en parallèle le bureau de représentation visant principalement à recruter des étudiants chinois et à solidifier le réseau de partenariats en Chine et en Asie. « Aujourd'hui, je me suis rendu compte que mon expérience en Chine me permettait d'avoir une meilleure compréhension de ce pays évidemment, mais aussi des enjeux sociaux et environnementaux pour les entreprises chinoises. Cela explique mon sujet de recherche sur la responsabilité sociale des organisations. Je m'intéresse également aux valeurs de la jeunesse chinoise, à l'éthique et à la diversité. À l'avenir, j'aimerais travailler sur l'influence de la culture sur le développement durable et la cohésion sociale en Chine. J'aimerais aussi pouvoir enseigner pour permettre aux jeunes Chinois de travailler autour d'études de cas, de sensibiliser leur créativité et de les faire réagir et prendre la parole en public pour faire valoir leur réflexion. J'espère ainsi contribuer modestement à la coopération universitaire franco-chinoise », conclut-il.

Gildas, à Beijing depuis près de dix ans, compare encore aujourd'hui la vie en Chine à une « carte postale ». « Chaque matin, en sortant de chez moi, j'observe tout ce qui se passe avec le même émerveillement que lors de mon premier séjour à Beijing lorsque j'avais 13 ans. La Chine ne cesse de me surprendre ».

 

 

La Chine au présent

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