CHINAHOY

29-January-2014

Wang Huaiqing : la difficile quête d'une identité propre

 

Wang Huaiqing.

 

JON BURRIS*

Ma collaboration avec Wang Huaiqing remonte à 1987. Je travaillais sur une exposition qui a réuni les peintures de plus de 70 artistes à New York pour ce qui a été la première exposition majeure d'art contemporain chinois aux États-Unis, et Huaiqing faisait partie de la douzaine d'artistes venus de Chine pour assister à l'inauguration. Par la suite, il est resté aux États-Unis, parrainé par le collectionneur Robert A. Hefner III, et a enseigné quelque temps à Oklahoma City où nous sommes devenus amis. À partir de là, à chaque fois que je me rendais en Chine, j'ai toujours rendu visite à Huaiqing et suivi l'évolution de son travail.

Quiconque ayant suivi les travaux de Huaiqing ces 10 ou 15 dernières années aurait du mal à imaginer à quel point ce que j'ai vu de lui en 1987 était différent. À cette époque, il était classé dans la catégorie des peintres réalistes et peignait de belle manière des portraits ou des paysages, bien que certaines de ses œuvres de la fin des années 80 laissent percevoir des influences abstraites, quelque chose de rare à l'époque dans la peinture chinoise.

Ce caractère particulier de l'art de Huaiqing peut être attribué au fait qu'il a étudié avec le maître de la peinture chinoise Wu Guanzhong qui était connu pour son style abstrait mélangeant techniques occidentales avec idéologie et sujets orientaux. Néanmoins, il est impossible de comparer le prolifique travail de Huaiqing du début des années 90 à nos jours, basé sur une interprétation personnelle de l'architecture et des meubles classiques chinois, à tout autre artiste chinois. Il est unique et selon moi représente ce qui se fait de mieux dans l'art contemporain chinois. Sa connaissance de l'histoire de l'art non-chinois et sa capacité à intégrer des techniques qui ne sont pas intrinsèquement orientales tout en respectant la culture classique chinoise, produit un art novateur revêtant une importance particulière par rapport au contexte temporel de sa création. Huaiqing est, selon moi, un des plus grands artistes contemporains et je pense sincèrement qu'il sera reconnu par l'histoire comme l'égal d'un Picasso ou d'un Matisse.

Compte tenu des nombreuses discussions que j'ai eues avec Huaiqing au sujet du développement de l'art chinois, j'ai toujours apprécié son profond respect de la culture chinoise et la sagesse avec laquelle il juge le domaine.

Assis dans un de ses ateliers de Beijing pour une interview, en 2009, nous sommes entourés de plusieurs de ses œuvres en cours de réalisation. Ces œuvres récentes utilisent des morceaux de bois brûlés et colorés qui sont apposés sur des toiles pour former des compositions totalement abstraites. Je fais remarquer à Huaiqing que si ces œuvres utilisent de nouveaux matériaux, elles ne marquent pas un changement radical dans son style et cela nous emmène à parler des changements dans l'art contemporain chinois en général. Je lui demande alors d'essayer de décrire l'évolution – en bien, comme éventuellement en mal – qu'il a notée au sujet de l'art contemporain chinois ces 20 dernières années.

« D'un point de vu occidental, on dirait que des changements sont arrivés en Chine de façon soudaine. Parfois, des changements soudains peuvent déboussoler les gens et à notre époque rien ne paraît logique, mais si on se penche sur ces changements on y trouve une logique interne. Le plus grand bouleversement qu'a connu mon pays s'est déroulé des années 70 aux années 80, lorsque la Chine est passée d'une société fermée à une société ouverte. Lorsque ce changement a eu lieu, les influences venues de l'Ouest sont entrées dans notre pays avec une force inimaginable, et en tant qu'artistes, nous avons dû rechercher d'arrache-pied une identité propre. Personnellement je me suis concentré sur la recherche d'un style connecté à l'époque moderne.

Je ressentais également le besoin que mon art soit spirituel. Le problème est que ces changements incessants dans la société ont influencé certains artistes qui ont en permanence fait évoluer leur art afin de suivre la tendance. Ceux-là sont plus préoccupés par faire de l'argent que par faire de l'art. L'important pour un 'vrai artiste' est la recherche spirituelle. Je pense qu'aujourd'hui, l'art a besoin de se diriger vers des valeurs plus spirituelles. »

*JON BORRIS, photographe et auteur de renom, a écrit sept livres à propos de l'art et de la photographie contemporaine. Ses propres photographies font partie de collections internationales privées ou institutionnelles.

 

La Chine au présent

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