CHINAHOY

9-January-2014

Michel Humbert, 17 ans au service des relations sino-françaises

 

 

Michel Humbert a été le seul relayeur occidental de la torche olympique en Chine pour les JO de Beijing en 2008.

 

LAURENT CASSAR, membre de la rédaction

À Yantai, jolie ville portuaire située au nord-est de la province du Shandong, Michel Humbert est une célébrité locale. « Tout le monde m'appelle Lao He, et tout le monde sait ce que je fais et où j'habite. » Cela fait déjà plus de 13 ans qu'il réside et travaille dans cette ville dont il est « citoyen d'honneur ».

Si des entreprises comme Auchan, Maf-Roda, Converteam, Metro ou encore Delphi sont présentes dans la ville de Yantai, c'est grâce à lui. Il reçut d'ailleurs en 2005 la Médaille d'or de l'amitié chinoise (la plus haute distinction pouvant être remise à un étranger) des mains de l'ancien premier ministre Wen Jiabao, en reconnaissance de son travail. Mais revenons tout d'abord deux décennies en arrière, quand l'histoire d'amour entre la Chine et cet homme hors du commun (également Chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur en France) a commencée.

Michel Humbert a découvert le continent asiatique en 1989, quand il fut nommé directeur des ventes et du marketing pour la coentreprise Air Liquide à Taiwan. Après avoir occupé le même poste en Corée du Sud, il posa le pied sur la partie continentale de la Chine pour la première fois en 1996. « La Chine commençait à bouger mais les aéroports étaient vétustes, les chemins de fer aléatoires. C'était les hôtels "guest houses", la prédominance des voitures Santana, le début des grands immeubles, des rues étroites. Il y avait peu d'étrangers, peu de restaurants occidentaux… Une autre époque ! » nous dit-il. Lorsqu'il atteignit l'âge de la retraite, en l'an 2000, fort de l'expérience accumulée après plus de 43 ans de vie très active, il reçut une proposition taillée sur mesure. « La province du Shandong m'a proposé comme expert aux autorités de la ville de Yantai, qui m'ont accueilli les bras ouverts, et cette histoire d'amour entre Yantai et moi dure toujours depuis plus de 13 ans et durera autant que Dieu me prête vie… »

Aujourd'hui, Michel Humbert est conseiller au Yantai Central Investment Development Board, en charge des investissements directs étrangers dans la région de Yantai. « Mon rôle consiste à convaincre les investisseurs internationaux de choisir la ville de Yantai pour installer leurs usines, leurs bureaux, leurs hôtels, etc..., de leur présenter nos avantages, de les aider à s'établir, de leur faciliter la vie et de les guider pour qu'ils soient rapidement intégrés et satisfaits. Tous mes collègues chinois sont extrêmement efficaces : je suis leur "coach". Pour créer des échanges fructueux entre les étrangers et les Chinois, j'ai fondé en 2005 la Yantai Western Investors Association avec 10 investisseurs internationaux. Aujourd'hui, nous sommes plus de 700 personnes de 22 nations différentes. »

Mais Michel Humbert, homme de lettres qui a également écrit plusieurs recueils de poésies (le prochain paraîtra début 2014), œuvre également à faire de Yantai un « fief français » en Chine. Avec 82 présences françaises (usines, entreprises, professeurs, vignerons, médecins, etc…), la rouverture de l'Hôpital de l'Amitié franco-chinoise (établi en 1860), le développement de deux facultés de français (l'université Ludong avec 530 élèves chinois et plus de 10 professeurs, et l'université de Yantai-Laishan qui comprend une branche de l'Alliance Française de Qingdao), l'installation de deux bibliothèques Chantal Humbert (un hommage à sa femme) établies grâce aux dons de centaines de livres français, et la création du Pavillon France au Salon international du vin et de la vigne à Yantai, le pari est clairement gagné. Il a également fondé le Cercle francophone de Yantai, un groupe comprenant plus de 2 100 membres francophones internationaux, qui édite tous les mois la Lettre de Yantai suivie par plus de 3 000 lecteurs.

Néanmoins, n'allez pas croire que Lao He ne se sent pas bien en Chine, bien au contraire ! Comme il le dit lui-même, il n'a que des amis en Chine et s'y sent « comme un poisson dans l'eau. » Il apprécie particulièrement la mentalité chinoise : « Ils aiment travailler, réussir, et en même temps, ils savent vivre et cultiver leurs amitiés. Les repas sont de grands moments souvent mémorables... J'aime leur patriotisme et leur foi en la Chine : ils savent fermement qu'ils appartiennent à une très grande nation qui a eu un destin et qui est en route pour un nouveau destin encore plus brillant. » Contrairement à certains étrangers, travailler avec des Chinois s'est révélé très facile pour lui : « Je n'ai jamais eu aucun problème... Pas un nuage... Ils sont respectueux, dévoués, attentifs, très engagés pour le succès de Yantai, du Shandong et de la Chine, travailleurs, débrouillards, flexibles. »

Selon lui, la France gagnerait à embrasser certaines caractéristiques du peuple chinois. « Les Français devraient s'inspirer du patriotisme chinois et de la foi en leur pays, de leur esprit d'entreprise, de leur enthousiasme, de leur élan vital. Les Chinois sont optimistes, ils ont foi en leur destin. Beaucoup de Français sont pessimistes et vite découragés. Mais je connais et j'apprécie un certain nombre de jeunes Français qui "ont faim" et qui sont en Chine pour gagner. Ceux-là iront loin... » Trois mots qui définissent bien la Chine et les Chinois selon lui : « Ambition, patriotisme, fierté nationale ».

En ce qui concerne l'évolution actuelle de la Chine, il est également très positif : « La Chine d'aujourd'hui tient un bon cap, avec d'excellents dirigeants pragmatiques, un bon programme de développement de la consommation intérieure et son expansion économique mondiale par le biais des investissements à l'étranger. »

Selon Michel, l'image de la France en Chine (à l'instar de nombreux pays étrangers) est plutôt positive : « La France a une excellente image en termes de culture, de littérature, de luxe, de gastronomie, de vins, de douceur de vivre, de romantisme, de beaux paysages… Mais une image de gens peu travailleurs, pas rigoureux (contrairement aux Allemands), se plaignant au lieu de se retrousser les manches, souvent en grève, mais au final contents d'eux, volontiers donneurs de leçons et quelquefois condescendants. » Par contre, les Français ne savent généralement que peu de choses sur la Chine d'aujourd'hui. « Les Français ont une connaissance très médiocre de la Chine. D'ailleurs tous mes visiteurs français me disent qu'ils « découvrent la Chine » et que ce n'est pas du tout ce qu'ils pensaient trouver. Ils ont une image très étrange d'un pays exotique à la manière du Shanghai de la concession française de 1845 à 1945… Il faut qu'ils viennent nombreux pour rectifier cette méconnaissance et se mettre à jour. »

Et cette mauvaise connaissance du pays peut conduire à l'échec de l'aventure chinoise d'entrepreneurs étrangers - comme ce fut déjà le cas pour beaucoup. Michel Humbert nous donne ses précieux conseils afin d'éviter de sérieuses désillusions : « Un dirigeant français qui désire s'installer en Chine devra éviter de se noyer à Beijing, Shanghai ou Guangzhou. Il devra choisir une province abordable, à taille humaine, comme le Shandong (la meilleure porte sur la Chine, 3e PIB du pays) ; une ville où il fait bon vivre aussi comme Yantai, Qingdao ou Weihai. Il devra choisir la solution "sole venture" pour être son propre maître à bord. Il devra bien choisir ses collaborateurs directs et garder de bonnes relations avec le MOFCOM (ministère du Commerce) local et ses alter ego étrangers. Il devra être patient et vivre sur place tout le temps. Trop de Français font des allers-retours et se plaignent ensuite de n'être au courant de rien... Beaucoup de Français veulent réussir et ils en veulent, j'en connais un certain nombre, mais trop nombreux sont ceux qui ne font que passer, un petit tour en Chine, sans persévérer. En Chine, pour réussir, il faut s'installer et se fixer personnellement, persévérer avec patience sans songer à son week-end en France. Être sur place et vivre avec ses collaborateurs, ses homologues et ses amis locaux. Se fixer et cultiver ses amis et ses relations. » Parole d'expert !

 

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