CHINAHOY

29-January-2014

Une vie heureuse à la maison de retraite

 

Les personnes âgées aiment jouer ensemble aux dés ou aux cartes.

 

LI GUOWEN, membre de la rédaction

Le district administratif Dagzê, qui fait partie de la ville de Lhassa, capitale de la région autonome du Tibet, est situé à 20 km du centre-ville de Lhassa. Nous sommes en plein hiver, c'est l'après-midi, certains pensionnaires de la maison de retraite prennent le soleil dans la cour. Nous voyant arriver, des sourires apparaissent sur leurs visages basanés.

Tenzin Dolma travaillait au Bureau des affaires civiles du district, elle est aujourd'hui directrice de la maison de retraite. Avec les 15 autres employés de l'établissement, comprenant le personnel médical, les cuisiniers et les chauffeurs, elle s'occupe de plus de 120 pensionnaires.

Une vie simple mais heureuse

L'enceinte de la maison de retraite de Jinye est construite sur un terrain de 25 000 mètres carrés, dans laquelle on trouve également un petit parc boisé, et des équipements de gymnastique pour les personnes âgées. Dekyi, une pensionnaire de la maison, est justement en train de faire des exercices.

Une grande allée relie les bâtiments. Une fois entrés dans la maison de retraite, nous découvrons les bureaux et les dortoirs du personnel administratif et des employés, ainsi que le restaurant. Le médecin, Yungdrung est en train de faire sécher des vêtements près de la porte. Il y a encore deux heures avant le dîner, c'est pour ça que Chodron, âgée de 70 ans s'est installée au soleil devant le restaurant. La cuisinière, Tsewang Paldron, 37 ans, est en train de bavarder avec elle.

Plus loin, on trouve les appartements des pensionnaires, la salle de soins et une salle de bain. Plusieurs personnes âgées sont en train de jouer dans la cour. Kunga Lhamo est en train de cuire du bouillon mélangé de farine de maïs et d'œufs avec le fourneau solaire de la pension. Au fond de la cour, il y a une grande serre de légumes et une porcherie. Macha est en train d'arracher de l'herbe dans la serre.

En accompagnant Yungdrung, le médecin, nous arrivons chez Macha. Dans son appartement composé d'un salon et d'une chambre, on trouve tous les équipements nécessaires tels qu'une télévision LCD de 21 pouces, une machine à laver et un chauffe-eau solaire. Comme la fenêtre de la chambre est orientée au sud, la chambre est bien chauffée par le soleil, Macha affiche un sourire qui traduit sa satisfaction.

« À la maison de retraite, les pensionnaires ne s'inquiètent pas de la nourriture, des vêtements, ni du logement, les conditions de vie sont bonnes. Ce sont des avantages fournis par le gouvernement ! » se réjouit Macha. Il a 58 ans, est célibataire et sans enfant. Avant d'entrer à la pension, il habitait avec la famille de son frère. Comme Macha s'intéresse beaucoup à la serre de légumes, c'est lui qui s'occupe maintenant de ce travail. Il m'explique : « Je ne tiens pas en place, dès que j'en ai le temps, je sors voir et m'occuper des légumes : des choux, des tomates, des poivrons... En plus, comme je fais ce travail, la pension me donne aussi un peu d'argent de poche. »

En effet, la pension encourage les pensionnaires à garder leur capacité de travail en leur donnant des travaux simples. « À part la serre à légumes, on leur fait aussi nettoyer la cour, nourrir les cochons et s'occuper des noyers dans le jardin », ajoute la directrice Tenzin Dolma.

Dolma nous explique que la maison de retraite est gérée comme un hôtel, elle a été créée en 2009 par la compagnie du tabac de la région autonome du Tibet avec un capital de 8 millions de yuans. Le gouvernement local fournit 4 320 yuans par an pour chaque pensionnaire de la maison. « Ceux-ci n'ont plus à s'inquiéter de leur vie, on leur donne 50 yuans d'argent de poche par mois. S'ils participent au travail, on leur donne 150 yuans en plus par mois. »

On fait également attention à la composition des repas des pensionnaires. Selon la cuisinière, Tsewang Paldron, ils ont le droit à un petit déjeuner traditionnel tibétain avec de la Tsampa et du beurre de yak puis à un plat de viande et deux de légumes pour le déjeuner, le dîner est souvent composé de plats de nouilles.

Pour les employés de la maison, la santé des personnes âgées est le plus important. A été établie une infirmerie, où servent des médecins généralistes et infirmières dépêchés par l'Hôpital du district. Quand les personnes âgées ont des petites maladies, on essaye de les soigner à l'infirmerie de la maison, mais si c'est trop grave, on les emmène à l'Hôpital du district, parfois même jusqu'à celui de Lhassa. « À Lhassa, il y a un médecin tibétain reconnu, originaire du district de Dagzê. Chaque fois que j'amène un pensionnaire le voir, il met toujours de côté son travail et s'occupe de mon malade tout de suite, gratuitement », ajoute la directrice Dolma.

Le médecin, Yungdrung, a établi un dossier de santé pour toutes les personnes âgées de la maison de retraite. Il arrange régulièrement des examens de santé pour les pensionnaires, notamment ceux qui souffrent d'hypertension ou de diabète. À côté de l'infirmerie, il y a aussi une salle de massage et de physiothérapie. « Le massage est bénéfique pour les personnes âgées qui ont mal aux jambes », explique-t-il.

Chodron apprécie beaucoup les médecins et infirmières de la maison de retraite : « Ils nous traitent comme des membres de leur famille. Ils s'occupent de tous les détails de notre vie. Quand nous sommes malades, ils nous soignent, arrangent des repas spéciaux, s'occupent du nettoyage de notre chambre. Nous sommes comme une vraie famille. » Sous les soins de tous les employés de la maison, plus de 120 pensionnaires, de Lhadolma 92 ans à Tsamjo Drolkar 43 ans, tous sont heureux d'habiter là et de finir leurs jours tranquillement.

La prière est non seulement une foi mais aussi un exercice

Pour le peuple tibétain, le bouddhisme tibétain fait partie de leur sang. Donc la prière tibétaine qui se résume à marcher sur un cercle en priant est un moment indispensable de leur vie quotidienne. Lhadolma a 92 ans, elle est toujours en bonne santé, et fait la prière de temps en temps.

Dolma nous explique que pour prier, les pensionnaires font le tour des bâtiments, à l'intérieur de la cour. Ils commencent à prier tous les jours à sept heures du matin. « En hiver, le soleil n'est pas encore levé, il fait froid. La température à sept heures du matin dans la région de Lhassa est comme celle à cinq heures et demie dans d'autres régions de la Chine. » Les employés de la maison admirent beaucoup la ténacité de ces personnes âgées qui, pour eux, ont plus de vigueur encore que les jeunes qui font leur jogging du matin.

Pour les personnes âgées, la prière est bonne pour la santé, c'est donc aussi un exercice. En mai 2013, Samdrup, 72 ans, est arrivée à la maison de retraite, elle avait mal au dos et avait du mal à marcher. Mais après son arrivée, elle a commencé à participer à la prière. Après plusieurs mois, elle s'est bien rétablie et aujourd'hui, elle marche presque aussi vite que les autres.

Mises à part les tours de prière dans la cour le matin, le premier jour, le huitième jour et le trentième jour de chaque mois du calendrier tibétain, la maison organise une excursion au monastère Sanga, dans le district. Lors du quinzième jour de chaque mois du calendrier tibétain, les employés de la maison amènent également les pensionnaires au centre-ville de Lhassa pour faire des achats dans la fameuse rue commerçante de Barkhor, et rendre hommage à la statue de Siddhartha Gautama dans le Temple de Jokhang (le premier temple bouddhiste construit au Tibet). Les pensionnaires, toujours joyeux, se font beaux avant de sortir.

Quand ils sortent faire la prière, chacun d'entre eux tient un moulin à prière. En novembre 2013, une entreprise de Dagzê a fait une donation à la maison de retraite. Chaque personne âgée a reçu un nouveau moulin à prière. Dans l'appartement de ceux-ci, on peut voir nombre d'anciens moulins à prière et des livres canoniques du bouddhisme tibétain. Au départ, dans les appartements avait été installé un petit placard, mais les pensionnaires en ont souvent fait une salle dédiée au culte du Bouddha. Dans l'appartement de Phurbu Tashi et de Tsamjo Drolkar, nous avons visité leur petite salle de prière. Malgré la petitesse de la pièce, ils y ont exposé beaucoup d'objets, on y trouve une statue de bouddha, un retable bouddhiste, sept bols en argent qui servent pour le culte et beaucoup d'autres choses.

Recherche non interrompue du bonheur

Phurbu Tashi et Tsamjo Drolkar sont en couple, mais ils se sont rencontrés après être arrivés à la maison de retraite. Fin 2011, certains pensionnaires sont allés demander à la directrice Dolma s'ils pouvaient se marier et habiter ensemble pour avoir une vie quotidienne un peu plus remplie. Au début 2012, la pension a donc organisé une cérémonie de mariage pour une dizaine de couples de personnes âgées.

Gungdrak Lhamo, 70 ans, s'est aussi marié pendant cette cérémonie. Cette journée-là, elle a porté son vêtement traditionnel tibétain coloré, et un foulard rouge sur la tête. Comme pour la cérémonie de mariage traditionnel chinois, le nouveau marié doit lever le foulard posé sur la tête de la nouvelle mariée. Son mari, Chosang, 68 ans, a fait amener par des amis un grand thangka pour l'épouser. Les amis et les habitants du village ont fourni de l'alcool d'orge et de la tsampa à ce nouveau couple, enfin ils sont allés se marier.

Gungdrak Lhamo nous explique que tous les vêtements de mariage sont fournis par la maison de retraite. « Je n'ai jamais pensé que je puisse un jour porter des vêtements comme ça, surtout à mon âge. Pour moi c'était un jour très important, mais aussi un des plus heureux dans ma vie », explique-t-elle.

En parlant de son histoire d'amour avec Lhamo, Chosang nous dit qu'avant d'arriver à la maison de retraite, il vivait tout seul dans son ancienne maison au village et ne connaissait pas du tout Lhamo. Petit à petit, il a commencé à faire attention à Lhamo : « Elle est sympathique, et m'accompagnait souvent chez le médecin. »

« Les conditions de vie dans la maison de retraite sont assez bonnes, et maintenant que j'ai une compagne, j'espère vivre longtemps pour jouir de la vie comme ça », nous dit Chosang.

Phurbu Tashi et Tsamjo Drolkar sont aussi un couple heureux. Quand on parle avec Tashi, Drolkar reste toujours à côté en souriant sans arrêter de tricoter le chandail qu'elle fait pour son mari.

Après la cérémonie de mariage, la maison a donné de nouveaux appartements aux nouveaux mariés, chaque couple habite ensemble dans un appartement de deux pièces. L'appartement de Phurbu Tashi et Tsamjo Drolkar est plein de fleurs. Dolma nous explique : « Bien que Drolkar soit handicapée, elle adore s'occuper des fleurs et des plantes ! »

Selon la directrice Dolma, depuis 2012, il y a encore trois couples de personnes âgées qui veulent se marier, donc elle leur a aussi changé leurs appartements, et est en train de préparer une cérémonie de mariage pour eux. Dolma sait que Kunga Lhamo aime beaucoup Macha, elle l'aide souvent à laver son linge et faire la cuisine. Macha a aussi donné à Lhamo l'argent de poche qu'il a gagné pour la serre de légume. « Mais les deux ne demandent pas à habiter ensemble, donc pour le moment, on ne les a pas encore changé d'appartement. »

Phurbu Tashi explique : « Nous vivons une vie heureuse, sans inquiétude pour tout ce qui est matériel, et quand nous sommes malades, il y a des professionnels pour nous soigner. C'est la raison pour laquelle nous sommes en bonne santé et en pleine forme. »

Dolma dit en souriant : « La vie comme ça est vraiment heureuse. Auparavant dans les villages, certaines personnes âgées qui n'avaient plus de capacité pour le travail physique ne pouvaient plus prendre soins d'eux-mêmes, et leur vie n'était plus que douleur. La première moitié de leur vie a déjà été tellement dure, ils n'ont jamais vraiment joui d'une vie heureuse. Maintenant, c'est notre devoir de leur fournir une vie stable, satisfaisante et heureuse. »

À Lhassa, il y a encore 43 maisons de retraite comme la maison Jinye. Dans toute la ville, le taux de personnes âgées qui vivent en habitat collectif atteint 68,8 %. En effet, les maisons de retraite et les autres formes de socialisation des soins pour personnes âgées deviennent la tendance en Chine. Selon la tradition chinoise, les enfants doivent s'occuper de leurs parents, et si les enfants mettent leurs parents en maison de retraite cela est très mal vu. La société chinoise change et cette façon de penser aussi. De plus en plus d'établissements de soins pour les personnes âgées ont été créés. Selon Xu Jianzhong, directeur adjoint du Bureau des affaires civiles du Tibet, fin 2015, tous les districts de la région autonome auront leurs centres de bien-être social et au moins 50 % des « wubaohu » (le mot désigne cinq groupes de gens, à savoir : personnes âgées, personnes handicapées, personnes sans descendant, personnes sans capacité de travail et personnes sans ressources financières) pourront être groupées dans des établissements comme centres de bien-être social ou les maisons de retraite.

 

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