CHINAHOY

27-January-2014

Jin Shangyi et sa Mariée tadjike

 

L'œuvre de Jin Shangyi La Mariée tadjike.

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

Lors de la séance de vente aux enchères automnale 2013 organisée par la maison China Guardian, La Mariée tadjike, une œuvre de Jin Shangyi, peintre chinois considéré comme « personnage repère » de la peinture à l'huile réaliste, a été adjugée pour 85,10 millions de yuans, atteignant un nouveau record pour les tableaux vendus aux enchères en Chine.

Né en 1934, Jin Shangyi est l'un des représentants de la peinture à l'huile chinoise contemporaine. Diplômé de la faculté de peinture de l'Académie centrale des beaux-Arts de Chine, il fut formé dans les années 50 dans la classe de formation de l'expert soviétique Maksimov. À partir de 1987, il fut président de l'Académie centrale des beaux-arts pendant une dizaine d'années. Il y est aujourd'hui directeur de thèse et est également le président honoraire de l'Association des artistes de Chine.

La Mariée tadjike a été pour la première fois exposée lors de l'exposition des peintres chinois modernes de peinture dite occidentale organisée en 1984 à Nagoya au Japon. C'était la première grande exposition d'art contemporain menée au Japon par la Chine après le lancement de la réforme et l'ouverture (en 1978). À cette exposition ont participé de grands peintres dont Wu Guanzhong (1919-2010) et Chang Shuhong (1904-1994). Jin Shangyi y a participé avec ses deux œuvres La Mariée tadjike et Fille en bleu.

En 1983, Jin Shangyi avait créé deux Mariée tadjike presque identiques, à une nuance près : le collier porté par celles-ci. Dans le premier tableau, qui est entré dans les collections du Musée des beaux-arts de Chine la même année, la jeune fille porte un collier sur lequel sont insérées trois rangées de perles. Quant au deuxième tableau, qui est celui mis aux enchères, le collier possède quatre rangées de perles. Après son exposition, l'œuvre a été achetée par un collectionneur japonais et est restée au Japon pendant presque 30 ans.

La Mariée tadjike avait provoqué un choc dans le milieu artistique chinois à l'époque, car d'après les critiques, elle « se débarrassait complètement du caractère sombre et grossier de la peinture à l'huile chinoise » et exprimait le caractère artistique de manière naturelle et pure. À cette époque, Jin Shangyi était allé rendre visite à des parents aux États-Unis, où il avait visité les différents musées de ce pays et admiré nombre de peintures à l'huile. Après son retour en Chine, vivement impressioné par la sensation de « volume » de l'art occidental classique, il partit peindre au Xinjiang. Il espérait creuser le sens du « volume » du portrait à l'huile. Pour cela, il s'inspira des contours du visage des Ouïghours. Il a ainsi créé la série « tadjik », dont font partie les toiles Fille tadjike et Trois jeunes filles tadjikes. Le tableau La Mariée tadjike est considéré comme étant le plus représentatif et le plus achevé de cette période.

Dans ce portrait, l'artiste fonde une symbiose artistique du volume, de l'espace et des couleurs. Le peintre use d'un éclairage de profil pour mettre en valeur la plasticité du visage du modèle et les différentes strates de couleur. En plus de mettre en valeur les formes du sujet, le contraste lumineux créé par le fond sombre et les habits éclatants de la mariée qui se fondent dans l'arrière plan apporte un effet de jeu entre vide et plein et créé un effet vibrant. Usant des techniques de la peinture réaliste, le peintre a mis l'accent sur le tracé du visage plein de reliefs de cette mariée. L'utilisation de couleurs telles que le rouge, le noir, le blanc fait ressortir la blancheur de la peau lisse de la jeune fille. Les couleurs vives et épaisses soulignent sa beauté discrète propre à l'Orient. Dans cette peinture, le peintre a créé une véritable osmose entre les techniques de peinture occidentale qui mettent l'accent sur la « forme » et la peinture traditionnelle chinoise qui elle met l'accent sur l'atmosphère-esprit et le côté esthétique. Cela permet à la fois de montrer l'esprit du sujet : ancré dans une réalité et d'atteindre le but esthétique de l'artiste : d'utiliser les techniques de portrait à l'huile occidentales afin de montrer une beauté esthétique quant à elle plutôt chinoise.

C'est grâce à une technique mûre et parfaite de la peinture à l'huile et un esthétisme évident que La Mariée tadjike a inauguré une nouvelle ère de la peinture à l'huile néo-classique chinoise. Ce tableau se situe à la période de transition de la Chine avant la réforme et l'ouverture, époque où les pensées réprimées pendant la période troublée de la Révolution Culturelle commencèrent à se libérer. Le monde de l'art d'alors en Chine était désireux d'apprendre les formes artistiques d'avant-garde et modernes de l'Occident. C'est à cette époque que les concepts, les écoles et tendances diverses ont été introduits en Chine. Attaché à l'art classique occidental, Jin Shangyi s'est ancré dans la peinture à l'huile réaliste. « À la fin de la Révolution culturelle et après, j'ai vu des phénomènes mauvais révélés dans la société, les relations humaines étaient anormales. Cela a eu un grand impact sur ma pensée et j'étais dans un mauvais état d'esprit. Mais je ne pouvais pas changer ces réalités. Je souhaitais donc faire exprimer à mes œuvres une beauté idéale, des sentiments sereins, harmonieux, nobles et purs pour apaiser mes ennuis », a dit Jin Shangyi en évoquant sa première intention de cette création.

Cette œuvre est aussi la préférée de Jin Shangyi. Il avait commencé à avoir un grand intérêt pour les « thèmes de l'homme » à partir des premiers tableaux de l'histoire révolutionnaire. Au début, son talent artistique se révélait surtout à travers ses créations sur l'histoire révolutionnaire telles Monter sur le sommet Mustagh Ata, Adieu, Réunion de Décembre, Longue Marche, etc.

Parmi ses nombreux portraits, il aime surtout les sujets femmes et les intellectuels. Sous son pinceau, les femmes sont élégantes et pondérées, empreintes d'un caractère très oriental. La création des portraits de Jin est divisée principalement en deux phases. La première période de 1979 à 1983, pendant laquelle sa création évolue vers la maturité. À cette époque, il visite le palais Yongle (un empereur de la dynastie des Ming) dans le Shanxi et les fresques de Dunhuang dans le Gansu. Il est attiré par les lignes et les couleurs de l'art traditionnel chinois, notamment des fresques murales. À cette époque, il se rend deux fois en Europe, et essaye de combiner l'art classique européen au style des fresques chinoises. Les œuvres réprésentatives de cette époque sont Exploration et Le peintre Huang Yongyu. La Mariée tadjike de 1983 marque l'arrivée de l'âge d'or de sa création artistique. Durant cette période, il a réalisé encore de nombreux portraits de personnes chinoises dont La Mariée tadjike, Fille en bleu et Jeune chanteuse. Dans les années 90, il a essayé de combiner les techniques de peinture chinoise traditionnelle avec le pinceau à la verticale sur une toile posée horizontalement et le langage de la peinture à l'huile classique, pour créer Le portrait de Huang Binhong et Les Huit Ermites.

 

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