CHINAHOY

2-January-2014

Rennes et la Chine, des échanges toujours plus approfondis

 

Visite de l'Exposition des jardins de Jinan par le maire de Rennes. ( PHOTO : D. GOURAY)

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Lorsque l'on interroge Edmond Hervé, sénateur socialiste de l'Ille-et-Vilaine et maire socialiste de Rennes de 1977 à 2008, sur ses premiers contacts avec la Chine, celui-ci se souvient des premiers étudiants chinois venus à Rennes en 1965. Cet homme connu pour son dynamisme et sa franchise se rappelle : « Je les ai vus et je les ai rencontrés ». À l'époque, il était étudiant à la faculté de Beaulieu, et c'était dans ce même campus qu'étaient hébergés les étudiants chinois, les premiers de la République populaire de Chine à être accueillis en France. C'était une grande première dans les relations franco-chinoises.

Lorsqu'on lui demande si le fait d'accueillir des élèves de la RPC était un choix empreint de couleur politique, il répond qu'en 1965, c'était une volonté du général de Gaulle, après la reconnaissance de la Chine par la France, d'avoir des échanges universitaires et des relations proches avec la Chine. D'ailleurs, il rappelle que dans les années 60, la mairie de Rennes était à droite. Cela n'avait donc rien à voir avec une inclination politique ni des raisons économiques, car la Chine n'avait pas encore lancé sa politique d'ouverture. La coopération de 1985 entre la Région Bretagne et la province chinoise du Shandong n'était pas non plus liée à une couleur politique car le Conseil général était à majorité à droite également.

La première ville française à avoir accueilli des étudiants de la RPC

Edmond Hervé se souvient d'eux comme un groupe très soudé. Ils étaient une trentaine et ne se déplaçaient qu'en groupe, jamais seuls. Il discuta plusieurs fois avec eux, car comme on peut le voir sur les reportages de l'époque, ils avaient un très bon niveau de français. « Nous avions des relations agréables. » Pourtant en 1967, après deux ans passés à Rennes, ces étudiants chinois partent un matin, leurs camarades français devenant tout à coup « de sales bourgeois ». La Révolution culturelle était en marche. Ils ne reviendront qu'une dizaine d'années plus tard.

Edmond Hervé explique que les circonstances historiques chinoises de l'époque ont créé un vide pendant une dizaine d'années. Mais les relations entre Rennes et la Chine ont repris dès l'arrêt de la Révolution culturelle et l'ouverture de la Chine. En effet, à la fin des années 70, des étudiants chinois revinrent. À ce moment-là, Edmond Hervé était devenu adjoint à la mairie de Rennes.

Preuve de cette reprise, en 1979, celui-ici élu maire deux ans plus tôt s'apprête à recevoir une visite d'importance : Hua Guofeng, le premier ministre d'alors. Lors de son voyage officiel en Europe à l'invitation du président français Giscard d'Estaing, ce dernier vient à Rennes, première ville française à avoir accueilli des étudiants chinois.

Le fait que Rennes ait été choisie pour accueillir les premiers contingents chinois n'est pas non plus un hasard lorsque l'on sait l'ouverture de l'université de Rennes et du recteur de l'époque M. Le Mouel. C'est grâce à cet échange universitaire, la base du jumelage entre Rennes et la Chine, que se sont construits des échanges pérennes. Edmond Hervé est également très heureux de pouvoir dire que certains étudiants chinois de Rennes devinrent par la suite diplomates à l'ambassade de Chine en France.

Il rappelle également que les échanges avec les universités rennaises et les instituts spécialisés dans les années 70 étaient déjà bien développés, et que les liens commençaient à se tisser. Comme on peut le voir dans le reportage Rennes, ville chinoise, les associations rennaises d'échange avec la Chine étaient déjà présentes sur le terrain pour organiser cours de chinois et voyages en Chine. Il fut même organisé une rencontre entre fédérations de ping-pong chinoise et française à Rennes.

Approfondissement des relations interrégionales

Edmond Hervé fait remarquer que ces échanges étaient très soutenus par l'ambassade de France de l'époque. En effet l'ambassadeur de France était un Breton : étienne Manac'h. Dans le reportage Rennes, ville chinoise, celui-ci explique la raison de la venue du premier ministre à Rennes, et la relation particulière qu'entretient la Bretagne (dont Rennes est la capitale) avec la Chine.

Il compare la Bretagne avec la province du Sichuan, province un peu reculée empreinte d'une identité particulière, qui a joué un rôle historique et qui incarne une particularité culturelle. Bien sûr, le fait d'avoir été la première ville à accueillir des étudiants chinois était un facteur auquel les dirigeants chinois accordaient beaucoup d'importance. Edmond Hervé se rappelle que le rêve de ce diplomate avec qui il était également ami était de faire se rencontrer de Gaulle et Mao. Malheureusement, le général de Gaulle mourut trop tôt. Pourtant, ce ne fut pas le Sichuan qui fut retenu pour créer une coopération régionale.

En effet, en 1985, c'est avec le Shandong que la Bretagne signe un accord de coopération. Ce n'est pas un hasard. La Bretagne et le Shandong sont des régions agricoles et historiques très importantes pour chacun de leur pays respectif. Une située à l'extrême ouest de l'Europe, l'autre à l'extrême est de la Chine : deux péninsules attachées à la terre, ouvertes sur la mer.

Selon Edmond Hervé, ce qui importait à l'époque, c'était de créer des relations autres que d'état à état et de rendre les échanges plus concrets et humains. C'est dans cette optique-là qu'il joua le rapprochement en 1985, après le début de la coopération entre la Bretagne et le Shandong. Il accueillit plusieurs délégations chinoises dans ces années-là, venant selon lui pour trois buts. Le premier étant de montrer une bonne image de la Chine ; le deuxième, de faire du repérage ; et le troisième, d'envisager des orientations de développement.

Les années 90 furent des années de « main tendue » avec des essais pour créer un échange officiel entériné par une convention d'échange. La convention fut préparée en décembre 1999, et le jumelage devint effectif en 2002. Le conseil municipal rennais vota en faveur de cette décision à l'unanimité, prouvant bien que ces échanges étaient devenus paysages communs de la vie rennaise et qu'il fallait les institutionnaliser.

Edmond Hervé explique pourquoi les échanges entre Rennes et la Chine, et notamment la ville de Jinan, sont très dynamiques depuis trente ans. Pour lui, tout d'abord, c'est un échange historique, première pierre de touche des relations bilatérales franco-chinoises et premier véritable rapprochement. Ensuite, c'est dans une volonté de proximité et dans le cadre de la décentralisation que s'inscrivent les échanges entre régions et villes. La fréquence des visites en Chine par les membres de la municipalité rennaise et des associations, ainsi que les visites officielles chinoises, est très importante. Chaque année, ce sont presque cinq allers-retours qui sont faits entre les deux villes. Sans compter que Rennes compte maintenant plus de 1 000 étudiants chinois à l'université, et des étudiants rennais sont envoyés chaque année à Jinan. Les échanges dans le secondaire entre les lycées de Jinan et Rennes sont également très importants, celui du lycée Zola et l'école des langues étrangères de Jinan en est l'exemple le plus ancien. Des lycées professionnels sont également engagés dans ces échanges, de même que des associations sportives, sans oublier les associations artistiques telles que Encres de Chine.

Les échanges entre Rennes et la Chine ne sont pas connus pour être très fructueux économiquement parlant. Edmond Hervé explique que le rôle d'une municipalité n'est pas de faire de la prospection économique. Rennes est engagée dans un processus d'échanges profonds sur le long terme, dans des domaines très variés, alors que l'économie ne le permet pas. Certaines entreprises de Bretagne, notamment spécialisées en agroalimentaire, sont implantées dans le Shandong. Des entreprises agroalimentaires chinoises étaient également présentes au SPACE (Salon des productions animales - Carrefour européen) cette année. Les échanges économiques se faisant surtout au niveau régional.

Pourtant, sur le plan de la maîtrise de l'urbanisme et de l'échange de savoir-faire en matière d'agroalimentaire ou d'administration municipale, les échanges entre Rennes et la Chine sont exemplaires. On peut notamment citer le programme d'échanges sur l'urbanisme soutenu par l'Union européenne, Asia Urbs, auquel ont participé Rennes, Qufu et Saint-Jacques-de-Compostelle. Ou bien l'échange avec le parquet de Jinan sur le système judiciaire, qui vient d'avoir lieu avec la cour d'appel de Rennes.

Pour tout ce travail et la pérennité de ce jumelage, Rennes a été récompensée en 2010 par un prix d'excellence pour la coopération et les échanges des villes jumelles et amies de la Chine, prix décerné par l'Association du peuple chinois pour l'amitié avec les peuples étrangers et l'Association internationale des villes jumelées de Chine.

Un jumelage très présent et confiant en l'avenir

Edmond Hervé était très attaché à ce jumelage qui selon lui, porté par la municipalité mais aussi par des acteurs non gouvernementaux également très importants voire capitaux pour ces échanges, permet une meilleure compréhension entre les deux cultures et la réduction de la distance entre les personnes et les régions. Décentraliser ces échanges revient un peu à les mettre à un niveau plus humain, moins axé sur de la diplomatie d'état pure, mais sur des rencontres factuelles et concrètes autour de questions communes.

Le fait de faire travailler main dans la main services de la ville, associations, universités et centres de recherche ou encore organismes consulaires, tels que la chambre de commerce ou la chambre d'industrie, permet une meilleure synergie au sein de la ville de Rennes. Cela permet donc de donner une base concrète et plus populaire à des relations internationales qui pour lui, finalement, ne doivent pas se réduire seulement à des rencontres étatiques de haut niveau.

Avant de quitter son siège de maire de Rennes, Edmond Hervé tenait à l'ouverture de l'Institut Confucius de Bretagne. C'est ce qui fut accompli en octobre 2008. Depuis, plusieurs nouveaux échanges ont été mis en place, notamment l'échange entre le Conservatoire de musique de Rennes et l'université des Arts du Shandong. De nombreux autres, notamment dans le domaine artistique, sont en préparation, et une délégation du parquet de Jinan s'est rendue à Rennes le 4 novembre dernier pour rencontrer la cour d'appel de Rennes. évènement plus populaire : la Semaine chinoise à Rennes, organisée par l'Institut Confucius, est une manifestation qui prend de plus en plus d'ampleur chaque année lors du Nouvel An chinois.

On parlait déjà en 1979 de « Rennes, ville chinoise ». Les temps ont changé : la Chine s'est développée, s'est ouverte et modernisée, les échanges avec l'étranger se sont diversifiés. La ville de Rennes, grâce à la décentralisation, une politique de proximité et des efforts pour intégrer les acteurs rennais à ce dialogue avec la Chine, a pu envisager des échanges toujours plus profonds et sur le long terme. Edmond Hervé, aujourd'hui devenu sénateur, est très satisfait de ce développement et des réalisations du jumelage entre Rennes et la Chine. Porté par son caractère historique et profondément humain, cet échange va durer et permettra de faire encore beaucoup pour la compréhension de nos deux peuples, pour qu'ils apprennent à vivre ensemble, en intelligence.

 

La Chine au présent

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