CHINAHOY

1-April-2014

Matthieu Chédid -M- la Chine !

 

-M- sur scène.

 

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

«Je dis aime, et je le sème, sur la planète... » Sur TOUTE la planète, aurait pu préciser -M- ! Cet auteur-compositeur-interprète français, de son vrai nom Matthieu Chédid, était début mars en Chine, pour une tournée asiatique de sept dates : à Taipei, Hong Kong, Wuhan, Shanghai, Beijing (deux concerts) avec un détour par Singapour. 7 000 km en deux semaines qui s'inscrivent dans la continuité de sa tournée française de décembre 2013, où il présentait sur scène son dernier album Îl, un disque qu'il voulait « audacieux et un peu épique ».

Mais qui est -M- ?

Concrètement, -M- est un multi-instrumentiste et chanteur à succès de 42 ans qui peut déjà se targuer d'une carrière longue de 17 ans. Comme Obélix avec la potion magique, -M- est tombé dans la musique et l'écriture quand il était petit, puisque son père Louis Chédid est également chanteur et que sa grand-mère Andrée Chédid était écrivain et poétesse. Un cocktail détonnant ! Il écrit et compose lui-même la grande majorité de ses titres et compte déjà à son actif six albums, sans parler de ses nombreuses collaborations musicales avec entre autres son père, Vanessa Paradis ou encore Johnny Hallyday. Accordant une importance particulière au visuel, il est aussi à l'origine des bandes originales du spectacle Le Soldat rose et des films Les Triplettes de Belleville, Ne le dis à personne et Un Monstre à Paris. Il a déjà reçu une dizaine de récompenses au cours de sa carrière, notamment celles de l'« Artiste interprète masculin de l'année et du « Meilleur concert / Meilleure tournée de l'année » aux Victoires de la musique en 2000 et 2005.

Mais la question de savoir qui est véritablement -M- est plus subtile. À cette question, certains répondraient certainement « un guitariste hors pair électrisant », d'autres, « un homme à la coupe de cheveux atypique ou aux lunettes stylées ». Vous l'aurez compris : -M- est un artiste à multiples facettes et plein de ressources.

Semblant très posé en interview, il suffit à Matthieu Chédid de revêtir ses costumes de scène, tel un super-héros, pour se lâcher complètement dans ce monde qu'il juge trop sérieux. Une double personnalité qu'il rapproche de la pensée taoïste du yin et du yang. Mais pour lui, il ne fait pas preuve d'extravagance, mais au contraire, de sincérité, car ce masque derrière lequel il se cache lui permet d'être davantage lui-même. Matthieu Chédid ne décrit pas pour autant -M- comme un personnage derrière lequel il dissimulerait sa timidité : « -M-, c'est moins un avatar qu'un lieu, une île. Un endroit où j'aime aller car je sais que là, je peux tout me permettre. »

Effectivement, -M- est adepte des accessoires clinquants en tout genre. Chacun de ses albums est relié à un gadget : dès son premier opus Le Baptême, il vide le flacon de gel pour donner à ses cheveux la forme de la lettre M ; la couleur rose est omniprésente sur l'album Qui de nous deux ? ; sur son dernier album Îl, il arbore des lunettes miroir lumineuses, toujours en forme de M. « L'idée, c'est de toujours laisser une image forte. Pour moi, il s'agit un peu du rôle de l'artiste : laisser des empreintes et surtout, des messages, plus ou moins explicites. »

Serait-ce donc une stratégie marketing ? « L'image, à mon avis, a 80 % d'impact sur la musique. C'est l'image qui fait que la chanson devient forte. Je ne fais pas cela pour le succès, mais pour l'entité artistique. » Ceux qu'ils considèrent comme ses idoles (Prince, David Bowie, Jimi Hendrix, Björk) possèdent ainsi tous un univers singulier où le visuel est prédominant. Lorsqu'il est en Chine, il ressent d'autant plus que l'on vit dans un monde d'images : dans le métro, il s'amuse à observer les Chinois qui ont tous les yeux rivés sur l'écran de leur tablette ou téléphone portable.

Pourquoi une tournée en Chine ?

Bientôt, ces « hyper-connectés » chinois visionneront peut-être les concerts de la star suite au second passage de la déferlante -M- ! L'artiste était déjà venu donner des représentations en Chine en 2010, au moment de l'Exposition universelle de Shanghai. À l'époque, il ne se faisait pas une image précise de la Chine, il y débarquait sans a priori. La Chine était « un ailleurs » qu'il souhaitait ardemment découvrir. Mais comprendre la Chine en une semaine ou deux relève de l'impossible... « C'est comme des rencontres : cela prend du temps à se construire. Donc, j'ai vraiment décidé d'essayer de revenir un peu plus régulièrement, une fois tous les ans dans l'absolu. »

Son premier voyage en Chine lui avait en outre inspiré la chanson Machine (ou faudrait-il dire « ma Chine »), dans laquelle il a mis en paroles et musique ces premières impressions sur ce pays. Un morceau plus doux aux sonorités orientales, à l'image de la Chine, dans lequel il fait un parallèle entre la sensualité d'une femme et celle de ce pays qu'il découvre petit à petit. En 2010, à travers les buildings de Shanghai, il avait ressenti le poids de la hiérarchie : « D'en haut je vois ce que je vaux en bas ». Il décrit également, à travers ce titre, une Chine dans le déclin d'une histoire mais qui se tourne vers l'avenir. « En Chine, les gens vont beaucoup plus de l'avant, alors qu'en France, on est plutôt dans une sorte de nostalgie. On est un peu dans le ''c'était mieux avant'', alors qu'ici, on peut dire ''ce sera mieux après''. »

Le souhait de découvrir par étapes la Chine l'a conduit à envisager un projet de collaboration franco-chinois, ce qui est rarissime en France. Après avoir écouté les œuvres d'un florilège d'artistes chinois, il est tombé sous le charme de la voix et de l'univers musical de Chacha, une jeune Shanghaïenne peu connue qui évolue dans le milieu underground. « Elle a une sensibilité un peu occidentale. Il y a quelque chose qui fait que je me reconnais dans sa façon de chanter. »

De ce coup de cœur artistique est né un duo virtuel, intitulé Détache-toi – Shenjing Moshao, dont la pochette du single a été conçue par l'illustrateur chinois Leilei. -M- et AM444 (le groupe de Chacha) se sont rencontrés pour la première fois en vrai à la date du concert de Wuhan. Cette tournée de -M- s'avérait donc un moyen de concrétiser ce projet. Enfin réunies, les deux personnalités ont interprété ce morceau pour la première fois sur scène. « J'ai vraiment envie de faire grandir ce projet et que cette histoire devienne un symbole franco-chinois. » -M- confie, ne pouvant contenir son enthousiasme, que d'autres versions de ce morceau sont en préparation, et que son équipe et lui en tournent actuellement le clip à Beijing.

L'universalité de la musique

Matthieu Chédid a choisi de venir en Chine quelque temps pour sortir de sa bulle francophone et découvrir une autre réalité. « Je suis d'abord musicien, et le langage musical, c'est un langage assez universel. C'est comme si j'avais un langage universel mais que je restais francophone. Je me dis que ce serait peut-être intéressant de voir si on peut éclater la bulle. » Il n'est pas nécessaire de comprendre les paroles d'une chanson pour ressentir des émotions : un auditeur peut être touché par la mélodie, la voix de l'artiste, son univers, etc... À titre d'illustration, la population française écoute aussi bien des chansons françaises que des chansons venues d'ailleurs. Alors pourquoi les Chinois n'écouteraient-ils pas des chansons francophones ?

Par ailleurs, -M- perçoit des sonorités similaires entre les langues chinoise et française chantées, un peu « ciselées », moins arrondies que l'anglais. Il se sent également très proche des instruments chinois. En 2010, le jour de son concert à Shanghai, il avait acheté un guzheng (cithare sur table), pour essayer, et quelques heures plus tard, il en jouait sur scène devant une foule de spectateurs. Il a ramené cet instrument chez lui depuis et dit avoir progressé. En France, il possède aussi une petite guitare chinoise. « Je n'en joue pas du tout à la manière chinoise, mais c'est quelque chose de très accessible pour moi, parce qu'il y a des gammes très proches des gammes blues. »

Son premier passage en Chine fut un évènement qui a profondément marqué sa carrière. Bien que dans ses concerts à l'étranger il reconnaisse son public francophone, il a le sentiment que le petit groupe de Chinois présents par curiosité sont réceptifs à son spectacle, car « ils connectent avec la performance et sont touchés par la musicalité, par le show ». D'après lui, les Chinois apprécient les chansons assez simples qui vont à l'essentiel, comme les « guitares-voix ». Ceux-ci admirent également les excentriques ascensions dans les aiguës que fait parfois l'artiste.

-M- voudrait comprendre davantage la culture chinoise et s'y adapter. Il n'exclut pas la possibilité de reprendre en français de célèbres chansons chinoises. Mais pour le moment, le rockeur souhaite se concentrer sur ce projet avec Chacha, pour qu'il aboutisse sur une histoire belle à raconter.

Néanmoins, il semblerait que « cet amateur de musique », comme il se décrit humblement, ne sait pas s'arrêter. Au-delà de la sortie en Chine du single Détache-toi / Shenjing Moshao et du best-of -M- 先生 (Mister M) réunissant les plus grands succès de ces deux derniers opus (Mystère Mister et Îl), il prépare l'album plus intimiste et expérimental Labo M 2 pour septembre prochain et envisage une nouvelle collaboration, cette fois avec Seu Jorge, musicien et acteur brésilien. On espère toutefois que le « Machistador », malgré son emploi du temps chargé, reviendra bien l'année prochaine comme il nous l'a promis, pour nous donner à nouveau l'occasion d'être « En tête-à-tête » avec lui.

 

La Chine au présent

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