CHINAHOY

2-February-2016

E-commerçons en Chine !

 

En Chine, la fièvre Taobao saisit même les étrangers.

 

REN YINAN*

Le 11 novembre 2015, le chiffre d'affaire total du commerce en ligne chinois avoisinait les 122,94 milliards de yuans. Le chiffre d'affaire de Tmall (site de vente en ligne chinois) atteignait 91,2 milliards de yuans. En comparaison, la fête des achats américaine « Vendredi noir » enregistrait seulement 28,44 milliards de yuans (4,45 milliards de dollars).

Depuis le début du e-commerce chinois en 1998, celui-ci a connu un essor sans précédent sur le marché chinois. Les volumes de vente affichent non seulement l'évolution du marché chinois mais aussi le changement du mode de vie des Chinois.

Une évolution silencieuse

Tous les jours, Chen Xue parcourt les boutiques en ligne qu'elle affectionne sur le site chinois d'achats en ligne taobao.com pour voir s'il y a des nouvelles arrivées. Au cas où un article lui plaît, elle fait une commande, réalise le paiement et puis il lui suffit d'attendre le colis.

À 25 ans, cela fait déjà 7 ans qu'elle fait son shopping sur taobao.com. Le site est même devenu une partie indissociable de sa vie quotidienne. Elle achète majoritairement des vêtements et des articles d'usage courant. Ces dernières années, elle achète même ses appareils électroménagers, ses billets d'avion et réserve ses hôtels sur ce site. Elle dit même d'ailleurs non sans humour : « Taobao est omnipotent, j'y suis droguée. »

Et la contagion est familiale puisque la mère de Chen Xue est aussi devenue adepte du site. « Pendant la fête des soldes du 11 novembre, ma mère m'a battue. Elle m'a demandé de choisir les articles pour elle plusieurs jours à l'avance. Elle ne peut pas veiller la nuit, donc c'est moi qui ai dû attendre jusqu'à minuit pour passer les commandes. » Chen Xue nous confie qu'au début, sa mère n'était pas intéressée par l'e-commerce. Elle pensait que c'était plus sûr de faire ses achats « en vrai ». Mais petit à petit, elle s'est laissée attirer par la praticité de l'achat en ligne : on peut acheter les articles à bon rapport prix/qualité et sans restriction d'espace ou de temps.

Chen Xue et sa mère ne sont pas des exceptions. L'e-commerce a réussi à investir tous les aspects de la vie quotidienne des Chinois. L'e-commerce, dans lequel taobao.com et JD.com sont pionniers, satisfait la demande de plus en plus diversifiée des Chinois et change en silence la conception et le mode de vie des gens.

L'e-commerce ne cesse d'évoluer pour mieux satisfaire la demande des consommateurs : il est passé du mode B2B (de business à business) à B2C (de business à consommateur), C2C (de consommateur à consommateur), et puis à BOB (de business à opérateur à consommateur) et enfin O2O (Online To Offline).

Ces dernières deux années, le mode O2O a connu un essor qui attire beaucoup de commerçants. Xu Youhong, directeur de la vente au détail de la région Grande Chine d'Accenture nous analyse la situation : « Bien que l'achat sur les portables soit désormais la tendance, nos enquêtes montrent que de plus en plus de consommateurs préfèrent faire des commandes en ligne et aller chercher leurs achats dans des boutiques physiques. Le magasin physique est complémentaire à l'e-commerce car il permet l'essai des produits. »

Inman est une marque de vêtements et d'accessoires sur Internet. Au milieu de l'année, Inman a publié son plan de développement « Inman + 10 000 magasins dans 1 000 villes ». 10 000 magasins en dur seront ouverts dans 1 000 villes dans les 5 ans à venir. Fang Jianhua, le fondateur envisage d'attirer les clients par un mode de marketing expérimental. Si on prend leur magasin de Shanghai comme exemple : 65 % des clients qui essaient achètent, un taux largement supérieur à celui de leur magasin en ligne qui est uniquement de 6 %. C'est la raison pour laquelle le mode O2O où vente en ligne et magasin en dur sont combinés est de plus en plus plébiscité.

 

Dans cet hypermarché de Taiyuan, 50 % de réduction pour chaque payement par Alipay.

 

Une réaction en chaîne

Cependant, tout le monde ne possède pas l'attitude positive pour l'e-commerce avec pour tête de proue taobao.com. Certaines personnes trouvent que l'e-commerce est un choc pour l'économie réelle et sabote le dynamisme commerçant et le cycle normal du développement économique.

Ce choc est réel, notamment pour les grossistes, les détaillants, l'industrie de la restauration et du divertissement. À travers la plate-forme d'Internet, les produits sont vendus directement aux consommateurs, ce qui permet une économie dans les maillons de la vente en gros et des stocks.

En même temps, c'est un avantage pour les producteurs et les acheteurs, car l'e-commerce contribue également à l'optimisation de la distribution des ressources et à la transformation de l'économie chinoise.

Pour l'instant, sur le site Taobao, on trouve plus d'un million de boutiques ouvertes par des particuliers, ainsi que plus de 120 000 boutiques en ligne de marques.

On y trouve des commerçants mais aussi des producteurs ou fabricants. Ceux-ci sont en face à face avec les acheteurs, ce qui assure au maximum la symétrie de l'information et permet de faire baisser les prix et de stimuler la consommation.

De plus, l'e-commerce bénéficie aux étudiants, aux employés à faible revenu et aux retraités. Dai Jiarui, dont la sœur jumelle fait ses études à l'université de Sydney, fournissait des compléments alimentaires, des produits de beauté et du lait en poudre achetés par sa sœur en Australie à sa famille et ses amis. À la longue, elles ont fini par avoir un bon carnet d'adresses et ont décidé d'ouvrir leur propre magasin sur taobao.com.

Le développement de l'e-commerce a également engendré l'essor du tertiaire dont la logistique, le stock, la comptabilité, l'opérateur informatique ainsi que le design pour les magasins en ligne.

Face à cette compétition avec l'e-commerce, les propriétaires de magasins traditionnels hors-ligne cherchent des solutions. Ils mettent pleinement en valeur les avantages de leur vrai magasin en fournissant aux consommateurs une joie « réelle ». Ils profitent de toutes les occasions pour organiser des évènements culturels, des expositions ou des concours dans le but de plaire aux clients.

Mais ils ne rechignent pas non plus à se mettre en ligne. Le Joy City Chaoyang de Beijing est un centre commercial très populaire parmi les jeunes. La stratégie de Joy City est de construire une plate-forme de service basée sur Internet. L'objectif est de transformer le magasin physique en accès au magasin en ligne.

Durant la fête des soldes du 11 novembre, le Joy City a même encouragé les clients à scanner le code QR des articles et à les acheter sur Internet. L'e-commerce n'est plus un simple rival du commerce « physique ». Les deux entretiennent une relation plus compliquée de « online to offline ». Parallèlement, le géant chinois de l'e-commerce JD.com (Jingdong) a lancé un service « Jingdong à domicile » sur lequel on peut commander des produits dans les supermarchés, les fleuristes ou les boulangers proches de chez soi. Livraison en deux heures top chrono. Grâce à ce type d'alliance, l'achat en ligne est plus fiable et la livraison est plus efficace.

E-commerce chinois mais pas seulement

L'ambition de l'e-commerce chinois ne s'arrête pas au pied de la grande muraille et a en réalité déjà passé les frontières. Les plates-formes de l'e-commerce transfrontalières telles que Tmall International, Amazon, Kaola, Xiaohongshu, Ymatou et Fengqu ne vendent pas uniquement des produit chinois mais aussi des produits étrangers. De plus, les versions française et russe de Taobao sont également disponibles pour les clients étrangers en Chine et à l'étranger.

Les consommateurs chinois choisissent rarement un site en ligne étranger pour acheter des produits à cause des problèmes de paiement, de la langue, de la logistique et des problèmes de douane.

Désormais ce problème n'existe plus. La différence de langue n'est plus un problème. Le paiement est réalisé en yuans par carte bancaire, le système de payement en ligne chinois Alipay ou le porte-monnaie Wechat. La logistique est assurée par la poste et l'entreposage par les douanes.

Un nombre croissant de marques internationales ont pris conscience du pouvoir d'achat grandissant des Chinois et l'e-commerce leur donne un bon accès à ce marché, notamment en Corée du sud où l'e-commerce transfrontalier avec la Chine est extrêmement populaire. La plupart d'entreprises coréennes souhaitent élargir leur capacité de production pour les acheteurs chinois. Certaines vont même jusqu'à ne produire que des produits dédiés au marché chinois.

Cette année, la fête des soldes en ligne du 11 novembre a également attiré les consommateurs étrangers. Selon les statistiques, les clients sud-coréens, américains et européens ont plébiscité les articles d'usage courant en bonne qualité et très bon marché, les vêtements, les chaussures et les accessoires des marques fast fashion.

Vu la grande demande et les mesures apportées à l'e-commerce transfrontalier, ce marché ne cessera de se développer. En 2015, le Conseil des affaires d'Etat a publié trois documents pour encourager l'e-commerce transfrontalier. Le ministère chinois du Commerce apporte un soutien renforcé au développement de l'e-commerce transfrontalier.

L'e-commerce campagnard

L'e-commerce c'est trendy, c'est fashion, mais c'est aussi dans les campagnes. En 2014, la Chine comptait 178 millions d'internautes ruraux, dont 77,14 millions consommateur dans l'e-commerce. Le volume commercial de l'e-commerce dans les campagnes chinoises a atteint 180 milliards de yuans.

Les trois géants de l'e-commerce Alibaba, Jingdong et Suning ont établi des pôles de services, d'opération et des systèmes de logistique dans les villages pour aider les villageois à créer leur compte, passer des commandes, payer et à recevoir les colis. Ceux-ci peuvent donc profiter des services d'achat en ligne et du service postal express.

Les plates-formes d'e-commerce sont aussi importantes pour les producteurs agricoles. « Les agriculteurs ont accès à l'Internet à la maison et peuvent vendre leurs produits sur Internet et ainsi gagner de l'argent », nous explique Zhao Shengkui qui habite à la campagne dans la province du Qinghai. Grâce à l'e-commerce, les spécialités locales et les produits du terroir de tout le pays ont commencé à inonder le marché chinois, y compris le gouqi du Qinghai, les pommes du Shandong, les citrons d'Anyang ou encore les jujubes et les noix du Shaanxi.

Le mode Internet + Agriculture a fait de brillants débuts. Mais il existe encore des goulots d'étranglement qui mettent un frein à son essor : mode de pensée arriéré, manque de personnes formées, retard technique du réseau Internet, technique logistique mauvaise et absence de soutien financier.

De l'essai aux épreuves, des débuts brillants au développement tous azimuts, l'e-commerce était considéré comme illusoire et incertain par les Chinois il y a peu, mais aujourd'hui, avec les plates-formes d'achat en ligne et le nombre croissant de consommateurs, il amène de nombreuses opportunités et un grand espoir pour l'économie chinoise.

 

*REN YINAN, stagiaire de La Chine au présent.

 

La Chine au présent

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