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Relations économiques France-Chine : un bilan
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Javier Gimeno, président de la Chambre de commerce et d'industrie française en Chine. |
Retour sur les relations économiques France-Chine avec Javier Gimeno, président de la Chambre de commerce et d'industrie de France en Chine (CCIFC).
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
Il y a deux ans, nous avions déjà rencontré le président de la CCIFC. À l'époque, c'était Laurent Guibert, aujourd'hui, c'est Javier Gimeno, délégué général, CEO pour l'Asie-Pacifique du groupe français Saint-Gobain qui nous a accordé une interview depuis son bureau de Shanghai. En 2014, les chiffres étaient ceux-ci : 1 500 entreprises françaises implantées en Chine, la France employait 500 000 personnes. Ceux de cette année sont 1 600 entreprises françaises implantées, et un chiffre d'affaire de 60 à 65 milliards d'euros par an pour les implantations françaises en Chine.
Selon Javier Gimeno, la France serait donc le 2e employeur étranger en Chine et pas loin d'être l'un des investisseurs étrangers les plus importants en Chine. Avec 18 milliards d'euros d'IDE français vers la Chine en 2014, la France est le 2e fournisseur européen du pays après l'Allemagne, et tout juste devant l'Angleterre. Une bonne performance à nuancer toutefois compte tenu de l'écart assez significatif dans la part du marché que s'est taillée la France comparée à celle de notre voisin germanique qui affichait 5 % du marché chinois contre 1 % et quelques pour la France.
Face à ces chiffres plutôt optimistes, un chiffre inquiète : celui de la croissance chinoise qui « ralentit », mais faut-il pour autant quitter le navire ? « Les chiffres de la croissance chinoise restent respectables. On ne trouve pas beaucoup de pays dans le monde avec le taux de croissance de la Chine. Même en Asie, la Chine est le pays qui continue à croître avec le rythme le plus élevé. Effectivement la croissance est moins forte qu'avant, mais les chiffres en termes de valeur absolue, la capacité de l'économie chinoise à créer de la richesse n'a pas été modifiée de manière importante », analyse Javier Gimeno.
« La Chine possède beaucoup de diversité, tout d'abord sur le plan géographique. En effet, le Nord est assez touché par le ralentissement économique, dû à son passé de grande région industrielle, tandis que l'Ouest et le Sud affichent encore des taux de croissance au-dessus de la moyenne du pays. De la diversité aussi selon les différents secteurs économiques. Certains sont en franche décadence, l'industrie de l'acier par exemple, mais d'autres, ceux liés aux services, à la consommation des ménages, à l'environnement, à la santé…, sont en pleine expansion. Donc il ne faut pas se contenter d'une analyse superficielle et monolithique. En tous les cas, 7 % n'est pas un chiffre que l'on peut considérer comme une "petite croissance". Pour les années à venir, le gouvernement aurait en tête 5-7 % croissance, ce qui serait tout à fait convenable. »
Il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud
Bien que les chiffres des échanges économiques franco-chinois pour 2015 ne soient pas encore disponibles, les fréquentes visites officielles de dirigeants français et chinois depuis 2014 nous permettent de croire qu'un vent favorable souffle sur les échanges économiques franco-chinois.
Sans être exhaustif, on peut citer la visite du président chinois Xi Jinping en mars 2014 qui avait été couronnée par la signature d'un nombre assez conséquent de contrats et le chiffre brandi fièrement par le président français de « 18 milliards d'euros » de contrats signés.
Les visites fréquentes des ministres ou secrétaires d'État français dans la foulée en Chine et celles de vice-ministres chinois ou du premier ministre Li Keqiang en France récemment donnaient l'impression qu'il fallait « battre le fer tant qu'il était encore chaud » à coups de contrats, d'accords, de forums franco-chinois et de réunions économiques.
Tout récemment, la visite de François Hollande, pour obtenir de son homologue chinois un engagement pour la COP21, a également été l'occasion de signer des accords dans divers domaines tels que la santé, le nucléaire, l'environnement dans lesquels la France et la Chine coopèrent aujourd'hui.
Pour Javier Gimeno, cet « activisme » diplomatique et économique s'explique, entre autres raisons, par le fait que la Chine est en train de vivre une réforme structurelle de son économie sur laquelle la France a bien l'intention de surfer : « L'économie chinoise est en train de passer d'une économie de quantité à une économie de qualité. C'est une grande ambition. Le but est de miser sur la consommation privée, et les chiffres de 2015 commencent déjà à montrer que le changement est en train de se faire. Le développement économique chinois se tourne vers des domaines plus sophistiqués, à plus forte valeur ajoutée, dans lesquels les notions de qualité et d'innovation sont essentielles et dans lesquels la France possède une expertise, une expérience et un savoir-faire reconnus. »
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Le 30 juin 2015, le premier ministre Li Keqiang et son homologue français Manuel Valls inaugurent la première succursale de la China Construction Bank en France. |
L'impulsion de la classe moyenne
Auparavant devancée par de plus grand pays industriels tels l'Allemagne ou les États-Unis, la France avait du mal à émerger dans le marché chinois très tourné vers l'industrie. Mais aujourd'hui, la France, un des leaders dans les services, l'environnement, la sûreté alimentaire et des industries de pointe tels que les nouvelles énergies ou le nucléaire, a tout intérêt à profiter de cette vague impulsée par la montée en puissance de la classe moyenne chinoise : « La société chinoise est de plus en plus consciente des enjeux environnementaux. Dans le même temps, les consommateurs chinois commencent à prendre conscience de l'importance de produits de bonne qualité et de la sécurité alimentaire. Le vieillissement de la population chinoise et la réforme du système de santé chinois sont aussi de bonnes nouvelles pour nos échanges économiques avec la Chine », analyse Javier Gimeno.
« La France est en mesure de satisfaire au mieux cette nouvelle classe moyenne. Ce changement de politique économique est favorable aux entreprises françaises. C'est même mieux que ces dernières années. Pour prendre un exemple, l'entreprise que je dirige, spécialiste dans le domaine des matériaux de construction voit une différence : aujourd'hui, les constructeurs chinois font attention aux performances environnementales des matériaux. Au niveau du vitrage isolant par exemple, le consommateur chinois se renseigne sur le vitrage, il veut de la qualité. Les gens prêtent aussi attention à la réduction des émissions de CO2. Cette nouvelle conscience sur le plan de l'environnement favorise les entreprises françaises », détaille Javier Gimeno.
« Sur le plan alimentaire, la sécurité alimentaire prend de plus en plus d'importance. Le consommateur veut savoir si la nourriture fabriquée est en conformité avec des standards rigoureux. Or en France, nos produits sont tracés et contrôlés selon des normes très strictes. On observe donc un changement graduel : plus la société chinoise avance vers une société de classe moyenne, plus l'offre française est adaptée à la demande de cette nouvelle population. Le mouvement s'est accéléré de façon notable ces dernières années », ajoute-t-il.
La balance commerciale défavorable est-elle une fatalité ?
Naguère devancée par l'Allemagne, partenaire fétiche de la Chine dans l'automobile, l'industrie lourde, le ferroviaire et la machinerie, les États-Unis, poids-lourd du numérique et de l'investissement dans l'industrie et même les Pays-Bas, la France tente depuis de nombreuses années de rattraper son retard (la balance économique franco-chinoise est très largement déséquilibrée comparée à celle d'autres pays avec la Chine : –26,3 milliards d'euros pour 2014).
Première bonne nouvelle : « Aujourd'hui, les réformes économiques chinoises sont intéressantes pour la France, car la Chine a besoin de se développer de façon durable, de faire des progrès dans le domaine de l'environnement, de développer son système de santé, de produire mieux et de satisfaire la demande de sa classe moyenne grandissante en termes de services et de produits de qualité », nous explique M. Gimeno.
La France, championne du tertiaire, de l'industrie haut-de-gamme et à forte valeur ajoutée, gagne du terrain en Chine dans un contexte qui est plus favorable à la topologie des produits et des services proposés par les entreprises françaises. Pourtant, « Ce n'est pas demain qu'on va voir la balance commerciale franco-chinoise se rétablir, car les réalités économiques et sociologiques sont différentes. Évidemment, un des vecteurs de notre action est de réduire progressivement l'écart. Et les officiels français le répètent à chaque visite à leurs collègues chinois. Heureusement, la France joue dans des cours – celles de la technologie, de la qualité, de la valeur ajoutée, de la créativité – où les échanges peuvent se rééquilibrer plus rapidement. Ce déséquilibre de la balance commerciale n'est donc pas une fatalité », commente Javier Gimeno.
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Le ministre français des Finances Michel Sapin et le vice-premier ministre chinois Ma Kai lors du 3e dialogue économique et financier de haut niveau à Beijing. |
L'attractivité de la France : en fait-on assez ?
Évidemment, pas question de réduire les investissements français en Chine ni les importations en provenance de Chine, mais il faut attirer les investissements chinois vers la France à défaut de faire acheter nos produits par les consommateurs chinois. « On ne peut pas remettre la faute du déséquilibre de la balance sur les Chinois, la France doit aussi savoir se rendre plus attrayante, plus accessible. Car les chiffres sont là pour le montrer, à l'heure actuelle, la France attire moins les investissements chinois que certains de ses voisins. « Quand on voit les chiffres pour 2014 : il y a eu 17 projets chinois en France, 40 au Royaume-Uni et 80 en Allemagne. Il reste donc beaucoup à faire et il y a beaucoup de terrain à rattraper », explique Javier Gimeno.
Certains investisseurs chinois auraient notamment été « refroidis par les réactions françaises face aux investissements chinois en France, par exemple l'aéroport de Toulouse » .
Et pourtant, dans les faits, la situation est bien meilleure qu'il n'y paraît : « Finalement les entreprises peuvent quand même dérouler leur plan d'action et la plupart des entreprises chinoises implantées en France se portent bien. »
Car la France, malgré certains réflexes bureaucratiques et un climat social parfois perturbé, a de nombreux atouts, mais peine à les valoriser. Pour ce faire, Javier Gimeno suggère de « mettre l'accent sur les éléments positifs ». « On dit souvent que les salaires et les charges sociales en France sont plus élevés qu'ailleurs mais on oublie de rajouter que la main d'œuvre française est l'une des plus productives au monde. Les coûts salariaux peuvent paraître élevés, mais en échange, on a une qualité et une productivité souvent enviée. »
La France, 5e puissance économique au monde, et ses « entreprises, en raison de leur technologie, de leur capacité d'innovation, de leur qualité, de leur créativité, sont toujours en peloton de tête de chaque secteur ». De plus, de part sa place de leader au sein de l'Union européenne, « La France, à la différence par exemple de l'Angleterre, représente pour nos amis chinois un atout pour mieux réussir leurs projets européens dans le cadre de la stratégie du ''going abroad''. En effet, pour les entreprises chinoises, la France constitue le pont idéal entre la Chine et l'Union Européenne. »
Enfin, sans toutefois négliger les atouts traditionnels de la France (tourisme, culture, art de vivre), l'image de la France à l'étranger doit davantage refléter le dynamisme et les capacités innovantes des entreprises françaises. « Une bonne partie des Chinois sont encore loin de comprendre la diversité de la France, qu'elle soit culturelle ou économique. Ils en ont souvent une vision un peu stéréotypée ou restreinte », regrette Javier Gimeno. La preuve, dans les 17 projets d'investissements chinois en France en 2014, la plupart restaient dans des domaines traditionnels tels que l'agro-alimentaire, les loisirs, l'hôtellerie. En effet, « les Chinois pensent rarement à la France en matière d'innovation, de technologie, et se dirigeront plus naturellement vers l'Allemagne. »
D'où la « nécessité de faire valoir nos atouts dans ces domaines », car comme le souligne le président de la Chambre de commerce « la France sur le plan de l'innovation, de la technologie, de la créativité est un des leaders mondiaux ». Mais pour que les Chinois voient ce que les entreprises françaises sont en train de réaliser dans les différents domaines, il faut faire « un effort de pédagogie, d'explication pour que la France soit bien mise en valeur ». Ce travail de communication est en train d'être fait conjointement par le ministère des Affaires étrangères français, par l'ambassadeur de France en Chine et la chambre de commerce qui mènent des actions pour montrer le potentiel et les activités de la France. « Et bien sûr, il faut que cela se traduise par des projets et des chiffres », conclut Javier Gimeno.
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