CHINAHOY

4-February-2015

Le TGV chinois file sur la voie du progrès !

 

Le 16 octobre 2013, le maire de Londres Boris Johnson, alors en visite en Chine, a pris le TGV circulant sur la ligne Beijing-Shanghai.

 

En 20 ans, la Chine a rattrapé son retard par rapport aux grandes puissances dans le secteur ferroviaire. Rétrospective des avancées accomplies jusqu'ici.

LU RUCAI, membre de la rédaction

Les Normes pour la conception des voies ferrées à grande vitesse, approuvées par l'Administration nationale des chemins de fer de Chine, sont entrées en vigueur le 1er février. C'est la première fois que la Chine publiait officiellement des normes industrielles dans ce domaine. Les experts du secteur estiment que cet ensemble de standards de construction, permettant la réglementation du système, soutiendra le développement des trains à grande vitesse (TGV) en Chine comme l'exportation de ceux-ci à l'étranger.

La grande vitesse ferroviaire a commencé à germer en Chine dans les années 1990. Ces deux dernières décennies, la construction du réseau TGV et les technologies associées ont connu une croissance explosive dans le pays, apportant d'immenses commodités de transport aux habitants. De nos jours, ces technologies de facture chinoise se retrouvent même par-delà les frontières du pays.

Toujours plus vite !

En 1992, l'ancien ministère des Chemins de fer a promulgué le Programme de développement technologique concernant le réseau ferroviaire pour la prochaine décennie et dans le cadre du huitième plan quinquennal. Ce texte préconisait de développer les technologies pour le transport express des passagers et de construire des lignes à grande vitesse (LGV), soit plus de 200 km/h. En parallèle, l'étude de faisabilité de la LGV Beijing-Shanghai a été lancée. À l'époque, les trains de voyageurs en Chine circulaient à une vitesse maximale oscillant entre 80 et 100 km/h. Côté trains de marchandises, ce chiffre tournait autour des 70 km/h.

En 2002, la voie Qinhuangdao-Shenyang pour le transport des passagers, conçue et construite indépendamment par la Chine pour permettre une allure de 200 km/h, a été mise en service. Au mois de novembre de la même année, lors d'un essai sur cette voie, le TGV « China Star » a atteint 321,5 km/h. Un succès qui a montré que la Chine était d'ores et déjà capable de produire elle-même des TGV.

En janvier 2004, le Conseil des affaires d'État a adopté le Plan à moyen et long terme concernant le réseau ferroviaire chinois (révisé en octobre 2008), traçant les grandes lignes du développement ferroviaire en Chine. Selon le document, d'ici 2020, les lignes ferroviaires exploitées à travers le pays s'étireront sur plus de 120 000 km, dont plus de 16 000 km seront consacrées au transport des voyageurs. La Chine établira 4 axes est-ouest et 4 axes nord-sud, afin de former d'importants corridors ferroviaires interconnectés à l'échelle nationale. Simultanément, elle prévoit de construire des LGV interurbaines dans les régions économiquement développées et densément peuplées.

Pour atteindre ces objectifs, le ministère des Chemins de fer d'alors a instauré la même année trois principes fondamentaux : l'introduction de technologies de pointe, la conception et la production conjointes, ainsi que la création de marques chinoises. Cette démarche a déterminé un mode opératoire caractérisé par une faible importation de produits finis, un recours aux pièces en kit chinoises et un assemblage domestique. En avril 2007, pour la sixième fois, la vitesse a été augmentée à large ampleur sur le réseau ferroviaire chinois. Ce progrès a permis de porter, dans tout le pays, à 200-250 km/h le régime des trains sur les tronçons rapides des lignes les plus fréquentées. Désormais, le TGV « Harmonie » fait partie du paysage en Chine.

Cependant, c'est l'ouverture de la LGV Beijing-Tianjin le 1er août 2008 qui a réalisé une véritable percée dans le secteur ferroviaire. Conçue pour une vitesse de 350 km/h, cette ligne relie Beijing à Tianjin en 30 minutes seulement, alors qu'auparavant, 1 h 50 était nécessaire pour effectuer ce trajet à bord d'un train classique. En 2010, près de 30 millions de passagers ont emprunté cette LGV.

À l'époque, les experts étrangers qui exportaient des technologies ferroviaires en Chine estimaient généralement à 8-10 ans le temps qu'il faudrait à la Chine pour réussir à passer de 200 à 350 km/h. Finalement, en seulement deux ans, elle est parvenue à aller au-delà de cette limite.

Dans le même temps, la Chine a lancé le processus de R&D d'une nouvelle génération de TGV capables de rouler à 380 km/h. En 2010 est né le modèle CRH380A, conçu et fabriqué de manière autonome par China South Locomotive & Rolling Stock Co Ltd (CSR). À la fin de l'année, ce train a effectué un essai sur un tronçon de la LGV Beijing-Shanghai et atteint une vitesse record de 486,1 km/h. Depuis la mise en service de cette voie en juin 2011, il ne faut plus que 4 h pour parcourir les 1 300 km de distance qui séparent Beijing et Shanghai.

Le 9 janvier 2015, Lu Dongfu, directeur de l'Administration des chemins de fer de Chine a révélé qu'en 2014, les lignes ferroviaires dans le pays s'étiraient sur plus de 110 000 km, dont plus de 15 000 km de LGV sont déjà en service. Ainsi, la Chine est aujourd'hui le pays qui dispose du plus long réseau TGV et du plus grand nombre de trains TGV en circulation (2 600 par jour) dans le monde. Entre janvier et juillet 2014, la fréquentation des TGV a atteint 500 millions de voyageurs, soit une augmentation de 33,7 % par rapport à la même période de l'année précédente.

 

Des employés procèdent au contrôle technique d'une série de TGV dans un atelier à Xi'an (Shaanxi).

 

Toujours plus fort !

Au fil d'années d'efforts inlassables, la Chine a élaboré un panel relativement complet de technologies ferroviaires à grande vitesse. Les ingénieurs chinois ont su répondre aux diverses problématiques posées par les conditions géologiques et climatiques du pays pour construire des LGV. Ils ont surmonté une série de problèmes techniques, que ce soit sur les grands chantiers ou dans les domaines d'expertise.

Le 19 juin 2014, une réunion d'inspection du programme national « Recherche sur les technologies clés des TGV chinois et R&D des équipements connexes » s'est tenue à Qingdao (Shandong). Ce projet colossal affiche l'objectif de concevoir et fabriquer de manière autonome un TGV chinois capable de rouler à plus de 350 km/h, en tirant profit de la LGV Beijing-Shanghai. Il compte mettre en place un système de production, d'innovation et de fonctionnement où le matériel des TGV disposerait de droits de propriété intellectuelle, d'une bonne compétitivité internationale et d'un potentiel de développement plus durable. Plus de 140 unités de recherche ont pris part à ce programme. Ensemble, elles ont obtenu 596 brevets. Elles ont élaboré 26 normes nationales et 226 normes industrielles, créant ainsi un cadre en matière de propriété intellectuelle pour le développement autonome et l'innovation dans les technologies associées aux TGV chinois. Réalisation marquante du projet : les CRH380 pouvant filer à 350 km/h sont devenus les trains les plus utilisés sur les LGV en Chine, lesquels ont circulé sur plus de 400 millions de km jusqu'à maintenant .

Malgré ces technologies ferroviaires, la construction des LGV demeure un défi pour les équipes qui en ont la charge. Un vif débat a éclaté dans le secteur en Chine pour déterminer si les LGV devaient être avec ou sans ballast : les voies traditionnelles reposent toutes sur un amas de petits graviers ; mais il est également possible d'installer les rails sur une plaque de béton. Les voies avec ballast coûtent moins cher à la construction, mais un lourd investissement est ensuite nécessaire pour leur maintenance ; par ailleurs, plus le train roule vite, plus les secousses s'accentuent. La pose de voies sans ballast coûte 1,3 à 1,5 fois plus, mais l'aérodynamisme et la stabilité du train sont assurés ; aussi, la voie présente une durée de service plus longue et nécessite moins d'entretien, de sorte que les frais sont rentabilisés de manière évidente. Au bout du compte, le ministère des Chemins de fer a opté pour la technologie sans ballast.

Lorsque les techniques modernes n'existaient pas encore, les concepteurs faisaient face à un certain nombre de problèmes, comme l'affaissement du sol ou le choix de la forme des ponts. Les rails posées en ces temps-là ont néanmoins permis aux TGV chinois d'atteindre leurs objectifs d'aérodynamisme et de stabilité. Pour preuve : dans la voiture d'un TGV lancé à 350 km/h, l'eau d'un verre reste presque stagnante.

L'essor du TGV chinois a également contribué à la croissance économique et à la montée en gamme des industries, engendrant au passage un certain nombre d'entreprises tournées vers l'innovation technologique. À l'heure actuelle, la Chine compte près de 640 entreprises associées à la construction des TGV.

Toujours plus loin !

Le 3 février 2014, le TGV chinois CRH380A est passé en sifflant sur l'écran géant du Nasdaq trônant sur Time Square, à New York. La publicité, composée par CSL, présentait les grands changements que le TGV chinois avait apportés dans la vie des gens, tout en faisant montre du haut savoir-faire chinois.

Alors que cette publicité était diffusée à New York, l'exportation des équipements ferroviaires chinois allait bon train. Même si l'appel d'offre que CSL ciblait au Mexique a été annulé par la partie mexicaine, CSL exporte déjà des métros et des trains légers vers d'autres pays, dont l'Inde et la Malaisie. China CNR Corporation Limited (CNR) vend également des produits à l'étranger, entre autres vers l'Ouzbékistan, le Brésil, la Thaïlande et l'État américain du Massachusetts.

Selon une étude de la Banque mondiale, la construction du réseau TGV chinois a coûté un tiers moins cher que dans les autres pays. Pour les lignes chinoises prévues pour une vitesse de 350 km/h, le prix du km est généralement compris entre 17 et 21 millions de dollars ; tandis qu'en Europe, chaque km vaut entre 25 et 39 millions.

Le 30 décembre 2014, CSL et CNR ont annoncé leur fusion. La nouvelle société est baptisée « Société ferroviaire du milieu » en chinois, et CRRC Corporation Limited en anglais. D'après le secteur, cette fusion sera un bon moyen d'éviter que les deux parties ne se livrent une concurrence vicieuse à l'étranger et sera donc plus propice à l'exportation des produits TGV chinois.

Au mois de juillet dernier, le premier ministre Li Keqiang, grand « promoteur » du TGV chinois, a effectué une visite d'inspection à CSL et exprimé : « La subsistance du matériel chinois dépend de sa qualité, une garantie fondamentale mondialement reconnue. »

 

La Chine au présent

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