CHINAHOY

26-February-2014

La réforme bancaire en profondeur

 

Un employé de banque s'affaire à compter des billets. (CNSPHOTO)

 

LI YUAN, membre de la rédaction

La Chine poursuit sa réforme en profondeur du secteur bancaire. Avec l'arrivée des banques privées et de la finance sur Internet, les banques étatiques traditionnelles vont devoir s'adapter.

Le 23 décembre 2013, s'est tenu à Beijing un séminaire sur la réforme des banques, au cours duquel des discussions sur l'approfondissement global de la réforme bancaire ont été menées.

En 2013, les banques chinoises ont connu des changements considérables : la marchéisation des taux d'intérêts, l'émergence des banques privées et la multiplication des produits dérivés financiers sur Internet. Le secteur bancaire chinois fait donc face à de nouveaux défis majeurs.

Les banques traditionnelles en mutation

Avant la marchéisation des taux d'intérêt, les banques chinoises pouvaient se reposer sur leurs lauriers tout en bénéficiant de larges profits. Mais depuis, elles sont mises en situation de concurrence acharnée.

Au cours de la première moitié de l'année 2013, les banques appliquaient un taux d'intérêt sur les dépôts qui était 1,1 fois supérieur à l'ancien taux d'intérêt. Le très favorable taux d'intérêt sur les prêts, qui ne représentait que 85 % du taux précédent, a peu à peu disparu sur le marché financier. Les taux d'intérêts sur les dépôts étaient parfois supérieurs aux taux d'intérêt sur les prêts.

Le 20 juillet 2013, le contrôle des taux d'intérêt des établissements financiers a été supprimé, ce qui a compliqué la fixation des coûts des crédits.

Le 25 octobre 2013, la Banque centrale a annoncé le dispositif de fixation et d'annonce des taux d'intérêt des prêts fondamentaux, chargeant le Centre des taux interbancaires de les annoncer. Neuf banques commerciales, telles que ICBC (Industrial and Commercial Bank of China), ABC (Agricultural Bank of China), BOC (Bank of China), CCB (China Construction Bank) et BoCom (Bank of Communications) fonctionnent avec des taux d'intérêts.

Le 8 décembre 2013, la Banque centrale a publié les Méthodes provisoires de la gestion des dépôts interbancaires précisant que la réception des dépôts est comparable à un outil monétaire dont les prix sont fixés par le Shibor (Shanghai Interbank Offered Rate). Le 12 décembre 2013, ICBC, ABC, BOC, CCB et CDB (China Development Bank) étaient les premières à émettre des réceptions de dépôts dont la valeur totale a été de 19 milliards de yuans. Ensuite, le 13 décembre 2013, cinq autres banques, comme SPD Bank, ont émis des réceptions de dépôts dont la somme a totalisé 15 milliards de yuans.

L'annulation du contrôle des taux d'intérêt des prêts, la fixation et la coordination des prix par le marché et le début de la marchéisation des taux d'intérêt des dépôts ont marqué l'accélération globale de la marchéisation des taux d'intérêt.

« Pour le moment, la marchéisation des taux d'intérêt a provoqué le rapprochement entre les taux d'intérêt des prêts et ceux des dépôts. Le contrôle sur le plafond des taux d'intérêt des dépôts a exercé une influence sur l'endettement des banques et l'a aggravé », observe Wen Bin, responsable des études macroéconomiques à l'Institut de recherches sur la finance internationale lors du séminaire.

Selon Zhang Guanghua, vice-président de CMB (China Merchants Bank), face à la marchéisation accélérée des taux d'intérêt, les banques commerciales ne sont pas bien préparées ; elles auront beaucoup à faire pour s'adapter à la marchéisation des taux d'intérêt en matière de tarification des risques.

Le Rapport de développement des banques chinoises publié par l'Association des banques chinoises a également indiqué que la marchéisation des taux d'intérêt exercera une grande influence sur les banques chinoises. Au fur et à mesure de la marchéisation des taux d'intérêt, les banques chinoises qui accordaient une importance capitale à leur envergure et à leur vitesse de développement en s'activant à attirer les dépôts et à augmenter les prêts, dépendront plutôt de la qualité et de l'efficacité de leur développement.

D'après Zhan Xiangyang, directeur de l'Institut des recherches financières relevant de ICBC, les banques n'ont d'autre choix que de faire face aux défis provoqués par la marchéisation des taux d'intérêt en transformant leurs activités traditionnelles de dépôts et de prêts en des activités en dehors des crédits. Du point de vue des autorités de régulation, un bon état d'avancement de la marchéisation des taux d'intérêt, un système de taux d'intérêt fondamentaux, tels que le Shibor et le LPR (Loan Prime Rate), la mise en valeur du mécanisme de fixation et de coordination interbancaire, la mise en place du système des assurances de dépôts et le système de retrait des établissements financiers sont des garanties pour réduire le plus possible le choc de la marchéisation des taux d'intérêt.

Les banques privées en germe

Le 7 janvier 2014, lors de la visioconférence convoquée par la Commission de régulation des banques chinoises, cette dernière a indiqué que les trois ou cinq premières banques privées seront très bientôt autorisées et fonctionnelles. Cela montre que les capitaux privés entreront très vite dans le secteur bancaire.

Ces dernières années, avec le développement économique, les petites entreprises sont confrontées aux difficultés d'accès au crédit et aux coûts élevés de financement. Ce phénomène révèle que les grandes banques étatiques n'accordent d'importance qu'aux grandes entreprises. Leurs services financiers ne couvrent pas les petites entreprises. Il faut donc établir un système financier diversifié pour combler le vide laissé par les grandes banques étatiques. Les banques privées peuvent justement satisfaire les besoins d'un système financier diversifié. En août 2013, le groupe Suning fut le premier à annoncer qu'il voulait créer une banque privée. Dès lors, les capitaux privés ont afflué pour créer des banques. Le 15 novembre 2013, la Décision du Comité Central du PCC sur d'importantes questions relatives à l'approfondissement général de la réforme a indiqué qu' « il faut améliorer le système du marché financier et qu'il faut, dans le contexte de la régulation renforcée, permettre aux capitaux privés, s'ils remplissent les conditions, de créer des petites et moyennes banques privées en conformité avec les lois et règlements ». Une nouvelle page sera tournée pour que les capitaux privés entrent dans le secteur bancaire.

Le 22 novembre 2013, les Règlements de gestion des financements en dehors du secteur financier de Wenzhou ont été inaugurés au Zhejiang ; il s'agit des premiers règlements locaux relatifs aux crédits en dehors du secteur financier.

D'après Xi Junyang, professeur à l'Université de Finance et d'Economie de Shanghai, l'ardeur des entreprises privées s'explique par plusieurs éléments. D'abord, les banques privées permettront aux entreprises privées d'accéder facilement aux crédits et de résoudre le problème du coût élevé de financement. Ensuite, les entreprises doivent également diversifier leurs activités lorsque leur envergure prend de l'importance. Enfin, les gros profits et le rendement élevé du secteur bancaire attirent les entreprises privées qui veulent y investir des fonds.

Des professionnels du secteur bancaire ont d'ailleurs indiqué que sur le vaste marché financier chinois, une concurrence saine était nécessaire. L'apparition des banques privées est un facteur favorisant l'élimination des mauvaises. De plus, leur souplesse, leur efficacité, et leur capacité à offrir des services personnalisés sont des exemples que les grandes banques étatiques doivent suivre.

« Le moment est arrivé pour que la Chine lance les banques privées, mais le développement des banques privées ne se fait pas en une nuit, surtout dans le contexte de la marchéisation des taux d'intérêt. Certaines banques qui sont faibles face à la gestion des risques seront peut-être hésitantes. Il faut donc mettre en place un système de retrait pour les établissements financiers sous le contrôle du marché et établir un système d'assurance des dépôts », commente Wen Bin, responsable de l'Institut de recherche de la finance internationale de BOC. De plus, il pense qu'avec l'entrée des capitaux privés dans le secteur bancaire, il est crucial de mettre en place un système convenant au développement des banques privées.

À ce jour, il y a 35 banques privées qui ont été adoubées par l'Administration de l'industrie et du commerce de Chine. En ce qui concerne la direction de développement des banques privées, Wu Xiaoling, vice-présidente de la Commission financière et économique de l'Assemblée populaire nationale, a indiqué que les banques privées devaient offrir des services autres que ceux offerts par les grandes banques étatiques. Si ce n'est pas le cas, ces banques privées pourraient essuyer de graves échecs.

La finance sur Internet en essor

Le lancement par Alibaba et le fonds Tianhong de yu'ebao (trésor de solde), produit dérivé financier permettant de générer des rendements plus élevés que les dépôts à vue lancés par les banques, marque le début de la finance sur Internet. Ce nouveau produit financier a attiré plus de 100 milliards de yuans en cinq mois seulement. Dans la foulée, des sociétés Internet telles que Tencent, Baidu, YeePay et Shanda s'y sont engagées.

Avec l'essor des produits dérivés financiers lancés sur Internet, comme le yu'ebao, les dépôts à vue des banques étatiques chinoises, qui constituent la plus grande source de profit provenant de l'écart entre les taux d'intérêt des dépôts et ceux des prêts, font face à une pression croissante.

La vitalité de la finance sur Internet est due à des avantages que la finance traditionnelle ne présente pas. « D'abord, la finance sur Internet fournit une expérience extraordinaire aux clients : son accès est facile, son coût peu élevé et les informations transparentes. Ces facteurs sont à la base de la compétitivité de ce modèle ; en dehors du marché financier traditionnel, le modèle représenté par la finance sur Internet est très compétitif en matière de paiement, de crédit et de services aux clients », analyse Peng Zhijun, assistant du président de la Banque commerciale rurale de Guangzhou.

En même temps, Peng ne pense pas que la finance traditionnelle va chuter. D'après lui, les structures financières traditionnelles possèdent des avantages que ne présentent pas les sociétés financières sur Internet. Par exemple, la finance sur Internet ne peut pas remplacer les banques traditionnelles dans la création monétaire, ni jouer un rôle dans le système de règlement et de paiement. Ensuite, les banques traditionnelles jouissent d'une crédibilité, de modèles de fonctionnement mûrs et de riches expériences, choses que la finance sur Internet ne peut acquérir en peu de temps. De plus, les activités financières sur Internet sont hors de la régulation.

« La finance sur Internet n'a pas pour objectif de remplacer la finance traditionnelle, mais de combler un vide sur le marché financier. Parallèlement, elle met les établissements financiers, qu'ils soient grands ou petits, sur la même ligne de départ », ajoute Chen Dawei, directeur de l'Institut de la finance pour les entreprises petites et minuscules relevant du groupe Alibaba.

Peng Zhijun pense que, face à ce défi, les banques commerciales doivent coopérer avec la finance sur Internet et que les banques traditionnelles doivent transformer leur mode de fonctionnement en fonction du modèle d'exploitation d'Internet.

Le secteur bancaire représenté par la finance traditionnelle a connu des changements. Après le yu'ebao, la China Guangfa Bank, en coopération avec E Fund Management, a lancé une carte intelligente qui combine le placement et le remboursement automatique. Les banques commerciales mènent également une réforme pour s'adapter aux changements du marché.

 

La Chine au présent

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