CHINAHOY

26-February-2014

Renault souhaite rouler sur l'or du marché chinois

 

Le 16 décembre 2013, Xu Ping (à dr.), président chinois de Dongfeng Motor Group et Carlos Ghosn (à g.), PDG français de Renault, ont signé à Wuhan, le contrat de coentreprise Dongfeng Renault Automotive Company.

 

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

L'annonce est tombée le 5 décembre 2013 : la Commission nationale pour le développement et la réforme (la plus haute instance chinoise de supervision économique) a autorisé la création d'une coentreprise entre Renault et le groupe étatique Dongfeng Motor, une initiative en négociation depuis juin 2011.

Une arrivée tardive sur un marché prospère

Renault était le seul parmi les dix premiers constructeurs automobiles au monde à ne pas être présent en Chine. C'est donc tardivement que la marque au losange fait son entrée sur ce marché. Mais rappelons tout de même qu'en 1993, Renault s'était allié à un autre partenaire, China Sanjiang Space Group, dans l'intention d'assembler en Chine des véhicules utilitaires Trafic. Bien que cette entreprise, ne répondant pas aux attentes du marché, se fût soldée par un échec, Renault avait conservé sa licence de production en Chine, pour y revenir de plus belle.

Par ailleurs, en 1999, le constructeur français s'est associée à la marque japonaise Nissan : alors que Renault opérait en Europe, en Afrique, en Inde et au Brésil, Nissan ciblait les pays en développements d'Asie orientale et la côte occidentale du continent américain. Toutefois, ces dernières années, les ventes des voitures japonaises se sont effritées en Chine suite aux tensions sino-japonaises concernant la souveraineté des îles Diaoyu. Peut-être Nissan, victime de ce boycott de la clientèle chinoise, cède-t-il à dessein la place à Renault dans cette zone géographique qui lui est moins profitable qu'auparavant...

Pour l'heure, Renault écoule en Chine moins de 30 000 véhicules par an seulement. Bref, une goutte d'eau dans la mer montante ! Selon les données de l'Association chinoise des constructeurs automobiles, la Chine a conforté sa place de premier marché automobile au monde en 2013, avec plus de 22 millions d'unités vendues, en progression de 13,9 % par rapport à l'année précédente. Il était donc impossible pour Renault de ne pas lorgner sur ce territoire.

Une coopération stratégique

Cette nouvelle coentreprise, baptisée Dongfeng Renault Automotive Co., est détenue à 50 % par Dongfeng et à 50 % par Renault. Sa première usine d'assemblage, dont les plans s'inspirent des usines locales de Nissan, est actuellement en cours de construction à Wuhan (Hubei), métropole du centre de la Chine qui concentre les activités automobiles. Une fois l'usine achevée, un évènement prévu pour 2016, 150 000 voitures devraient y être produites chaque année. Y seront assemblés dans un premier temps des 4x4 urbains Koleos, déjà vendus en Chine à quelques dizaines de milliers d'exemplaires et actuellement fabriqués en Corée du Sud. Deux nouveaux modèles, dont le secret reste entier, verront également le jour.

« Notre coentreprise est un rapprochement stratégique, car Dongfeng a une incomparable connaissance du marché chinois », a indiqué Carlos Ghosn, le PDG du groupe Renault-Nissan. Effectivement, Dongfeng est en Chine le deuxième constructeur après SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation). Dong-feng a pour sa part déclaré, dans le communiqué en date du 5 décembre 2013, que ce partenariat « renforcera la compétitivité du groupe, la valeur de ses marques et sa profitabilité ».

Chen Wei, responsable chinois du marketing et des ventes chez Renault, commente : « À travers ce partenariat chinois avec Dongfeng Motor, Renault et Nissan sont doublement alliés, formant ainsi un "triangle d'or" influent au cœur de l'industrie automobile mondiale. C'est une excellente initiative en termes de stratégie de développement régional : une coentreprise, sous l'étendard de deux marques, et un même partenaire régional. Une situation inédite, un nouveau modèle. » D'après lui, cette récente coopération entre Dongfeng et Renault va permettre des percées en R&D et une hausse de l'efficacité grâce à la mise en commun des ressources, sans oublier une réduction des coûts d'implantation pour Renault.

Une controverse injustifiée

Effectivement, on note l'emploi de « ses » marques car Dongfeng n'en est pas à sa première collaboration. Peugeot Citroën, Nissan, Honda, Toyota, Volvo : toutes ces sociétés comptent un partenariat avec Dongfeng. Certains médias occidentaux sont d'ailleurs restés pantois à l'annonce de la coentreprise Renault-Dongfeng, y voyant une grave contradiction : comment se pouvait-il que l'allié de Peugeot Citroën établisse un partenariat avec le plus grand rival de ce dernier en France, Renault.

À ces commentaires, le consul général de France à Wuhan, Philippe Martinet, répond : « Cette coopération est logique car, dans ce partenariat avec Dongfeng, Renault s'installe essentiellement dans les pas de Nissan, déjà partenaire de Dongfeng. Par ailleurs, en réalité, même si Renault et PSA sont des concurrents, la diversité des marques sert la pénétration des sociétés françaises dans leur ensemble en Chine. Plus vous avez des marques différentes, plus les consommateurs trouvent leur bonheur dans une offre diversifiée. Ce n'est donc pas du tout un problème. » Il ajoute que l'installation de Renault-Dongfeng à Wuhan – dans la même ville où DPCA a déjà construit trois usines et planifie d'y bâtir une quatrième – se défend tout à fait, puisqu'elle sera facilitée par la présence préalable dans cette ville d'équipementiers et de sous-traitants.

La niche de l'électrique

Pour se tailler une place sur le marché chinois en dépit de sa venue tardive, Renault compte bien miser sur les technologies plus écologiques. « Parmi les grosses opportunités, il y a le développement de véhicules à faibles émissions, créneau sur lequel Renault est leader en Europe », a fait savoir Carlos Ghosn. La pollution et les embouteillages dont souffrent les mégalopoles chinoises sont des sources de préoccupation majeures du gouvernement et de la population en Chine. Renault pourrait partager son expertise dans le secteur des voitures hybrides et électriques, telles que la Zoé. Toutefois, cette tendance se heurte à la passion traditionnelle des Chinois pour les grosses berlines et les SUV de marque allemande et américaine, reflets d'un certain statut social.

Renault saura-t-il tirer son épingle du jeu dans un marché où se bataillent déjà 379 marques ?

 

La Chine au présent

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