CHINAHOY

1-March-2016

Sur la nouvelle Route de la Soie

 

Le supermarché de Huang Jie. (ZOU HONG)

 

YOU SHANSHAN*

Les marchandises que vend Huang Jie dans son supermarché lui parviennent par l'ancienne Route de la Soie. Au fil du temps, les anciennes caravanes de chameaux ont été remplacées par des moyens de transport plus modernes. Routes, voies ferrées, lignes aériennes. Avec l'initiative de la construction de nouvelles Routes de la Soie, celle-ci renouera avec la prospérité.

Une route commerciale

Ce 1er juin 2015, dans le centre commercial Yalyan à Almaty, au Kazakhstan, la foule bruit comme l'eau qui bouillonne au fond d'une casserole. Dans un supermarché de plus de 2 000 m² où l'on vend des ustensiles d'usage quotidien, Huang Jie, la propriétaire, discute les prix avec un grossiste. En une minute, l'affaire est conclue, avec une réduction de 3 000 tenge (1 USD = 370 tenge).

Cela fait près de 20 ans que Huang Jie, née en 1965, s'est lancée dans le commerce au Kazakhstan. La plupart des fournisseurs qu'elle reçoit travaillent avec elle depuis longtemps. Avant de faire carrière dans le négoce, elle était membre de l'équipe de patinage du Xinjiang. C'est au cours d'un entraînement de deux ans au Kazakhstan qu'elle a repéré dans ce pays de juteuses opportunités commerciales. « Les habitants d'ici sont très aimables avec les Chinois, dit-elle. Les produits d'industrie légère en Chine étaient très populaires au Kazakhstan en raison de la pénurie qui a suivi la dislocation de l'URSS. » Huang Jie n'a pas perdu son temps : en 20 ans, elle a su développer ses affaires et le chiffre d'affaires quotidien de son supermarché se situe entre 300 000 et 400 000 RMB.

« Toutes mes marchandises sont fabriquées en Chine. Presque tous les produits vendus dans ce centre commercial viennent d'Yiwu, dans la province du Zhejiang. De nombreux grossistes viennent me voir pour acheter des marchandises. Moi-même, je me rends à Yiwu une ou deux fois par an. »

Yiwu est un important centre de production de biens de consommation. Tous les jours, des articles d'usage quotidien ou des petits appareils électriques sont emballés et transportés vers des marchés aux quatre coins du monde par train, par bateau ou par avion. Pour les commerçants chinois d'Almaty, les marchandises achetées à Yiwu sont d'abord transportées par la route ou par chemin de fer jusqu'au poste-frontière de Khorgos ou d'Alashankou au Xinjiang, avant d'arriver à Almaty deux jours après le passage en douane.

Depuis le 20 janvier 2014, la mise en service d'un train porte-conteneurs Yiwu-Xinjiang-Europe permet de transporter directement des marchandises de Yiwu au poste-frontière d'Alashankou, puis à Almaty au Kazakhstan après le dédouanement, ensuite au Kirghizstan, au Turkménistan et au Tadjikistan et enfin vers l'Europe via la Turquie.

« Aujourd'hui, les produits chinois sont de meilleure qualité et restent bon marché. C'est pourquoi ils se vendent bien dans ce centre commercial : jusqu'à un conteneur par jour, mais normalement deux à trois conteneurs par semaine. Ce nouveau service ferroviaire entre Yiwu et l'Europe a accéléré le transport et facilité les formalités de douane. »

Actuellement, un ordinateur portable expédié depuis le parc industriel HP à Chongqing, dans le Sud-Ouest de la Chine, parvient au client situé à Duisburg en Allemagne par le train spécial Chongqing-Europe via le poste-frontière d'Alashankou et l'Asie centrale. Un autre train partant de Xi'an transporte les pièces de poids lourd fabriquées par le Groupe automobile du Shaanxi vers la chaîne de montage située à Almaty. Les automobiles finies sont ensuite transportées, toujours par le train, vers les marchés de Russie ou d'Europe ou encore par le corridor de transport international reliant l'Ouest de la Chine et l'Europe occidentale qui traverse le territoire kazakh.

 

Le parc industriel Pengsheng installé en Ouzbékistan. (ZOU HONG)

 

Ouvrir le marché chinois

Le commerce est toujours bilatéral. Le 22 mai 2015 s'ouvrait à Xi'an, principale mégapole de l'Ouest chinois, la 19e Exposition internationale de la Route de la Soie, qui accueillait près de 100 000 commerçants venus de 45 pays différents.

Sur le stand de l'exposition du Kazakhstan, Rosa, une étudiante de Xi'an et volontaire de l'exposition, recommande en chinois l'huile de graines de citrouille produite par Sezam Eko, premier producteur agro-alimentaire kazakh. C'est la première fois que l'entreprise est présente à cette exposition, et également l'occasion d'une première exploration du marché chinois.

« La Chine, avec sa population d'1,3 milliard d'habitants, représente un marché énorme pour notre société, explique le directeur général de Sezam Eko. Cette première visite à Xi'an a pour but la recherche de partenaires qui nous aideront à exporter notre huile en Chine. Nous installerons probablement des usines en Chine si nos produits y sont bien accueillis. » Une huile qui sera proposée aux Chinois grâce à la nouvelle Route de la Soie.

Il n'y a pas que des grandes sociétés, puisque de nombreux commerçants kazakhs font déjà des affaires en Chine. Parmi eux, Timur qui possède une boutique alimentaire dans le centre de coopération frontalière située sur le poste-frontière de Khorgos au Xinjiang.

Le centre de coopération frontalière situé sur le poste-frontière de Khorgos est le premier centre de ce type en Chine. Il bénéficie d'un certain nombre de politiques incitatives, comme le stockage temporaire sous douane, grâce une zone de parking 3,43 km² du côté chinois et 1,85 km² en territoire kazakh. Le gouvernement du Kazakhstan a répondu avec enthousiasme à l'initiative des nouvelles Routes de la Soie dès leur première annonce. L'une des mesures concrètes les plus importantes a justement consisté à construire la zone économique spéciale de Khorgos-Dong-damen. Le premier ministre adjoint à l'Économie nationale du Kazakhstan a révélé qu'en 2015, le pays avait alloué 12,5 milliards de tenge à la mise en place des infrastructures de la zone économique où les travaux s'achèveront en 2016. La mise en service de cette ZES permettra de multiplier par 7 les échanges de marchandises sur ce poste-frontière, et on estime qu'ils devraient atteindre 4 millions de tonnes par an. En même temps, la ZES devrait attirer des investissements équivalents à 150 milliards de tenge, créant près de 20 000 emplois au Kazakhstan.

Timur a démarré son affaire dès la mise en service du centre de coopération. Dans la partie kazakhe il vend des bonbons, des boissons et du chocolat fabriqués dans son pays. Des marchandises très populaires parmi les Chinois de passage, comme en témoigne le chiffre d'affaires de sa boutique qui sur une surface de moins de 10 m² atteint 100 000 RMB par jour.

Timur, apprenant le lancement de la Ceinture économique de la Route de la Soie, y a trouvé un moyen de prospérer. « Je suis content : mon pays donne la priorité au développement commercial et participe à la nouvelle Route de la Soie, qui bénéficiera à tous ses habitants. »

Ce que la Chine apporte aux pays riverains

Mais les produits d'industrie légère ne sont qu'une partie des marchandises chinoises qui transitent le long de la nouvelle Route de la Soie.

Le 14 juin 2006, lors d'une conférence de l'Organisation de coopération de Shanghai, le producteur d'équipements photovoltaïques TBEA Xinjiang Sunoasis a signé avec le ministère de l'énergie électrique du Tadjikistan un contrat portant sur la construction de lignes électriques à haute tension de 220-500 kV pour le réseau électrique du Tadjikistan. Le 29 novembre 2009, les travaux se terminaient et reliaient pour la première fois les plateaux du Pamir au réseau électrique principal.

En 2010, la succursale de Huawei à Tachkent en Ouzbékistan a formé ses opérateurs locaux en vue de la mise en service d'un réseau 4G. L'entreprise était présente en Ouzbékistan depuis 1999 avec une agence, puis une succursale fondée en 2005. Actuellement, elle est le premier fournisseur d'équipements de télécommunications d'Ouzbékistan.

Le 17 janvier 2014, la CRCC (China Railway Construction Corporation Limited) a achevé la partie principale de la 2e tranche des travaux de la ligne à grande vitesse Ankara-Istanbul. C'est la première ligne à grande vitesse construite par une société chinoise à l'étranger. Sa longueur est de 158 km, pour un investissement total de 1,27 milliard de dollars. Un exemple à suivre en matière de lignes à grande vitesse.

L'accord sur la coopération dans le domaine des capacités de production entre la Chine et le Kazakhstan passé fin 2014 a mis sur les rails une nouvelle coopération, avec des résultats d'ores et déjà remarquables. En décembre 2015, c'est sur la coopération sino-kazakhe que s'est concentré l'essentiel des entretiens entre le premier ministre chinois Li Keqiang et son homologue kazakh Karim Masimov.

Gui Congyou, directeur du Département des affaires Europe-Asie du ministère chinois des Affaires étrangères, affirme que « depuis un an, la coopération sino-kazakhe sur les capacités de production a donné lieu à des accords sur 52 projets qui se répartissent dans des secteurs tels que la sidérurgie, le ciment, le verre plat et la construction automobile, pour une somme de 24,1 milliards de dollars. Actuellement, des projets relatifs à l'automobile et au polyéthylène sont en phase de démarrage. Un programme de rail léger à Astana a par ailleurs été mis sur pied en 2015. »

Dans le cadre de la construction conjointe de la Ceinture économique de la Route de la Soie, certaines entreprises chinoises ont déplacé leur site de production vers des pays riverains.

Par exemple le parc industriel Pengsheng situé en Ouzbékistan, au bord de la rivière Syr-Daria, à trois heures de route de Tachkent, la capitale.

Dans ce pays à l'industrie encore peu développée, ce parc industriel situé au milieu des champs saute aux yeux. Il est le produit d'un financement de la société privée Jinsheng Maoyi, en 2009. Aujourd'hui, sept usines sont en place et fonctionnent, produisant carrelages, chaussures et téléphones portables. En 2013, la valeur de la production industrielle du parc a atteint 56 millions de dollars, sur lesquels le parc a versé un impôt de 5 millions de dollars.

« L'Ouzbékistan nous a proposé des modalités préférentielles pour la construction des usines : un prix avantageux pour les terrains, et exemption totale de huit formes d'impôt, dont l'impôt sur la fortune, la TVA et les droits de douane », a expliqué Weng Xinghe, directeur général du parc industriel Pengsheng.

À l'heure actuelle, le parc industriel exporte des produits semi-finis vers la Chine et des produits de transformation poussée vers le Japon et l'Europe. Des produits qui transitent par la ligne ferroviaire qui passe à proximité et le relie avec d'autres lignes d'Asie centrale.

À l'avenir, le « made in China produit à l'étranger » voyagera le long de la nouvelle Route de la Soie. Des marchandises mais aussi des technologies et des investissements chinois pour les pays riverains.

 

*YOU SHANSHAN, correspondante de China Pictorial.

 

 

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