CHINAHOY

27-April-2015

Internet ouvre de nouveaux horizons au tourisme

 

Des touristes chinois sur la rivière Cam, à Londres.

 

LI YUAN, membre de la rédaction

Wu Yu, 37 ans, est enseignant d'anglais et passionné de voyages. Son premier voyage en individuel s'est passé en 2013. Depuis, il a sillonné la planète en tant que couch-surfer, et il a aussi accueilli des collègues venus des quatre coins du monde. En une dizaine d'années, Wu Yu a visité une vingtaine de pays et de régions. Il nous confie que c'est grâce à Internet que son rayon d'action s'est progressivement agrandi.

Internet rend le tourisme plus populaire

Wu Yu est originaire du Hunan. Son premier voyage fut l'ascension d'une montagne avec des compagnons de cordée trouvés sur Internet, un site nommé « Forum du Hunan ». À cette époque, il fallait du courage pour se risquer à ce genre de voyage. Il se rappelle encore son inquiétude d'alors. Mais il en avait assez des voyages organisés qu'il faisait avec ses parents, des sempiternels « dormir dans le car, descendre prendre des photos ». Ce qui le tentait, c'était l'aventure. Avec ses compagnons de voyage plus ou moins de son âge, malgré leur caractère différent, ils ont organisé librement leur itinéraire, puis sont partis à l'assaut des montagnes.

Vers la même période, Xiao Yi, fondateur du site Qyer.com, étudiait en Allemagne. C'est en vivant à Berlin qu'il a remarqué que presque tous les touristes de la partie continentale de la Chine qui visitaient la capitale le faisaient dans le cadre de voyages organisés. Un touriste en solo comme lui ne pouvait être que Japonais, Hongkongais ou Taiwanais.

Au début du XXIe siècle, le tourisme reste un luxe pour la plupart des Chinois. Il est réservé à une minorité d'oisifs fortunés. Les termes « lüyou » (« amis d'âne », compagnons de voyage) et « backpacker » sonnent aux oreilles chinoises comme des mots exotiques. Même des personnes ayant du temps et de l'argent préfèrent recourir aux services d'une agence de tourisme pour voyager, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. L'avantage est évidemment que l'itinéraire et le contenu des visites sont déterminés à l'avance, de même que l'achat des billets est groupé et donc plus avantageux. En revanche, la formule tout-compris cause parfois aussi des conflits et des mécontentements.

En 2003, Ctrip.com, qui fournit des services de voyage, a fait son entrée au Nasdaq, un encouragement pour Xiao Yi. L'année suivante, il a créé Qyer.com pour remédier au manque de moyens dont disposent les Chinois pour obtenir des informations touristiques sur les pays étrangers. Le secteur touristique était en plein bouleversement, conséquence du développement rapide de l'économie chinoise ainsi que des technologies en ligne.

Avec le développement d'Internet, l'accès aux informations touristiques a été facilité. La simplicité pour réserver des billets ou des hôtels, le partage des opinions et des recommandations sur les forums de clients, suscitent un regain d'intérêt pour le tourisme.

D'après les données officielles, en 2004, 1,1 milliard de voyages touristiques ont été enregistrés, dont 28,85 millions vers l'étranger. Dix ans plus tard, ces chiffres atteignaient respectivement 3,26 milliards et 120 millions.

Avec la soif de dépaysement qui caractérise les consommateurs chinois, le tourisme est devenu le meilleur moteur pour stimuler la demande intérieure et promouvoir la restructuration industrielle. La demande touristique en croissance régulière représente le plus gros potentiel d'accroissement de la consommation dans un futur proche.

De fait, dans le monde entier, le tourisme est devenu un secteur stratégique. D'après l'analyse de l'agence américaine BI (Business Intelligence), le kilométrage total des trajets touristiques dans le monde est en progression constante, tandis que le coût de ces services recule sensiblement. Les pays émergents voient apparaître des classes moyennes de plus en plus importantes, tout un public qui prend l'avion pour la première fois. L'Administration fédérale américaine de l'aviation prévoit que le kilométrage touristique du pays doublera d'ici 2032. On surnomme déjà la Chine « l'empire du tourisme ». De nombreux pays sont en concurrence pour attirer les touristes chinois, lançant des mesures incitatives, comme par exemple l'exemption de visas.

 

La 3e conférence des opérateurs numériques de tourisme s'est tenue dans le Sichuan en septembre 2014. Elle rassemblait les responsables d'entreprises spécialisées dans le tourisme mais aussi Google, Baidu, Facebook, etc.

 

Internet rend le voyage plus intéressant

Wu Yu, tout en accumulant les expériences de voyage en Chine et en améliorant son anglais, a commencé à réfléchir dès 2010 sur son premier voyage à l'étranger. Il s'est rendu alors en Inde, sa première destination. Ce pays mystérieux, sa civilisation ancienne, le fascinaient depuis toujours. Afin d'économiser sur les frais de voyage, mais aussi d'avoir plus de possibilités de communiquer avec les habitants, il a décidé d'être couch-surfer.

Le terme « couch-surfer » vient du site Internet Couchsurfing qui propose de mettre en relation voyageurs et habitants dans le monde entier, site lancé en janvier 2004 par l'Américain Casey Fenton. Couch-surfer, c'est dormir sur le canapé d'autrui. Les membres du site peuvent profiter d'un hébergement gratuit proposé par des habitants de la ville où ils se rendent, en échange de quoi ils doivent eux aussi mettre à disposition de voyageurs leur propre appartement. Cette façon de voyager, innovante et économique, se répand rapidement parmi les backpackers du monde. Au 31 décembre 2010, le site comptait 2,4 millions d'inscrits venant de 245 pays et régions du monde. Les Chinois sont au nombre de 50 000, classant ainsi la Chine au 10e rang mondial du couch-surfing. Chaque semaine, Couchsurfing enregistre 10 000 nouveaux membres.

La famille indienne qui a accueilli Wu Yu a deux enfants. Le propriétaire lui a dit : « Peut-être que nous n'irons jamais en Chine. Mais j'espère par cet accueil offrir à mes enfants des contacts avec des gens de différents pays et leur faire connaître différentes cultures. »

Wu Yu pense de même. « Ces dernières années, j'ai dormi sur de nombreux canapés, depuis celui qui se trouvait dans une chambre à Amsterdam jusqu'au canapé délabré dans un couloir à Vienne. Si j'avais opté pour l'hôtel, je n'aurais pas découvert ces différents styles de vie. C'est d'entrer dans la vie quotidienne des gens locaux qui fait le charme du voyage », dit Wu Yu.

Wu Yu pense que pour faire un vrai voyage, il faut partir l'esprit libre. Il garde la nostalgie de cette confiance qui s'est établie entre inconnus, et de ces conversations franches et ouvertes. Il préfère parfois voyager seul pour apprécier plus tranquillement son dépaysement. Pour cela, il sélectionne des destinations sur Airbnb.com ou Tujia.com. Par rapport aux hôtels traditionnels, ces sites fournissent des services plus diversifiés et plus personnalisés, que l'on cherche un logement décoré dans le style local ou une location en meublé sans surprises à la fin du séjour. Grâce à ces sites, les touristes voyagent tout en bénéficiant du confort d'un chez-soi.

HomeAway est l'un des investisseurs de Tujia.com. L'entreprise est elle-même le leader mondial parmi les plates-formes de location de vacances, couvrant 145 pays et régions. Selon Greg Grant, vice-président chargé des opérations internationales, la tendance la plus remarquable à l'heure actuelle sur les marchés européen et américain est que la location de vacances est en train de remplacer les hôtels classiques. Désormais, seulement 43 % des propriétés ouvertes à la location de vacances aux États-Unis sont réservées hors ligne. Ces dernières années, bien que le nombre total d'achats immobiliers diminue aux États-Unis, la proportion des achats de propriétés de vacances continue d'augmenter.

Le développement des technologies d'Internet change non seulement l'accès au tourisme, mais aussi l'expérience des gens sur place. Il semble qu'aujourd'hui, chaque maillon d'un voyage, depuis la recherche d'informations sur les destinations, jusqu'au choix du mode de transport, de l'hébergement, des restaurants, soit mis en œuvre sur Internet.

Avec la naissance des applications mobiles, le voyage se fait encore plus indissociable d'Internet. Pour chacun de ses voyages, Wu Yu utilise d'abord Qyerguide pour l'élaboration de son programme, puis Didi Taxi pour le transport, Google Maps pour la navigation sur place, Dianping.com pour le choix des restaurants, Weibo pour communiquer avec ses parents et ses amis, Evernote pour son récit de voyage... Toute une série d'applications mobiles fournissent des informations et permettent d'optimiser chaque décision. Il se rappelle ce voyage où, grâce à WeChat, il a pu réunir à distance ses élèves, puis utilisé la fonction LBS pour emprunter un sèche-cheveux à un compatriote se trouvant dans le même quartier résidentiel.

Le concept de tourisme ne cesse de s'élargir. L'industrie du tourisme, qui recouvre de nombreux besoins différents, est passée du statut de secteur traditionnel à celui de secteur de pointe étroitement lié à Internet.

Selon des données publiées par l'Administration nationale du tourisme de Chine, parmi les touristes voyageant à l'intérieur du pays en 2014, seuls 3,6 % le faisaient dans le cadre d'un voyage organisé. La même tendance se dessine dans les voyages à l'étranger, où 65 % des touristes préfèrent organiser eux-mêmes leur voyage. Dai Bin, président de l'Académie du tourisme de Chine, estime que grâce à Internet, nous entrons dans l'époque des voyages personnalisés, sur le mode « Je décide moi-même mon itinéraire ».

Le tourisme change de forme

Avec le développement d'Internet, ce qui change est non seulement la notion du tourisme, l'expérience de voyage, mais aussi les modes commerciaux de l'industrie du tourisme elle-même.

Fin avril 2014, Ctrip.com a fait un investissement stratégique dans Ly.com ; début mai, le site de tourisme Tuniu.com est entré en bourse aux États-Unis; le 25 mars 2015, le réseau social dédié au tourisme Mafengwo.cn a annoncé la réalisation de son troisième plan d'investissement pour une somme totale de 100 millions de dollars.

Concernant l'impact des sites internet du tourisme sur le marché des agences traditionnelles, Wei Chang-ren, PDG de Ctcnn.com, considère que c'est un processus d'évolution naturelle du marché, et que les agences traditionnelles doivent se diriger vers une fusion de leurs opérations en ligne et hors ligne. Les sites de tourisme, quant à eux, devront continuer à innover.

Le 20 mars, l'Agence de tourisme de la jeunesse de Chine (CYTS) a publié son plan stratégique « Aoyou.com+ », en proposant de nouvelles idées de développement O2O (Online To Offline) dans l'industrie du tourisme. Cette stratégie vise à intégrer les technologies d'Internet et les services professionnels des agences traditionnelles, ainsi qu'à mobiliser la CYTS, les plus de 20 000 agences et des milliers de centres de service dans le monde, servant des centaines de millions de clients, pour répondre à la demande croissante des consommateurs. D'après certains professionnels du tourisme, cette initiative correspond à une recherche active de voies nouvelles pour le développement des agences traditionnelles.

Les applications mobiles en développement rapide deviennent des canaux de distribution à part entière dans l'industrie du tourisme. Selon PhoCusWright, la croissance du reste du secteur restera modeste, tandis que celle des applications mobiles dépassera sensiblement celle de l'ensemble de l'industrie et des services en ligne. En 2015, aux États-Unis, un quart des réservations touristiques effectuées en ligne passent désormais par des applications mobiles. Un marché qui pèse déjà 40 milliards de dollars pour les applications mobiles.

« La concurrence entre les entreprises de tourisme en ligne est beaucoup plus intense que celle qui existe sur les parts du marché touristique avec les agences traditionnelles, commente Liu Simin, secrétaire général adjoint de la Société du tourisme de Beijing. Le modèle de rentabilité des entreprises du tourisme en ligne est clair. Avec l'avènement de l'ère d'Internet mobile, elles continuent à mener une guerre des prix, sacrifiant leurs bénéfices pour évincer leurs concurrents et assurer leur présence sur le long terme. »

Le PDG de Ctrip.com Liang Jianzhang a également révélé que, cette année, son groupe a prévu d'investir un milliard de yuans dans cette guerre des prix de plus en plus acharnée, le but affiché étant de gagner des parts de marché ; Zhuang Chenchao, PDG de Qunar.com, a également annoncé son intention d'accroître à la fois sa base d'utilisateurs mobiles et la fréquence d'utilisation du service.

Toutefois, des experts du secteur rappellent que les produits touristiques sont plus importants que les canaux de vente, et que pour étendre le marché, il faudra mettre l'accent sur la qualité des produits proposés. Ici aussi, les technologies innovantes d'Internet peuvent servir à la restructuration des produits, au-delà de la fourniture de canaux de vente et de la guerre des prix pour des produits de mauvaise qualité. « Une distinction essentielle doit être faite entre les entreprises de tourisme en ligne et les sites d'achat. Pour le tourisme, la vente en ligne est seulement un prélude. L'essentiel du service doit se trouver dans le séjour touristique. Les entreprises de tourisme en ligne qui se doivent de mettre en place un vrai service hors ligne, tandis que les agences traditionnelles doivent également mettre à contribution des recherches de services de toutes formes sur la Toile. Elles doivent aller vers une convergence au lieu de se mener une concurrence aveugle », dit Liu Simin.

Le développement de l'industrie du tourisme depuis dix ans est étroitement lié à l'application des technologies d'Internet. Les changements qu'a apportés Internet au secteur du tourisme constituent un modèle réduit de l'apport d'Internet sur la société entière.

 

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