CHINAHOY

27-April-2015

Les « bâtisseurs » : de l’idée au concret

 

Le 4 janvier 2015, le premier ministre Li Keqiang s'entretient avec les « bâtisseurs » de Chaihuo Makerspace à Shenzhen.

 

JIAO FENG, membre de la rédaction

C'est dans le « bâtiment n°1 » de l'arrondissement Haidian que se trouve Beijing Makerspace, la société créée par Wang Shenglin, un jeune diplômé en 2011. Au départ, il s'agissait d'une plate-forme ouverte de type nouveau permettant à des personnes de différents milieux de se réunir, de communiquer et de partager leurs idées pour transformer leurs concepts en projets, puis en réalités.

Aujourd'hui, d'autres plates-formes de ce genre ont fait leur apparition dans des villes moyennes et grandes. De plus en plus de jeunes cherchent à mettre en œuvre leurs projets, et c'est là qu'ils peuvent réussir. La création devient un mode de vie pour ces jeunes. On les appelle les « bâtisseurs », un terme qui symbolise leur envie d'inventer et de partager. Leur objectif, c'est « le DIY », construire eux-mêmes, c'est-à-dire mettre en pratique leurs idées créatives.

C'est l'enthousiasme qui crée

Wang Lei est étudiant en troisième année à l'université centrale des Finances et de l'Économie. Il se passionne pour toutes les nouvelles tendances. « Être un bâtisseur, ce n'est pas forcément gagner de l'argent. Ce qui me pousse, c'est ma passion. Mon objectif n'est pas de faire fortune », explique Wang Lei.

Depuis la fin de l'année dernière, il travaille à la conception d'un mini-drone quadrirotor.

Il a vu une vidéo qui montrait un groupe d'étrangers organisant une course de quadrirotors sur un parking et dans une forêt. Les appareils volent en évitant des obstacles, vrombissent, zigzaguent. « J'ai trouvé ça génial. J'ai eu tout de suite envie de participer à ce genre de course ! Mon plan est de mettre d'abord au point mon propre quadrirotor, puis d'organiser des rencontres avec d'autres passionnés. Chacun va élaborer son propre appareil, et on va organiser une compétition ! » C'est ainsi que Wang Lei a lancé son initiative sur Internet. Très vite, plusieurs personnes partageant la même envie se sont retrouvées. Ils ont formé un groupe de spécialistes pour échanger leurs idées.

Seconde étape, Wang Lei s'est mis à rechercher des informations et des vidéos sur Internet. Il rencontre régulièrement ses collègues, et ils se partagent le travail. « L'un est chargé de la conception, d'autres s'occupent de l'achat des matériaux ou de la fabrication de modèles. À la fin, nous avons réussi à monter notre premier quadrirotor en mettant en commun nos compétences et notre passion, se rappelle Wang Lei. Nous avons fait voler l'appareil pour la première fois sur le terrain de sport de l'université. Nous étions à la fois fiers et très excités en le voyant monter dans le ciel. »

« Au fil des améliorations, mon quadrirotor a commencé à voler de mieux en mieux. à chaque nouveau test, il m'apporte plus de joie. Il attire l'attention des passants. Tout le monde me dit que mon drone est superbe. Grâce à l'amélioration de la fiabilité de l'appareil, mais aussi de ma dextérité de pilote, j'ai pu le faire voler dans différents endroits : au-dessus d'un lac, contre le vent, dans les conditions les plus dures. Je pense pouvoir bientôt lancer la fabrication de mon mini-quadrirotor. J'ai pris confiance en moi-même et je poursuis dans cette voie. »

Son mini-quadrirotor n'est pas encore au point, et il sait que ce produit ne lui rapportera pas forcément des bénéfices. « C'est le processus de la mise au point qui me passionne, parce qu'il satisfait ma curiosité. Dans la vie, le plus important n'est pas le travail, mais l'intérêt pour ce que l'on fait », souligne Wang Lei.

Les personnes comme lui sont de plus en plus nombreuses. Ce sont des inventeurs pleins d'idées. Ils se passionnent pour les sciences et les techniques. « Pour moi, être ''bâtisseur'', ce n'est pas un métier, c'est un mode de vie. Comme d'autres vont au cinéma pour s'éclater, nous, on se réunit à Makerspace pour avoir la joie de transformer nos projets en réalités concrètes. »

 

La société Huaqiang Cloud Valley s'occupe de gérer les marques d'équipement intelligent, tout en offrant des soutiens aux « bâtisseurs » en termes de conception, transformation, nouveaux matériaux, etc.

 

La joie de partager

« Partager et chercher de nouvelles ressources » : c'est le principe de Makerspace qui vise à aider les personnes à apprendre, à partager, à travailler dans la conception, dans les recherches et développements en créant des forums en ligne et hors ligne.

« Par exemple, il existe des programmes en ligne qui vous apprennent à confectionner du pain ou des gâteaux. Les personnes qui le souhaitent peuvent faire chez elles des pains semblables à ceux que l'on trouve dans les pâtisseries. Certains peuvent même améliorer les recettes à leur goût, explique Wang Shenglin. Il en va de même pour notre matériel. Certains utilisateurs améliorent leur imprimante 3D et publient sur Internet des informations concernant leur matériel, leur approche et leur méthode. D'autres amateurs peuvent faire pareil ou améliorer encore la démarche de leurs prédécesseurs. »

Chaque semaine paire, le mercredi, c'est le moment de la « réunion de partage » de Makerspace. Les « bâtisseurs » partagent leurs connaissances acquises dans des domaines comme l'art, la conception et les sciences et techniques. L'entrée est libre, chacun peut participer.

Né en 1985, Andy est titulaire d'un master de l'Académie des sciences de Chine. Il a d'abord travaillé pendant 3 ans dans une société de conception de circuits imprimés. Lassé par l'ambiance peu créative de la grande entreprise, il a démissionné pour créer, avec des copains d'études, DreamSourceLab. L'objectif était d'arriver à élaborer et fabriquer des produits high tech. Andy a participé à une réunion de présentation de son entreprise et de l'un de ses produits phares, un analyseur destiné à des tests électroniques. Un produit remarqué pour sa structure parfaite et sa bonne qualité, qui lui a rapporté la somme d'argent qui lui manquait pour démarrer son activité. Désormais, il espère que d'autres produits sur lesquels ils travaillent connaîtront le même succès.

Selon Andy, « pour nous, chercher des ressources nouvelles ne se résume pas à un slogan. C'est une conception qui vise à partager les connaissances et les produits. L'information a une particularité très intéressante : lorsque l'on partage la nourriture, la part de chacun se réduit ; lorsque l'on partage des connaissances au contraire, la part de chacun s'accroît. Nous tirons notre inspiration des réactions des auditeurs et nous enrichissons notre réflexion dans les débats qui s'ensuivent. Qui plus est, le partage de connaissances permet d'éviter le gaspillage qui naît de la répétition. »

À Shenzhen, SZDIY est un site des « bâtisseurs » dédié à l'élaboration de produits électroniques, ce qui en fait une plate-forme d'échanges pour les amateurs de ce type d'articles. Selon Atommann, l'un de ses co-fondateurs, la création de la plate-forme vient de la passion partagée de plusieurs personnes pour les sciences et techniques. La philosophie qui sous-tend cette plate-forme est la mise en pratique des techniques et le travail manuel, ce que ses membres résument sous le slogan « chercher des ressources nouvelles ». Les membres de SZDIY comprennent des ingénieurs travaillant dans de grandes entreprises, mais aussi des amateurs autodidactes. Quel que soit leur âge ou leur profession d'origine, ils ont tous adopté le mode de vie « bâtisseur » dans leur temps libre. Parmi ces membres, aucun n'est bâtisseur à plein temps. Cela ne les empêche pas de poursuivre des études techniques approfondies. Ils se réunissent régulièrement pour partager le fruit de leurs efforts. Chaque jeudi, ils débattent de techniques nouvelles et d'idées créatives. « Ces réunions sont parfois annulées pour cause de mauvais temps ou d'autres raisons. Il n'en demeure pas moins que ce site fait partie de leur vie. Il leur permet de trouver une appartenance », raconte Atommann.

Créer des entreprises

En mars 2014, Facebook a annoncé le lancement du logiciel de reconnaissance faciale Deepface dont le degré d'efficacité annoncé était de 97,25 %. Trois mois plus tard, le groupe dirigé par Xu Chiheng a réussi à développer un modèle similaire appelé DeepID. Son taux de reconnaissance atteint 99,15 % d'après les données de LFW (Labeled Faces in the Wild). Une performance qui a valu au groupe de quatre membres de décrocher un investissement de 10 millions de dollars du fonds IDG, en vue de la finalisation et du lancement du logiciel.

Xu Chiheng, enfant des années 90, était un élève brillant à l'école secondaire. Dès sa deuxième année de lycée, il a été admis par le département d'informatique de l'université Tsinghua. À cette époque, le terme de « bâtisseur » n'était pas encore connu, mais « ce que je faisais était similaire à ce que je fais aujourd'hui », se rappelle Xu Chiheng.

C'est en troisième année de l'école secondaire qu'il s'est mis à la programmation. Puis il s'est initié aux techniques de conception robotique. Avant même d'intégrer l'université, il avait déjà participé à plusieurs compétitions de robotique où il avait obtenu des résultats éclatants. En troisième année du lycée, il a lancé un « Atelier des sciences et techniques », prédécesseur de Makerspace DF du lycée de Wenzhou. « Je ne disposais pas encore des équipements que je possède maintenant, et j'étudiais les techniques informatiques avec mes camarades en échangeant avec eux. »

Étudiant, il a participé trois fois à la compétition internationale de robot-football appelée la RoboCup. Son meilleur classement a été une place en finale. En 2013, c'est en tant que chef de l'équipe de l'université Tsinghua qu'il a participé à ASC13 (Asia Student Supercomputer Challenge), et il a gagné avec son équipe le titre de champion. Après son diplôme de licence, il a laissé tomber les études pour se lancer dans l'aventure de la création d'entreprise. Avec ses camarades et un de leurs professeurs, mettant en commun leurs compétences, ils ont obtenu des résultats que Xu Chiheng attribue surtout à toute leur expérience accumulée dans la pratique. Il pense que les marges de manœuvre des « bâtisseurs » sont plus grandes aujourd'hui qu'il y a dix ans. C'est pourquoi il est optimiste sur son développement futur.

Xu Chiheng n'est qu'une exception. Mais un grand nombre de jeunes Chinois espèrent comme lui créer leur propre entreprise en s'appuyant sur les techniques qui les séduisent.

Alors qu'il était en quatrième année à l'université, Wang Shenglin se passionnait pour les techniques innovantes. Une fois diplômé, il s'est bien gardé de chercher du travail dans sa spécialité, qu'il trouve peu créative. « Quand j'étais lycéen, j'espérais établir une plate-forme permettant à chacun de mettre en œuvre ses idées. » Lorsqu'il a eu vent du mouvement des « bâtisseurs », il s'est dit que c'était exactement ce qu'il voulait faire. Pour attirer plus de monde, il a décidé d'investir avec son ami Xiao Wenpeng pour créer Beijing Makerspace Co., Ltd, une société habilitée à mener des activités commerciales. « Moi, j'ai créé ma propre entreprise. Makerspace a deux rôles : forum d'échange pour les idées créatives et pépinière d'entreprises futures », dit Wang Shenglin.

D'un côté, Makerspace organise chaque semaine des réunions de travail et de partage des techniques, accueille de nouveaux membres et leur offre une plate-forme de pratique et d'échange ; de l'autre, il coopère avec des groupes sur des projets, leur fournissant un lieu de travail et des équipements, en échange d'une partie de leurs bénéfices ou d'une participation au capital.

Certains projets qui ont commencé dans ce laboratoire, comme l'imprimante 3D, la stéréo Maker, la « salle de musique numérique » et le coffre-fort inviolable, sont en train de devenir des entreprises autonomes.

Selon Wang Shenglin, certains groupes de « bâtisseurs » ont développé de bons produits, mais ils manquent souvent de ressources ou de contacts parmi les fournisseurs et les canaux de distribution. Leurs produits ont souvent du mal à se faire connaître du public, à plus forte raison, à se faire une place dans la vie quotidienne. C'est là le principal problème auquel se heurtent la plupart des « bâtisseurs ». Makerspace peut les aider à résoudre ces problèmes en leur fournissant une chaîne d'approvisionnement et de production, abaissant d'autant leurs coûts de lancement.

La Chine possède des talents, mais manque des plates-formes qui permettent à ceux-ci de percer. La vision de Wang Shenglin est justement de les aider à concrétiser leurs idées. C'est aussi la vocation de Makerspace.

 

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