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Les zones de libre-échange : champs expérimentaux de la réforme et de l’ouverture
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Vue du ciel de la zone de coopération Shenzhen-Hong-Kong de Qianhai, au cœur de la ZLE du Guangdong actuellement en construction. |
GONG HAN, membre de la rédaction
Les plans de trois nouvelles zones de libre-échange (ZLE) pilotes au Guangdong, à Tianjin et au Fujian ont été approuvés lors d'une réunion organisée le 24 mars par le Bureau politique du Comité central du PCC. Il s'agit d'une nouvelle mesure importante de la Chine, qui s'inscrit dans la continuité de l'ouverture de la ZLE de Shanghai.
Tout comme l'établissement de la zone spéciale de Shenzhen dans les années 80 ou l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001, la ZLE de Shanghai est considérée comme un événement phare de l'ouverture de la Chine sur le monde extérieur et une tentative audacieuse du gouvernement chinois à l'heure où la réforme est entrée dans une phase cruciale.
« S'ouvrir davantage sur l'extérieur pour pousser la réforme » : c'est le concept qu'a formulé le gouvernement chinois dès l'établissement de la ZLE de Shang-hai. « La ZLE n'est pas à voir comme un "paradis de politiques préférentielles". Son principal but est de rénover le système. On tente, par des essais, de faire une synthèse des expériences concluantes qui peuvent être réutilisées et on les généralise à tout le pays. Il s'agit d'explorations pionnières nécessaires à l'approfondissement global de la réforme du pays. C'est là l'intention première du gouvernement central dans ce projet », ont indiqué des experts en ZLE.
Zhang Xiaoji, ancien directeur du département d'études sur le commerce extérieur au Centre de recherches sur le développement relevant du Conseil des affaires d'État, nous a expliqué en détail ce que signifie ZLE : « Nous parlons communément de la "zone de libre-échange de Shanghai", en oubliant à préciser "à titre d'essai". L'idée consiste à lui faire jouer le rôle de pionnier dans la réforme et l'ouverture. Certains ne pensent plus qu'aux bénéfices qu'ils pourront tirer de cette nouvelle position en oubliant les lourdes responsabilités qui leur incombent. »
Tentatives de réforme dans une conjoncture difficile
La ZLE de Shanghai a été inaugurée le 29 septembre 2013. À l'époque, le premier ministre chinois Li Keqiang avait déclaré que l'ouverture de cette ZLE serait une mesure importante de son gouvernement pour créer une « version 2.0 » de l'économie chinoise.
L'économiste en chef de Guotai Junan Securities, Lin Caiyi, avait déclaré dans une tribune que la raison à la création de la ZLE prend sa source dans le besoin de trouver de nouveaux pôles de croissance. La demande internationale ralentissant et le coût de la main-d'œuvre augmentant, les industries commencent à délocaliser, tandis que le modèle de croissance traditionnellement basé sur l'exportation devient insoutenable. Une autre raison venait de l'extérieur : la concurrence mondiale. Les États-Unis, le Japon et l'Europe essaient par le Partenariat Trans-Pacifique (TTP), le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) et l'Accord plurilatéral sur les services (PSA) de dresser de nouvelles normes pour le commerce international et les services, le dessein étant de remplacer l'OMC.
« Le Partenariat Trans-Pacifique, notamment, exige l'annulation des droits de douane entre les pays membres et la libéralisation totale de presque tous les secteurs économiques (agriculture, services financiers, etc.), pour permettre une véritable mobilité des capitaux et des personnes. Ces nouvelles règles du jeu et la nouvelle configuration économique qui pourraient en résulter obligent la Chine à s'ouvrir et à mener des essais dans un délai limité », avait ajouté Lin Caiyi.
Bien évidemment, c'est Shanghai, ville chinoise connue pour être la plus ouverte et la plus puissante économiquement, qui a été choisie pour inaugurer ces essais.
En septembre 2014, lors des célébrations du premier anniversaire de la ZLE, le secrétaire du comité du Parti de Shanghai, Han Zheng avait déclaré que le point fort de la ZLE tenait à la gestion de la « liste négative » et que le défi le plus important résidait dans les contrôles intermédiaires et finaux exercés par l'État. Avant l'introduction de la méthode de liste négative, la gestion des investissements étrangers en Chine se basait sur le Catalogue d'orientation pour les industries ouvertes aux investissements étrangers. Ce livret fait le point sur les secteurs qui autorisent, limitent ou interdisent l'entrée d'investissements étrangers en Chine.
La liste négative de 2014 s'est grandement réduite comparée à celle de 2013. Le nombre des mesures spéciales de gestion est passé de 190 à 139, soit 51 dispositions en moins. Parmi elles, 14 ont été substantiellement annulées et 19 autres assouplies. De plus, l'APN a donné le feu vert à la ZLE de Shanghai pour suspendre, pour une période de trois ans, trois lois concernant les investissements étrangers en Chine, afin de mettre en place ce système de « liste négative ».
D'après le secrétaire du Parti de Shanghai, la liste de 2015 devrait être encore réduite. Les contenus enregistrés dans la liste seront décidés indépendamment par les acteurs du marché, le gouvernement n'intervenant presque plus dans les affaires des entreprises ou la micro-économie. L'État exercera uniquement des contrôles intermédiaires et finaux, dans le cadre du processus de développement du marché. Il s'agit d'un nouveau travail de haute exigence pour le gouvernement, puisque son modèle de gestion centré sur la délivrance d'autorisations se transforme en un modèle de surveillance méthodique dite « pendant et après », lequel sera plus conforme aux règles internationales. « Ces innovations sur le plan des institutions et du système de gestion vont permettre d'augmenter la productivité, de stimuler la vitalité du marché et d'abaisser les coûts d'exploitation pour les entreprises. Le nouveau système assurera également l'égalité de traitement entre les entreprises étrangères et chinoises, ainsi qu'entre les entreprises d'État et les entreprises privées », a détaillé Han Zheng.
D'après les statistiques, plus de 12 600 entreprises se sont installées dans la ZLE de Shanghai depuis sa création. Un chiffre qui dépasse le total des firmes établies à Shanghai il y a 20 ans. Les nouvelles entreprises à capitaux étrangers implantées sont au nombre de 1 784, tandis que 107 dossiers d'investissement à l'étranger y ont été enregistrés. Les investissements chinois à l'étranger totalisent 2,3 milliards de dollars. Dans le même temps, en un an, 21 règlements en vigueur dans la ZLE de Shanghai ont été généralisés à l'ensemble du pays. Parmi ceux-ci, 6 concernent la gestion des investissements, 9 portent sur la réglementation du commerce et 6 sont consacrés à l'innovation financière.
Le 9 mars dernier, le porte-parole du ministère chinois du Commerce et directeur du Bureau d'études politiques de ce ministère, Shen Danyang, a expliqué dans une interview en ligne que les mesures de réforme de la ZLE de Shanghai seraient pour la majeure partie mises aussi à l'essai dans les trois ZLE nouvellement créées.
Désir de réforme ou de politiques préférentielles ?
Les trois nouvelles ZLE du Guangdong, du Fujian et de Tianjin possèdent chacune des avantages particuliers. Le Guangdong, proche de Hong Kong, est l'avant-poste de la réforme et de l'ouverture depuis l'avènement de cette politique. C'est grâce à lui que la Chine s'est acquis le surnom d'« usine du monde ». Le PIB de cette province s'élevait à 1 660 milliards de dollars l'année dernière, avec un taux de croissance de 8,5 %. Le Fujian, proche de Taiwan, abrite déjà la zone expérimentale de Pingtan qui a permis de faire progresser la coopération inter-détroit. Tianjin est quant à elle un port commercial faisant partie du bloc Beijing-Tianjin-Hebei. La ZLE de Tianjin est aujourd'hui la seule ZLE du Nord de la Chine.
Toujours d'après Shen Danyang, la ZLE du Guang-dong sera principalement axée sur la coopération et l'intégration avec Hong Kong et Macao. Promouvoir la libéralisation du commerce des services entre la province du Guangdong, Hong Kong et Macao favorisera la reconversion et la montée en gamme des industries autour du delta des Perles et dans l'arrière-pays. La ZLE du Fujian sera focalisée sur l'approfondissement de la coopération inter-détroit. Elle facilitera les flux commerciaux, d'investissement et de personnes entre Taiwan et la partie continentale de la Chine, et permettra la création d'un modèle de partenariat ouvert dans le secteur des services. Quant à la ZLE de Tianjin, elle s'efforcera de promouvoir le développement intégré de la région Beijing-Tianjin-Hebei et de porter à un nouveau palier la coopération industrielle régionale. Le but étant d'élaborer conjointement un incubateur d'innovation technico-scientifique et une réserve de talents, mais aussi d'étendre le rayonnement du port de la ville.
D'après des observateurs extérieurs, la zone de coopération dans l'industrie des services modernes de Qianhai, bien qu'elle ne s'étende que sur 15 km², est investie de grandes responsabilités en ce qui concerne l'innovation financière et l'internationalisation du yuan. Elle a été désignée zone pilote de coopération approfondie et fructueuse entre le Guangdong, Hong Kong et Macao. De grands espoirs sont d'ailleurs placés dans la réforme financière qu'elle mène.
La réforme financière a été l'orientation donnée à la zone pilote de Qianhai dès la création de cette dernière. Au cours des deux sessions de l'APN et de la CCPPC cette année, Ma Weihua, ancien président de la China Merchants Bank, a proposé de réaliser le plus tôt possible la connexion des bourses de Shenzhen et de Hong Kong (système SGT), pour que les capitaux étrangers viennent gonfler les investissements boursiers sur la partie continentale de la Chine. Hong Kong, Shanghai et Shenzhen pourront ainsi faire valoir leurs avantages respectifs sur une même plate-forme et bénéficier d'une concurrence équitable, contribuant ainsi conjointement au développement de l'économie chinoise.
Selon Zhang Xiaoji, la réforme financière à Qianhai pourrait avancer à plus vive allure et même dépasser en intensité celle de Shanghai. Et même si les autorités concernées ne présentent pas encore de plan vraiment concret pour les ZLE, les demandes pour en ouvrir se font de plus en plus pressantes. L'enthousiasme était d'autant plus visible au moment des deux sessions.
Wang Xinkui, vice-président de la Fédération d'industrie et de commerce de Chine (ACFIC), estime que cet engouement est fondé : « Comme l'a indiqué le rapport d'activité du gouvernement : "créer une conjoncture nouvelle caractérisée par une ouverture tous azimuts sur l'extérieur". Les exigences des autorités centrales sont claires : l'ouverture, c'est la réforme. Bien sûr, une ZLE permet de bénéficier directement des résultats de la réforme, mais aussi de fournir des expériences qui puissent être copiées et généralisées. Ceux qui veulent une ZLE uniquement pour profiter de mesures spéciales vont certainement être déçus. »
Avant le projet de la ZLE de Shanghai, plusieurs régions chinoises avaient déposé des demandes pour établir une ZLE, voulant délimiter un terrain qui jouirait de politiques spéciales. Les autorités centrales se sont empressées de mettre un terme à cette tendance.
« Lors de son inspection de la ZLE de Shanghai en mai 2014, le président Xi Jinping a expliqué sans équivoque : nous disons non à une fragmentation du territoire, non au paradis de politiques préférentielles et non aux zones de préemption. Les trois nouvelles ZLE ont été élaborées selon ces trois idées directrices », nous fait remarquer Wang Xinkui.
Zhang Xiaoji ajoute : « Avant l'ouverture de la ZLE de Shanghai, le premier ministre Li Keqiang avait demandé aux autorités de la ville : "Vous préférez des mesures spéciales ou la réforme ?" Celles-ci avaient répondu la réforme. »
Reste à savoir si les responsables locaux ont réellement envie de s'investir dans la réforme et comment éviter qu'ils ne cherchent, sous prétexte de réforme, à bénéficier de politiques préférentielles. « Le gouvernement central leur tient la dragée haute en ce moment. Si un projet ne propose pas d'apporter de nouvelles expériences, s'il n'y a pas de réels engagements de la part des acteurs, si ceux-ci n'assument pas leurs responsabilités en tant que pilotes des essais de la réforme et de l'ouverture, s'ils ne font que copier les réalisations des autres, alors le projet est rejeté. Il y a foule pour ouvrir une ZLE. Les ZLE ne doivent pas être uniquement dédiées au développement régional : elles doivent apporter des fruits à l'ensemble du pays », explique Zhang Xiaoji.
Ce dernier estime que les perspectives d'avenir de ces ZLE dépendent de deux aspects : le dynamisme au niveau local et le transfert des pouvoirs du gouvernement central. « Selon moi, peu importe ce qu'une ZLE souhaite faire comme essai, il faut la laisser faire. J'estime que le gouvernement central devrait déléguer les pouvoirs qu'il peut déléguer, pour laisser aux ZLE un champ d'expérimentation plus large. »
L'« auto-révolution du gouvernement »
La création des ZLE du Guangdong, du Fujian et de Tianjin rappellent à beaucoup les premières heures de la réforme et de l'ouverture, lorsque la multiplication des zones économiques spéciales avait ravivé la volonté de mener cette politique.
« Dans le rapport d'activité du gouvernement, il est indiqué que l'ouverture sur l'extérieur est, elle aussi, une réforme. Nos concepts ont enfin évolué », nous a fait remarquer Wang Xinkui, le doigt sur la ligne exacte du rapport. Il semble heureux de ce changement. « Dans le passé, pour évaluer le degré d'ouverture sur le monde extérieur, on se basait sur les chiffres de l'import-export, le total des investissements étrangers et la part qu'ils représentaient dans le PNB. Mais cette année, le premier ministre a opté pour un autre indicateur dans le rapport d'activité du gouvernement : "les initiatives qui ont permis le développement à travers l'ouverture", ce qui signifie que le degré d'ouverture doit être estimé au vu des essais concluants menés. »
Pour Wang Xinkui, ce changement de conception résulte de la direction que prend le nouveau cycle de mondialisation économique. Auparavant, la division du travail s'opérait en fonction des industries ; dorénavant, c'est en fonction des chaînes de valeur. « Un haut niveau d'ouverture économique relève d'un concept qualitatif plutôt que quantitatif. Et il faut l'estimer selon un point de vue international. »
Dans ce processus, le gouvernement devra réussir un test important : celui de changer ses attributions. Le premier ministre Li Keqiang l'a mentionné : « Le gouvernement doit avoir le courage de s'imposer une révolution, laisser au marché et à la société un espace suffisant de développement et offrir un champ d'action à la concurrence équitable. »
Lors de ses recherches, Zhang Xiaoji s'est rendu compte qu'à cause de retards de gestion de certains organismes et d'absence de mesures d'accompagnement, le pays est passé à côté de bénéfices potentiels. « Prenons un exemple. Les entreprises peuvent facilement obtenir une licence d'exploitation depuis que le système de demandes d'autorisation a été annulé. Toutefois, dans certaines industries la licence d'exploitation ne suffit pas, il faut encore obtenir une licence sectorielle. Comme les autorités compétentes se font parfois les « gardiens » de ces manœuvres, le premier ministre a proposé de fusionner ces trois licences en une seule, pour abolir progressivement les règles et restrictions d'accès au marché qui ne sont pas utiles.
Han Zheng a déclaré : « La difficulté au sein de la réforme – un point qui doit être promu par tous avec énergie – sera d'innover dans la gestion gouvernementale. Qu'entend-on par "l'auto-révolution du gouvernement" ? Il s'agit de changer le mode de gestion gouvernementale centré sur les approbations administratives et notamment sur l'approbation préalable avant la délivrance de la licence d'exploitation, un modèle hérité du passé qui a persisté jusqu'à aujourd'hui. Il faut que cela cesse ! Les essais mis en place dans les ZLE sont une innovation marquant une rupture avec cette méthode de gestion obsolète. »
« Il y a un an, nous n'étions pas aussi conscients qu'aujourd'hui de l'importance des innovations institutionnelles, a précisé encore Han Zheng. Les tentatives au sein des ZLE sont au cœur de l'approfondissement global de la réforme. Elles sont ancrées dans la réforme fondamentale portant sur la régulation des relations gouvernement-marché, proposée lors de la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC. Expérimenter le système global par le biais des ZLE s'avère une stratégie nationale majeure. »
La Chine au présent