CHINAHOY

29-December-2014

Faire rayonner les instruments de musique traditionnels chinois

 

Lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 2008 à Beijing, une rangée de mille tambours a résonné pour accueillir les participants.

 

Le réseau des Orchestres nationaux de Chine est lui aussi gagné par la nouvelle vague de la musique traditionnelle chinoise, qu'il contribue à populariser à l'étranger grâce à des tournées internationales.

LU RUCAI, membre de la rédaction

Le concert de la cérémonie de clôture du 2e festival artistique de Huqin (instruments à cordes anciens) à Beijing a fait le plein, en ce soir du 22 novembre 2014, à la salle de concert du Conservatoire central de musique (CCM). Sur le thème de la « fusion », le concert a présenté treize pièces réparties en 11 programmes. Le spectacle a commencé par Lune automnale au-dessus du Palais impérial des Han, jouée par le virtuose de erhu (violon chinois à deux cordes) Zhang Zunlian du Conservatoire de musique de Chine. Ensuite, des représentations données par des artistes de erhu représentant trois générations différentes, ancienne, d'âge moyen et jeune, ont fait découvrir aux spectateurs le charme unique de la musique traditionnelle. En particulier, La Deuxième Fontaine au clair de la lune, interprétée de façon traditionnelle, a restitué de façon remarquable le style de A Bing (artiste populaire de erhu et compositeur de cette pièce). Enfin, le spectacle a été clôturé avec le quatuor Zigeunerweisen exécuté au erhu par les quatre virtuoses Yan Jiemin, Yang Xue, Zhao Yuanchun et Wang Ying.

Ces concerts de musique traditionnelle sont de plus en plus populaires dans les grandes villes comme Beijing et Shanghai. La tournée du répertoire de l'Orchestre national de Chine, Impression – Musique chinoise, est passée par Nanjing, capitale de la province du Jiangsu, et par Changsha, capitale du Hunan.

Rayonnement de la musique traditionnelle

En 1960, l'Orchestre national de Chine fut créé sur la base du chœur des chansons populaires et de l'orchestre national. Le vice-ministre de la Culture d'alors, Lin Mohan, cultivait de grands espoirs pour cet orchestre, dont l'un des principaux était de « réformer les instruments de musique nationaux pour promouvoir le développement de la musique nationale ».

Dès lors, les membres de l'Orchestre ont effectué des voyages d'étude auprès des différentes populations pour s'inspirer des instruments et de la musique populaires. Par exemple, ils sont allés étudier « l'ensemble de tambours à Xi'an » au Shaanxi, les « gong et tambour de Zhoushan » au Zhejiang, les instruments à corde et à vent au Jiangsu. Cette tradition se poursuit aujourd'hui. L'Orchestre a établi des liens pour étudier la musique locale dans le village de Qujiaying du district Gu'an du Hebei, dans le village de l'ethnie miao au Sud-Est du Guizhou, ainsi que dans un ancien bourg de Zhenyuan, etc. Les concerts de musique traditionnelle comme « Le beau Xinjiang » et « Printemps du Tibet » sont à chaque fois très bien accueillis par le public. Ces dernières années, l'Orchestre a également travaillé à soutenir le « programme de développement de la musique nationale chinoise », en organisant, par exemple, la « Représentation des musiques populaires avec instruments nationaux chinois ».

Dans le même temps, l'Orchestre a rapproché la musique chinoise des spectateurs étrangers. En 1998, 1999 et 2010, l'Orchestre a organisé des concerts pour le Nouvel An chinois à Vienne dans la Salle dorée ; en 2003, il a donné un spectacle à la cérémonie d'ouverture de l'Année de la Chine et une tournée en France ; en 2008, il a donné un concert spécial de musique nationale en l'honneur des chefs d'État au Grand Palais du Peuple, lors des Jeux olympiques de Beijing ; en 2013, une série de concerts intitulée « Traversée du Pacifique – Tournée de la culture chinoise aux États-Unis » dans plusieurs villes américaines. Les concerts « Quels charmes captivants dans tout ce pays » et « Impression – Musique chinoise » jouissent désormais d'une grande réputation parmi les spectateurs étrangers et sont devenus emblématiques de l'Orchestre.

De fait, c'est depuis les années 1920 et 1930 que des Chinois attachés à la musique traditionnelle avaient commencé à travailler à un effort de formation des orchestres, s'inspirant du mode de fonctionnement des orchestres occidentaux et en prenant en compte les caractéristiques des instruments de musique traditionnels. Après 1949, afin de développer la musique traditionnelle, ce sont l'Orchestre de musique traditionnelle de Shanghai, l'Orchestre de la radio de Chine, l'Orchestre de musique traditionnelle du Guangdong, l'Orchestre national de la jeunesse, etc qui ont été créés l'un après l'autre. Les effectifs d'un grand orchestre se situent en général entre 50 et 80 personnes, et pour un orchestre de niveau provincial entre 20 et 30 personnes. De plus, les universités et les écoles primaires et secondaires possèdent aussi leurs orchestres de musique chinoise. Et les groupes d'amateurs de musique chinoise sont innombrables. On en voit souvent dans les parcs ou les quartiers, qui jouent du erhu ou d'autres instruments traditionnels.

Grâce à la renaissance de la musique traditionnelle, un grand nombre de virtuoses ont pu se faire remarquer, comme Liu Mingyuan (les violons banhu et zhonghu), Liu Dehai (au pipa, instrument à cordes pincées), Wang Huiran (pipa et liuqin, une cithare en forme de feuille de saule), Wang Guotong (erhu), Wang Fandi (pipa), Min Huifen (erhu), Xiao Baiyong (erhu), Tang Liangxing (pipa) et Wu Yuxia (pipa), etc. Les maîtres Liu Dehai et Min Huifen sont d'excellents virtuoses. Mme Min Huifen a été qualifiée de « virtuose de génie » par l'Orchestre symphonique américain, et son jeu a été loué par un journal français qui parlait de son « charme irrésistible ». Mme Wu Yuxia, directrice ajointe du l'Orchestre national de Chine, a remporté de nombreux prix, en Chine comme à l'étranger. Elle a encore joué l'accompagnement au pipa de films ou de séries télévisées comme Le Dernier empereur, Adieu, ma concubine, Feng Yue (Vent et Lune).

Transmission et amélioration

Les joueurs de musique traditionnelle recherchent en permanence l'amélioration et l'innovation. Pour eux, l'innovation comprend non seulement celle du jeu, mais aussi celle des instruments. L'amélioration du liuqin a valu au virtuose Wang Huiran le titre de « père du liuqin chinois ».

Le liuqin est à l'origine un instrument d'accompagnement de l'opéra local dans le sud du Shandong et le nord du Jiangsu. Son nom vient de sa ressemblance avec la feuille de saule (liu en pinyin). Le liuqin populaire possède deux cordes et son diapason est étroit, ce qui le rend difficile à intégrer dans un orchestre. En 1958, Wang Huiran s'est rendu dans le sud du Shandong, où il a rencontré par hasard le liuqin. Dès lors, il s'est plongé dans l'étude et l'amélioration de cet instrument, jusqu'à finalement parvenir à fabriquer, avec des maîtres de la fabrique d'instruments de musique de Xuzhou (Jiangsu), le premier liuqin à trois cordes et des tons plus aigus. Le liuqin amélioré par Wang Huiran possède quatre cordes, des tons graves, moyens et aigus, et rassemble les points forts du pipa, du zheng (cithare à 13 ou 21 cordes) et de la guitare, ce qui en fait un instrument très expressif. Il peut être joué non seulement en solo, mais aussi dans le cadre d'un orchestre de musique traditionnelle, qui manquait depuis longtemps d'instruments à cordes pincées et ton aigu. C'est grâce à cette innovation que Wang Huiran a remporté le premier prix du progrès scientifique décerné par le ministère de la Culture. Depuis, Wang Huiran a composé un grand nombre de pièces jouées au liuqin.

Des artisans individuels et ateliers de fabrication cherchent à améliorer et à apporter un esprit novateur à des instruments de musique traditionnels, aussi bien du point de vue des matières que des procédés. « Zhang Instruments de musique » est une fabrique privée d'instruments de musique. Zhang Fuqi, son fondateur, fabriquait des cithares anciennes pour Xu Lanyuan, qui accompagne Mei Lanfant, un chanteur de l'opéra de Pékin. Aujourd'hui, « Zhang Instruments de musique » fabrique des instruments les plus variés. En plus des cithares anciennes simples, leur gamme comprend le zheng, le erhu, le pipa, la flûte, le ruan et d'autres instruments. La matière de ces objets artisanaux comprend les bois de santal et de noix. L'entreprise compte une dizaine de maîtres artisans de niveau national. Un centre culturel des instruments de musique traditionnels a été créé il y a vingt ans. Des formations aux instruments de musique y sont proposées.

Selon les données publiées par l'Association chinoise des instruments de musique, on comptait en 2012 28 grandes entreprises dans le secteur des instruments de musique traditionnels, produisant des instruments d'une valeur cumulée de 3,173 milliards de yuans (+39,59 % par rapport à l'année précédente), réalisant un chiffre d'affaires global de 3,113 milliards de yuans (+39,54 %). Le guzheng, instrument très apprécié des profanes, a vu ses ventes s'envoler. Par exemple en 2013, dans la Fabrique d'instruments N°1 de Shanghai, la production de guzheng de la marque Dunhuang a augmenté de 27,4 % par rapport à l'année précédente, avec 80 000 unités vendues pour un chiffre d'affaires supérieur à 200 millions de yuans.

Ces dernières années, les gouvernements locaux ont accru leurs efforts de protection et de soutien au développement des instruments de musique nationaux et à la musique traditonnelle. Parmi les quatre listes du patrimoine immatériel national publiées par le ministère de la Culture, de nombreux éléments concernent les instruments de musique nationaux et la musique traditonnelle, par exemple le jeu de flûte de l'ethnie qiang, ses procédés de fabrication, l'art du guzheng, le pipa, les techniques de fabrication d'instruments de musique de Shanghai, ainsi que la technique de fabrication du luth à tête de cheval typique du district autonome mongol de Guoerluosi dans la province du Jilin. Dans la même veine, on ne compte plus les éléments inscrits aux listes régionales de protection du patrimoine immatériel.

De bons débouchés grâce à l'innovation

Xu Zhengao, maître artisan du guzheng à la Fabrique N°1 de Shanghai, figure parmi les détenteurs des savoirs inscrits sur la quatrième liste du patrimoine immatériel de 2012.

Né en 1933, Xu Zhengao a quitté Yangzhou pour Shanghai alors qu'il était âgé d'une dizaine d'années. Jusqu'en 1958, il a travaillé dans une coopérative d'instruments de musique à cordes pincées, puis il a rejoint la Fabrique N°1 pour y apprendre la fabrication du guzheng auprès de Miao Jinlin. Il était si assidu qu'après une année seulement, il parvenait déjà à assembler seul son premier guzheng. Fin 1963, lui et son maître Miao Jinlin réussirent à mettre au point une cithare à 21 cordes en S. Grâce à son diapason élargi et à sa forme particulière, cette cithare est devenue le modèle standard du guzheng. C'est ainsi que Xu Zhengao fut appelé le « père du guzheng ». « À partir de cette époque, j'ai commencé à étudier les motifs décoratifs sur le guzheng. Je dessinais des dragons, des tigres et des crevettes... », explique M. Xu. Il a créé quatre motifs, dont Deux grues vers le soleil, pour améliorer l'aspect du guzheng. Certaines de ses créations sont encore utilisées aujourd'hui.

Pendant la fabrication du guzheng, Xu Zhengao a souvent rendu visite aux virtuoses pour recueillir leurs conseils et leurs remarques, pour améliorer sans cesse son instrument et l'adapter aux besoins de l'exécution. En 2001, Xu Zhengao, âgé déjà de 70 ans, et le sculpteur Zhong Yamin ont coopéré pour créer un guzheng en bois de santal appelé « Torture et Grue de la longévité ». Cette cithare a été récompensée par le prix des œuvres remarquables d'artisanat d'art au niveau national et achetée pour 60 000 yuans par le virtuose Wang Zhongshan qui collectionne les instruments d'art.

Xu Zhengao a eu au total une centaine d'élèves pour assurer la transmission des techniques de fabrication du guzheng. Plusieurs titres lui ont ainsi été décernés : travailleur modèle de Shanghai, maître d'art de haut niveau, transmetteur du patrimoine immatériel. Il rêve de voir le guzheng s'exporter et être accepté au niveau international, comme le piano ou le violon. « Le guzheng peut être joué en association avec tous les instruments de musique. Grâce à son rendu harmonieux, le guzheng a un potentiel de développement très prometteur », assure M. Xu.

Selon Xi Qiang, directeur de l'Orchestre national de Chine, en plus de l'amélioration continue des instruments de musique, il faudrait créer plus de compositions musicales pour développer réellement la musique nationale. « Une bonne œuvre doit satisfaire des goûts divers, avoir une belle mélodie et produire un sentiment profond. Ce sont là les éléments essentiels de la musique traditionnelle chinoise », conclut Xi Qiang.

 

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