CHINAHOY

26-November-2014

Transition dans la lutte contre la corruption en Chine

 

 

La lutte contre la corruption en Chine a entamé une nouvelle transition avec la 4e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC. Loin d'être terminée, cette lutte sans merci ne fait que se renforcer en s'appuyant sur des mécanismes légaux et l'approfondissement de la réforme.

JIN SHANMING*

C'est une ère complétement différente qui s'est ouverte : la Chine s'est engagée dans la lutte contre la corruption avec une intensité foudroyante. Depuis le XVIIIe Congrès du Parti communiste chinois (PCC), le gouvernement central a déployé les grands moyens pour chasser les « mouches » (cadres locaux corrompus), les « tigres » (hauts responsables), et les « renards » (responsables en fuite à l'étranger). C'est une vague irrésistible qui déferle en appliquant la « tolérance zéro » à toutes les formes de corruption. Depuis la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, surtout, le mot d'ordre « Enfermer le pouvoir dans la cage des institutions » tout comme le slogan « Laissez des traces sur la pierre et le fer » ne sont plus de simples formules : il s'agit d'une détermination sans faille.

Si la lutte contre la corruption a commencé à porter ses fruits, il reste encore de nombreux défis. La 4e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC a fait de « Gouverner le pays en vertu de la loi » son thème majeur. C'est dans ces conditions que la lutte contre la corruption va prendre la voie de la légalité afin que les fonctionnaires n'osent plus, ne puissent, ni ne veulent se livrer à ces pratiques.

Plusieurs chantiers à mener de front et de manière ordonnée

La lutte anticorruption est l'énergie positive indispensable à la réforme institutionnelle et à la transition sociale en Chine. Elle permet d'endiguer efficacement sa propagation et garantit l'approfondissement de la réforme. C'est la raison pour laquelle elle est devenue la priorité du gouvernement et du PCC.

D'abord, la Chine a pratiqué une campagne d'éducation et de mise en pratique de la ligne de masse du Parti autour du thème « servir le peuple, faire preuve de réalisme et rester intègre » pour appliquer complètement les « Huit recommandations » des autorités centrales. Par exemple, pour s'assurer que les initiatives ne soient pas prises pour la forme et en façade, tous les membres du Bureau politique du Comité central du PCC sont allés sur le terrain pour se confronter aux réalités, se concentrer sur les difficultés et les contradictions, et partir à la rencontre de la population pour recueillir ses suggestions ; ils n'ont pas fait de la figuration ni de la mise en scène ; ils ont évité les cortèges et diminué et simplifié les modalités d'accompagnement et de réception, afin de s'efforcer d'accroître la prévention et la dissuasion en termes de corruption.

Ensuite, il faut développer le rôle des mécanismes d'inspection, voire même des organes spéciaux d'inspection, superviser tous les membres des équipes dirigeantes de niveau inférieur et les autres membres des organisations du PCC en vertu des règlements. Il faut harmoniser les inspections conventionnelles et les inspections spécifiques, en publier en toute transparence la « liste des inspections » et la « liste des rectifications ».

Enfin, il faut promouvoir activement le mécanisme de coordination de plusieurs départements. La Commission centrale de contrôle de la discipline, le Département de l'Organisation du Comité central du PCC et la Commission des comptes doivent élaborer ensemble des règlements stricts en matière d'audit des comptes, pour préciser clairement les responsabilités économiques des principaux dirigeants du Parti et du gouvernement, ainsi que celles des entreprises d'État.

Des initiatives tous azimuts qui commencent à porter leurs fruits

Avec l'établissement de mécanismes et la mise en place des mesures qui les accompagnent, la lutte contre la corruption en Chine doit devenir une « nouvelle norme ». Cette lutte doit être totale. Les « prés carrés » et autres « arrangements » doivent être sans cesse abattus. Une centaine de hauts fonctionnaires ont ainsi fait l'objet d'une enquête et environ cinquante « tigres » sont tombés dans les filets de la justice. Dans le même temps, le gouvernement municipal de Beijing a enquêté sur le problème des « petits fonctionnaires, grosse corruption » ; Tianjin a déclaré nulle et non avenue la nomination fictive de 80 cadres ; Hainan a traité les dossiers de 25 responsables au niveau des comtés. En un mot comme en cent, la lutte contre la corruption s'étend efficacement dans toutes les provinces de Chine.

En s'attaquant à la corruption, il faut aussi rectifier le style de travail du Parti. En 2013, 180 000 membres du PCC ont été sanctionnés. Avant la 4e session plénière, environ 114 000 véhicules de fonction ont été retirés ; environ 162 000 fonctionnaires percevant une rémunération pour un emploi fictif ont été radiés. Plus de 100 000 personnes ont remis de leur propre chef 520 millions de yuans sous forme d'« enveloppes rouges » (pots-de-vin), et 2 550 personnes ont fait l'objet d'une enquête pour corruption portant sur 250 millions de yuans.

Les efforts déployés à l'intérieur du pays pour chasser les « mouches » et les « tigres » s'accompagnent d'initiatives pour chasser les « renards », ces responsables en fuite à l'étranger. En 2014, la Commission centrale de contrôle de la discipline du PCC et les organismes de supervision ont établi conjointement le Bureau de coopération internationale. Cette initiative a renforcé de manière explicite la communication internationale pour barrer la route de l'étranger aux fonctionnaires corrompus. À la date du 10 octobre 2014, 128 suspects à l'étranger avaient été appréhendés. De 2012 à juin 2014, le Parquet chinois a réussi à faire condamner 28 suspects traduits en justice. Par ailleurs, la lutte contre la corruption a touché les entreprises publiques et les établissements d'intérêt public, comme par exemple Song Lin de China Resources et He Jiacheng de l'École nationale d'administration de Chine.

Les chiffres montrent que la lutte anticorruption en Chine commence à porter ses fruits, mais la tâche reste difficile et complexe. Les « quatre vices » (le formalisme, la bureaucratie, l'hédonisme et le goût du luxe) n'ont pas encore disparu. Même si le phénomène a cessé d'enfler, il peut reprendre si certains pensent qu'ils pourront encore s'y adonner. La difficulté extrême consiste donc à prévenir le retour de ses pratiques. En fait, la cause profonde de la corruption se trouve dans les faiblesses du système politique et économique. Le but n'est pas seulement de lutter contre la corruption, mais d'aspirer à des valeurs qui englobent la logique de la réforme, la transition sociale et le développement du pays. L'approfondissement des réformes est fondamental pour sanctionner et prévenir la corruption, et la seule option possible est de le faire conformément à la loi.

Lutter contre la corruption selon la loi: une tâche titanesque

À l'occasion de la 4e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, sur le thème « Gouverner le pays en vertu de la loi », ont été mis à l'ordre du jour l'établissement des mécanismes juridiques de lutte contre la corruption et le renforcement de la supervision et du contrôle des pouvoirs. La lutte anticorruption en vertu de la loi, c'est en fait le contrôle du pouvoir en vertu de dispositifs juridiques. Après l'établissement des dispositifs qui correspondent aux volets « ne pas oser » et « ne pas pouvoir », on pourra enfin « enfermer le pouvoir dans la cage des institutions ».

D'abord, il faut énoncer clairement les prérogatives en termes de pouvoir. Cela passe par la simplification des structures administratives et la délimitation appropriée des pouvoirs. Il s'agit de réaliser le principe « ce qui n'est pas stipulé dans les textes n'a pas vertu de loi », normaliser les mécanismes d'exercice du pouvoir et le limiter.

Ensuite, il faut établir des dispositifs procéduraux. Par le biais de dispositions légales, il faut normaliser les procédés, méthodes, processus et initiatives de ceux qui exercent le pouvoir, demander de rendre publiques toutes leurs décisions, assurer la participation du public dans ces décisions et éviter la marchandisation du pouvoir conduisant à la corruption.

Troisièmement, il faut établir des mécanismes de supervision. Un pouvoir sans contrôle nuit au pouvoir lui-même. Il faut donc établir un mécanisme de supervision des pouvoirs publics et des décideurs, et réduire la « zone grise » dans laquelle se glisse la corruption.

Enfin, il faut parfaire le mécanisme de responsabilité. Par l'élaboration et l'amendement de procédures normatives légales, il s'agit d'introduire et d'améliorer le système de responsabilité pour éviter la tentation et éradiquer toute possibilité de corruption dans la prise de décision.

Hegel soulignait que la corruption n'arrive pas par hasard, mais qu'au contraire, elle est inhérente au système, et qu'inévitable et profondément ancrée, elle se propage dans chaque recoin un peu comme la peste. Pour le cas de la Chine, si on ne peut pas nourrir des espoirs trop nobles en termes d'idéaux, il faut surtout une coordination sur le plan de l'économie, de l'administration et des structures sociales.

Il faut d'abord renforcer la réforme de la structure économique et éradiquer ce qui constitue le socle des systèmes oligarchiques. Au niveau des secteurs économiques, il faut donner libre cours au rôle du marché, établir clairement la relation entre le gouvernement et le marché, et éviter l'interférence des pouvoirs publics. Dans le même temps, il faut améliorer le mécanisme budgétaire moderne en vertu de la loi. C'est même la prémisse majeure pour établir un gouvernement intègre, sans quoi tous les efforts de lutte anticorruption du gouvernement seront vains.

Ensuite, il faut pousser plus en avant la réforme de l'appareil administratif et limiter le pouvoir des fonctionnaires. Il faut délimiter légalement les pouvoirs et préciser la relation entre droits et pouvoirs pour que les pouvoirs garantissent les droits, et non pas l'inverse.

Enfin, la réforme sociale doit progresser. Il faut améliorer le système de sécurité sociale. La corruption prend souvent la forme d'abus de pouvoir et de recherche de privilèges. Il faut donc réduire et contrôler les pouvoirs des fonctionnaires dans tous les domaines, y compris la protection sociale, les soins médicaux, le logement, l'éducation, etc. Un bon système de sécurité sociale aide à réduire et prévenir la corruption.

Michael Johnston a écrit dans son livre Syndromes of Corruption : Wealth, Power and Democracy que « dans une société bureaucratique, le chemin de la lutte contre la corruption est semé d'embûches ». Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la Chine ? Comme l'a souligné Xi Jinping : « Il faut utiliser un antidote, c'est la détermination de punir avec sévérité ; il faut éradiquer le poison, c'est le courage inébranlable ; il faut développer un Parti intègre et lutter sans merci contre la corruption ».

L'État de droit est la garantie fondamentale de la lutte contre la corruption : il faut donc suivre à la lettre le thème de la 4e session du XVIIIe Comité central du Parti du PCC.

 

*JIN SHANMING est chercheur adjoint à l'Institut de science juridique de l'Académie des sciences sociales de Chine et docteur en droit.

 

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