CHINAHOY

26-November-2014

Situation en Afrique, coopération sino-africaine et multipolarité

 

Le 14 novembre 2014, une équipe médicale chinoise de 163 membres est partie au Libéria pour mettre sur pied un hôpital pour la lutte contre Ebola. (CNSPHOTO)

 

La situation politique et socioéconomique se stabilise en Afrique. La Chine souhaite contribuer davantage au développement du continent, tout en appelant à la mise en place d'un système multilatéral pour y garantir la paix et la stabilité.

LI ANSHAN*

Le 25 août 2014, Xi Jinping a rencontré Robert Mugabe au Grand Palais du Peuple à Beijing.

Depuis 2014, la situation politique et économique a été relativement stable en Afrique. L'intégration régionale africaine continue de faire avancer et d'encourager le développement sain du continent africain, et d'attirer les investissements étrangers et les entreprises du monde entier. Les visites du premier ministre chinois Li Keqiang en Afrique cette année ont eu d'importantes répercussions : le développement des relations sino-africaines s'est accru dans les domaines politique, économique, socio-culturel, ainsi que dans les échanges entre les peuples.

La situation en Afrique en 2014

De nombreux pays africains ont organisé des élections présidentielles ou parlementaires cette année, et celles-ci se sont pour la plupart déroulées dans la stabilité. Les élections en Algérie, une puissance africaine de premier plan, se sont terminées dans l'ensemble dans un climat stable, malgré des affrontements armés avec des groupes antigouvernementaux, et ont obtenu la reconnaissance de toute la communauté internationale. Les élections nationales en Afrique du Sud ont été mouvementées, avec 29 partis en lice, mais le scrutin s'est néanmoins déroulé de manière stable et ordonnée. Le Congrès national africain, le Parti communiste sud-africain et le Congrès des syndicats sud-africains ont formé une alliance pour remporter la victoire pour la cinquième fois. En Égypte, au Botswana, au Malawi et en Tunisie notamment, les élections se sont déroulées sans incident. Les pays occidentaux avaient auparavant l'habitude de décrire les élections en Afrique comme « chaotiques », mais les différents scrutins ont montré que même si les élections sont âprement disputées, certains pays africains sont progressivement parvenus à un consensus pour que le pouvoir prenne sa source dans le respect de la Constitution, de manière équitable et ordonnée.

Depuis le milieu des années 90, l'économie africaine se développe à un rythme soutenu supérieur à 5 % par an. En Afrique du Nord, c'est au Maroc que la situation est la plus favorable. Hors secteur pétrolier, les autres secteurs affichent aussi une bonne santé. En Égypte, en raison des élections de cette année, de nombreux projets sont en train de se mettre actuellement en place et la croissance économique a dépassé 1 %. La Tunisie, par rapport aux autres pays de la région, possède un avantage géographique particulier en raison de sa proximité avec l'Europe et a donc pu maintenir une certaine compétitivité. Le rapport annuel régional du FMI, Perspectives de développement économique régional en Afrique subsaharienne en 2014 : maintenir le cap, a souligné que le développement régional africain maintiendrait sa tendance avec un taux de croissance économique moyen de 5 %. Dans un nombre relativement important de pays, les projets de construction d'infrastructures, l'accroissement de la productivité dans les secteurs des ressources naturelles et de l'électricité, sans parler des revenus constamment en hausse dans les secteurs des services et de la production agricole, contribuent au développement économique de l'Afrique subsaharienne. Selon des statistiques du FMI, le PIB du Tchad devrait croître de 9 % en 2014, contre 8,3 % pour le Mozambique et le Niger, ou encore 8,2 % pour l'Éthiopie, alors que dans les pays à faibles revenus, la croissance devrait atteindre 6,7 %.

L'intégration régionale s'est poursuivie en Afrique en 2014. Les grandes organisations économiques régionales africaines, la Communauté d'Afrique de l'Est (CEA), le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) et la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), sont toutes trois parvenues à un accord pour former une zone de libre-échange qui pourrait voir le jour avant la fin de l'année au plus tôt. Elle comprendrait 26 pays, 625 millions de personnes pour un PIB de 12 milliards de dollars, soit 58 % du total de l'Union africaine. Il s'agirait alors de la plus grande zone de libre-échange du continent africain, qui deviendrait un élément important dans la constitution de la zone de libre-échange panafricaine prévue pour 2017.

Il existe cependant de nombreux problèmes. La scène politique de certains pays subit les répercussions des transitions militaires et du terrorisme, ce qui menace la subsistance des populations et porte un coup aux initiatives d'investissements extérieurs. L'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest commence à avoir un effet indirect sur l'économie. Par ailleurs, d'autres obstacles se dressent sur la route du développement en Afrique, notamment l'instabilité politique et économique internationale, les problèmes de gouvernance (corruption et détournements de fonds, efficacité administrative, etc.), les barrières entre pays et régions (dédouanement, circulation des personnes, infrastructures de base, etc.), l'insuffisance des investissements étrangers, les épidémies, etc.

Visites mutuelles de haut niveau sino-africaines

En un an, la coopération sino-africaine a progressé en réalisant trois grandes avancées. Tout d'abord, avec les visites mutuelles de haut niveau, ensuite avec les six grands chantiers de la coopération sino-africaine et enfin, avec l'expansion de la coopération dans le domaine socio-culturel, notamment les échanges entre les peuples pour la réduction de la pauvreté et l'assistance sanitaire.

La signification des visites du premier ministre chinois Li Keqiang en Afrique est importante, son aspect le plus saillant étant la promotion en commun du partenariat sino-africain au sein du « cadre 461 ». « 4 » fait référence aux quatre principes : se traiter sur un même pied d'égalité et de sincérité, renforcer la solidarité et la confiance mutuelle, travailler conjointement pour parvenir à un développement inclusif, innover dans la coopération pragmatique ; « 6 » porte sur la coopération dans les six domaines : industriel, financier, lutte contre la pauvreté, protection de l'environnement, échanges entre les peuples ainsi que paix et sécurité ; « 1 » signifie que le Forum sur la coopération sino-africaine doit fournir une plate-forme qui correspond aux nouveaux besoins en développement de l'Afrique et porter à un nouveau palier la coopération sino-africaine.

Ces visites ont surtout souligné la pensée de la Chine en matière de stratégie internationale, qui préconise le caractère multipolaire de la gouvernance mondiale. Les deux allocutions de Li Keqiang en Afrique, l'une à l'Union africaine, l'autre au Forum économique mondial pour l'Afrique, montrent que le gouvernement chinois veut envoyer au monde entier un message important relatif à sa stratégie internationale : la Chine ne joue pas seulement un rôle significatif dans le développement de l'économie mondiale, mais elle veut aussi promouvoir activement un cadre international multipolaire avec les pays qui aspirent à la paix, afin de contribuer à l'établissement d'un nouveau cadre de gouvernance mondial pacifique et égalitaire. Li Keqiang a décrit le rôle important que joue l'Afrique dans les domaines politique, économique et socio-culturel, souligné la position importante de l'Afrique sur la scène politique et économique internationale, et mis en avant les « trois pôles » : d'abord, avec 54 pays, l'Afrique représente plus du quart des sièges des Nations unies et joue un rôle majeur pour garantir la paix et la stabilité mondiale. C'est donc un pôle de grande importance sur la scène politique internationale. Ensuite, l'Afrique est riche en ressources naturelles, son économie ne cesse de croître, et le continent est aux yeux de tous un marché émergent de première importance, ce qui en fait un nouveau pôle de croissance de l'économie mondiale. Enfin, l'Afrique est une terre d'histoire et de culture, le berceau de la civilisation mondiale, ce qui en fait un pôle culturel d'une grande richesse pour le monde. Cette proposition coïncide avec les efforts que la Chine a toujours déployés pour la promotion d'un monde multipolaire, et on peut dire qu'il s'agit d'un système ouvert et inclusif dans lequel l'Afrique peut avoir une place. Lors de son allocution au Forum économique mondial pour l'Afrique, Li Keqiang a de nouveau souligné que « l'émergence de l'Afrique et la création d'un nouveau pôle permettront au monde d'être plus démocratique et plus stable, lui donneront une plus grande vitalité et une plus grande diversité, et apporteront plus de bénéfices en termes de paix, de développement et de progrès ».

Cette année, de nombreux chefs d'État africains, comme le président du Sénégal, du Mali, de l'Éthiopie, du Zimbabwe et de la Tanzanie notamment, se sont rendus en visite d'État en Chine. Notons particulièrement celle de Robert Mugabe, 90 ans, président du Zimbabwe, qui a déjà effectué 13 visites au total, ainsi que celle de Jakaya Kikwete, président de la Tanzanie. Robert Mugabe, qui détient un record de longévité au sommet de l'État en Afrique, est le seul père fondateur encore au pouvoir. Ses déplacements en Chine revêtent une double signification. D'abord, il n'a pas été invité à participer au Sommet États-Unis-Afrique, mais la Chine l'a invité à effectuer une visite. C'est un geste politique. Ensuite, le Zimbabwe maintient une position indépendante et souffre des sanctions imposées par les pays occidentaux depuis longtemps. C'est pour cela que la Chine lui accorde son soutien. Dans les faits, sa réforme agraire connaît un succès et a obtenu la reconnaissance des milieux académiques internationaux. C'est ce que les pays occidentaux ont réalisé, et l'Union européenne a d'ailleurs levé les sanctions commerciales à l'encontre du Zimbabwe. Par ailleurs, la visite en Chine du président de Tanzanie consolide une nouvelle fois les relations d'amitié entre les deux pays. Jakaya Kikwete est un vieil ami du peuple chinois et il a été reçu par de nombreux dirigeants chinois. Il souhaite renforcer la coopération gouvernementale avec la Chine et développer les échanges au niveau des peuples, au niveau économique, culturel et artistique. Il a aussi particulièrement remercié la Chine pour la construction de projets et d'infrastructures, et pour avoir fourni aux Africains un centre d'affaires à Yiwu (province du Zhejiang). Il souhaite aller plus loin dans les relations de coopération dans les domaines politiques, commerciaux, touristiques et éducatifs notamment.

Diversité du commerce et des échanges entre les peuples

Les relations économiques sino-africaines progressent, la Chine étant pour la cinquième année consécutive le premier partenaire commercial du continent. Lors de sa visite cette année, le premier ministre chinois Li Keqiang a proposé six grands chantiers qui, s'ils se réalisent pleinement, assureront un type de bénéfice mutuel. D'un côté, ces chantiers se font l'écho des besoins urgents de chaque pays africain, et de l'autre, participent à la transition économique de la Chine dans le cadre de l'approfondissement de la réforme. En matière industrielle, la coopération dans les infrastructures de base est substantielle, notamment avec le Centre de recherche et de développement sur les trains à grande vitesse et le plan de coopération sur l'aéronautique.

Au niveau de la finance, la Chine a décidé d'augmenter de 10 milliards de dollars ses crédits à l'Afrique et de doter le Fonds de développement sino-africain d'un capital supplémentaire de 2 milliards de dollars. L'Afrique a toujours manqué de financements, et les prêts comme les fonds permettront aux entreprises chinoises de pénétrer l'Afrique et aux Africains de développer leurs activités économiques grâce à ces capitaux, pour ainsi résoudre les problèmes locaux relatifs à l'emploi.

En matière de lutte contre la pauvreté, la Chine peut faire profiter l'Afrique de son développement économique, particulièrement au niveau de l'agriculture. En 2014, la coopération sino-africaine dans le domaine de la réduction de la pauvreté s'est accrue. La Fondation chinoise de lutte contre la pauvreté et l'Association caritative de Lingshan se sont unies pour lancer le projet « Sourire des enfants : un projet africain » afin de réunir des fonds. L'Éthiopie sera le premier pays à bénéficier de cette aide. Cette association caritative a déjà recueilli 3 millions de yuans et s'est engagée à lever dans les cinq prochaines années la somme de 10 millions de yuans pour donner des repas riches aux enfants éthiopiens. Pour ce dernier projet, la collecte de 500 000 dollars permettra d'enclencher un nouveau programme d'aide pour un autre pays africain.

La coopération dans le domaine de la protection de l'environnement est un chantier phare. Le premier ministre Li Keqiang a proposé une assistance non remboursable de 10 millions de dollars pour la protection des animaux sauvages et de la flore. La coopération bilatérale s'étend aussi à la protection des ressources forestières, à la lutte contre la désertification, etc.

La coopération dans le domaine de la sécurité est un fait nouveau. Elle respecte les souhaits de chaque partie, a obtenu l'aval de l'Union africaine et s'applique dans le cadre des Nations unies. À la différence des pays occidentaux, la Chine adopte une position de conciliation. Une des initiatives de coopération sécuritaire cette année a concerné l'envoi d'un bataillon de soldats de maintien de la paix au Soudan du Sud.

Dans la lutte contre le virus Ebola, le gouvernement chinois a donné à plusieurs reprises du matériel et des équipements médicaux à la Guinée, au Libéria et à la Sierra Leone, et envoyé une équipe médicale spécialisée de près de 200 membres dans les zones touchées par l'épidémie. La Chine avait déjà fourni aux pays concernés et aux organisations internationales un soutien d'un montant de 250 millions de yuans. Le 24 octobre, le gouvernement chinois a par ailleurs décidé de l'octroi d'un quatrième programme d'aide d'une valeur de 500 millions de yuans et de la mise en place d'un plan de coopération de santé publique sino-africain. En 2015, la Chine organisera 12 formations en matière de santé et de prévention des épidémies dans les trois pays touchés par Ebola, à l'Union africaine et à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Elle associera les hôpitaux, les centres de lutte contre la malaria et les laboratoires réalisés avec l'assistance chinoise, ainsi que les équipes médicales, pour développer la recherche en partenariat sur les maladies tropicales, assister les pays africains dans la création de plates-formes d'information sur la santé publique et de réseaux de contrôle, de prévention et de détection des épidémies.

La coopération entre la Chine et l'Afrique devra atteindre un niveau plus élevé avec la mise en place progressive de ces six chantiers.

 

*LI ANSHAN est directeur du Centre de recherche sur l'Afrique de l'université de Beijing.

 

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