CHINAHOY

30-July-2014

La culture chinoise des bronzes

 

Tripode d'or et d'argent au couvercle recouvert de motifs de dragons. (PHOTO FOURNIE PAR CHINA GUARDIAN AUCTIONS)

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

Au cours de la séance de ventes aux enchères spécialement dédiée aux bronzes de la Chine antique collectionnés par le studio Mengdiexuan qui fut organisée dans la première moitié de cette année par China Guardian Auctions (basé à Hong Kong), deux bronzes (que les Chinois appellent ding) ont attiré l'attention particulière du public. L'un d'eux, rectangulaire avec des motifs de têtes d'animaux, a été vendu au prix le plus cher de cette séance : 10,12 millions de dollars hongkongais. L'autre, un tripode à couvercle, décoré de trois dragons d'argent jouant avec une perle d'or, a été cédé au prix de 6,9 millions de dollars hongkongais.

Le premier objet, de couleur vert foncée, et coulé au XIe siècle avant J.-C. environ, mesure 26,5 cm de haut, 16,4 cm de long et 21 cm de large. Il s'agit d'une œuvre représentative des bronzes rectangulaires de la fin de la dynastie des Shang et de la dynastie des Zhou de l'Ouest : le corps principal est un rectangle régulier avec des bords légèrement retroussés vers l'extérieur et est pourvu de deux anses en forme de U, tandis que les quatre pieds sont décorés de motifs de feuilles de palmiers. Au centre de ses quatre faces, il y a des bornes sur lesquelles sont ciselés des motifs en lignes droites et des dessins en T. Les faces sont toutes ornées de masques de Taotie, le 5e fils du dragon selon la mythologie chinoise. Comme il était sensé être gourmand, le mot taotie est devenu synonyme de repas délicieux. De plus, sous ses bords, sont ornés des cercles avec des motifs de dragons. Sur le corps du ding, on trouve l'épigraphe : 父丁.

Le second bronze est une œuvre datant d'entre le IVe et le IIe siècle avant notre ère. Haut de 15 cm, l'objet est précieux de par la technique de coulage de l'or et de l'argent qui fut utilisée. Trois dragons d'argent s'entrelacent, jouant avec une perle d'or située au centre du couvercle. Celui-ci est surmonté de trois cerfs accroupis, dont le corps est orné de taches enduites d'argent. Deux anses en forme de U, également décorées de motifs en argent, s'étendent des deux côtés du ding. L'ensemble du récipient présente une rondeur fluide, ses trois pieds courts donnent une impression de solidité. Les dessins décoratifs sont splendides, les touches fluides font fortement ressentir le mouvement. Une frise de dragons géométriques déformés fait le tour du corps du bronze, alors que sur le bas du côté, c'est une frise de cœurs en argent qui en fait le tour.

Les bronzes en vogue dans les dynasties précédant celle des Qin éaient principalement des objets fabriqués en alliage de bronze et d'étain. On trouve parmi eux des objets rituels, de la vaisselle, des marmites, des récipients d'alcool et même des instruments de musique. Les ding étaient des objets rituels et de vaisselle, essentiellement de forme ronde avec deux anses et trois pieds. Mais les objets de différentes époques présentent des caractéristiques différentes. Ils furent utilisés au début en tant qu'ustensiles de cuisine, pour cuire et contenir de la viande. C'est pourquoi ils étaient ronds et faciles à utiliser. Les fang-ding, « ding carrés », sont une variante des ding ronds, leur apparition date de l'époque dite d'« Erlitou » de la culture des Xia (il y a plus de 3 000 ans). Vers le milieu et la fin de la dynastie des Shang (XVIIe au XIe siècle avant notre ère), le nombre de ding carrés a beaucoup augmenté, si bien qu'ils sont devenus, avec les bronzes ronds, des objets rituels. Leur fonction d'ustensiles de cuisine s'est ensuite atténuée. Si les ding carrés sont progressivement devenus des objets rituels, c'est grâce au concept « le ciel est rond et la terre carrée ».

Les formes et les décorations des bronzes n'ont, elles aussi, cessé d'évoluer. Au début de la dynastie des Shang, la plupart de ceux-ci avaient des anses droites et une panse profonde, tandis que le corps était mince et les motifs étaient simples. À la fin de la dynastie des Shang et au début des Zhou de l'Ouest (entre XIe siècle et 77l avant notre ère), les bronzes sont devenus moins profonds mais plus trapus, et les motifs sont devenus plus délicats. À la période des Printemps et des Automnes (770 et 476 avant notre ère), la paroi s'amincit, et des couvercles font leur apparition. Beaucoup de bronzes de cette époque portaient également des écritures reflétant la situation sociale d'alors, appelées « épigraphes ». Ces inscriptions présentent une grande valeur pour l'étude de la structure sociale d'alors.

Les trépieds en bronze sont des trésors pour beaucoup de musées chinois. Parmi eux, on peut citer le Houmuwuding (Ding dédié à la mère Wu) conservé au Musée national de Chine et le Dakeding (Ding du Grand Ke) conservé au Musée de Shang-hai.

Le Houmuwuding a été retrouvé sous terre à Anyang, dans le Henan. C'est un objet rituel que le fils du Roi des Shang, Wuding, a dédié à sa mère. Il doit son som à l'inscription coulée sur la paroi intérieure. Ce chef-d'œuvre des bronzes des dynasties des Shang et des Zhou est le plus grand et le plus lourd des bronzes jamais déterrés dans le monde, mesurant 133 cm de haut, 112 cm de long et 79,2 cm de large, et pesant 832,84 kg.

Le Dakeding est un bronze coulé à la fin de la dynastie des Zhou de l'Ouest par un noble nommé Ke, à l'occasion du culte voué à son grand-père. Sur la paroi intérieure est gravée une inscription de 290 caractères qui immortalise le fait que Ke, grâce aux exploits réalisés par son grand-père, reçut du roi des Zhou un titre officiel, ainsi que beaucoup de fiefs et d'esclaves. La bouche du tripode est surmontée de deux anses droites, et les trois supports de sa partie inférieure montrent une évolution vers la forme de pattes d'animaux. Ce style de la fin de la dynastie des Zhou de l'Ouest fait ressentir la solidité.

Les bronzes, qui occupent une place importante en Chine, sont particulièrement appréciés des collectionneurs ces dernières années. Actuellement, les ventes aux enchères de bronzes chinois s'opèrent principalement sur les marchés étrangers. En 2010, Dingsheng International Auctions of Hong Kong a organisé pour la première fois une séance consacrée aux collections privées de bronzes chinois, avec un marché conclu à 140 millions de yuans. En 2013, Sotheby's et Christies ont également tenu des séances spéciales pour les bronzes antiques chinois, les ventes conclues ont été nombreuses et les prix ont mécaniquement grimpés.

 

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