CHINAHOY

29-August-2014

Un concours international de chinois pour la paix

 

Les candidats de la 13e édition du concours.

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

La Brésilienne Monica Cunha da Silva a décroché le sésame de la 13e édition du concours Pont vers le chinois pour les étudiants étrangers le mois dernier. Retour sur cette compétition hors norme et unique au monde.

Le 3 août dernier, j'ai été invité à assister à la finale et cérémonie de clôture de la 13e édition du concours international de chinois pour étudiants à l'étranger. Ce concours, organisé conjointement par l'Institut Confucius, le bureau national pour l'enseignement du chinois, le gouvernement provincial du Hunan et la télévision satellite du Hunan entre autres, s'est tenu, sans surprise, à Changsha, capitale de ladite province.

Lancé en 2002, ce concours s'adresse à tous les étrangers apprenant le chinois dans leur pays d'origine. Les sélections se font dans le pays des candidats au printemps, puis la finale a lieu de début juillet à début août en Chine. Parti de rien en 2002, ce concours regroupe aujourd'hui plus de 80 pays participants, les cinq continents, toutes les couleurs de peau et tous les accents qui puissent exister en mandarin... Car il ne s'agit pas d'une compétition de chant, ni de danse, ni d'acrobaties, c'est un concours uniquement porté sur la culture et la langue chinoise.

Un concours pour relier les peuples

Depuis une dizaine d'années qu'il existe, le concours a récompensé des candidats de tous les continents. Son but : prouver que la malédiction de la Tour de Babel n'est pas irrémédiable. En effet, pour son instigateur, Xu Jialu, le concours se veut un moyen d'unir des jeunes personnes de tous horizons avec pour point commun leur amour de la culture et de la langue chinoise. Pari réussi puisque cette année 126 candidats se sont retrouvés à Changsha dans le Hunan pour se battre pour deux prix : le prix de lauréat continental : Afrique, Amérique, Asie, Europe et Océanie et un premier prix du concours : cette année, une Brésilienne, première candidate d'Amérique Latine à décrocher le titre.

Cette année, les lauréats continentaux du concours sont une Australienne, une Coréenne, un Russe, un Zimbabwéen et la finaliste brésilienne. Parmi les anciens gagnants du concours, on trouve par exemple un Anglais, un Suisse (Lyam Bates dont nous vous avons parlé dans le numéro de juillet), un Iranien ou encore une Coréenne et un Russe pour cette liste non exhaustive.

Hormis ce concours international pour étudiants étrangers, le concours Pont vers le chinois possède plusieurs autres versions : une version pour les lycéens, et une version pour les étudiants étrangers faisant leurs études en Chine qui a été transformée cette année en concours général pour tous les étrangers, en Chine ou ailleurs. Le lauréat 2014, un jeune Russe, David avait déjà participé à l'ancienne version en 2012. Moi-même, je suis lauréat de la 4e édition du concours pour les étudiants étrangers en Chine qui était diffusée sur la CCTV International.

Les nouveautés du concours

Mais celui qui nous intéresse aujourd'hui, c'est celui de la télévision du Hunan, télévision dont le taux d'audience est certainement le plus élevé de Chine avant même la CCTV. En effet, ses programmes font l'unanimité et leur côté détendu et moderne attire beaucoup le public chinois. D'où le choix d'organiser le concours avec cette télévision.

Connu pour son originalité et la qualité de son show, le concours de la télévision satellite du Hunan est très suivi en Chine. Diffusé en première partie de soirée tous les jours pendant le mois d'août, les taux d'audience sont toujours au beau fixe.

Le concours de cette année a surpris par son originalité encore plus que les années précédentes notamment grâce à la nature des épreuves organisées pour les candidats. Autrefois majoritairement tourné en plateau : séries de questions, improvisations et autres pièces à jouer sur scène, le tournage du concours a pris le chemin de l'extérieur cette année. Les organisateurs du concours ont fait le pari de faire « sortir le concours de sa boîte » et de faire voir du pays aux candidats. Cela en partie pour éviter que les candidats - dont certains viennent pour la première fois en Chine - ne soient déçus par ce voyage trop « médiatique ». L'équipe de tournage les a donc emmenés cette année à Xi'an, capitale du Shaanxi et site de l'ancienne capitale chinoise Chang'an à l'époque de la Route de la Soie. Ils ont aussi pu aller à Anhua, capitale du thé noir située au Hunan mais aussi à Jingdezhen dans la province du Jiangxi : capitale de la porcelaine.

 

Les candidats de la 13e édition du concours.

 

Et la bataille commence !

Mais n'allez pas croire que c'était du tourisme ! Au contraire, chaque voyage était une partie des trois manches pour les qualifications de la finale. Mais avant de vous raconter la « bataille » à proprement parler, je voudrais vous décrire la cérémonie d'ouverture du concours. Changsha possède l'un des plus anciens cabinets d'étude de Chine : le cabinet Yue Lu. C'est l'équivalent de notre université actuelle. C'est dans ce monument historique, symbole confucianiste par excellence que s'est déroulée l'ouverture du concours. Les candidats, tous en costume folklorique, se sont retrouvés face aux différents porches du bâtiment et ont pu découvrir à chaque passage une démonstration de la culture chinoise. La première étant une chorégraphie par 40 danseurs dans le plus pur style confucianiste. Puis la dernière porte qui cachait un hôte de poids : Fan Zeng, certainement le plus grand calligraphe chinois encore en vie. C'est lui qui leur a fait l'initiation à la calligraphie et à la philosophie confucianiste. Le caractère choisi pour l'occasion était : « marcher, mettre en pratique » tiré de la phrase « connaissances et actes doivent être unis ». Les candidats ont donc eu le droit à ce qu'on appelle la cérémonie du premier pinceau avec ce maître.

Après un premier écrémage violent : « 126 candidats au départ, 94 à la deuxième manche », comme le dit la cruelle voix-off, les 94 candidats restants sont passés à la moulinette et là, c'est l'hécatombe : il n'en reste que 30 répartis en 5 groupes de 6 : cinq continents 6 candidats. C'est donc par continent que les candidats se lancent dans les épreuves suivantes. À chaque épreuve plusieurs candidats sont éliminés et il n'en reste que 10 puis 5 qui se départagent pendant la finale.

Rigolades et émotions

Mais assez de cette sanglante joute linguistique ! Voyons plutôt ce qui est amusant et émouvant dans ce concours. Lors des épreuves en extérieur, les candidats avaient des défis à relever, aidés par les gens du coin, mais aussi « piégés » par des « traîtres » de l'équipe télé. Dans la ville d'Anhua par exemple, après avoir enseigné comment fabriquer une brique de thé noir compressé, on a demandé aux candidats de vendre celui-ci aux touristes. Pour cela, chaque groupe avait un objet pouvant les aider. À eux de voir comment s'en servir... Un groupe a ainsi reçu une robe de mariée... Mais cela n'a pas dérouté le candidat singapourien qui s'en est revêtu, faisant exploser de rire toutes les personnes présentes. Et c'est en se trémoussant et vantant les mérites amincissants du thé noir qu'il a réussi à vendre quelques briques de thé.

Lors d'une épreuve à Xi'an, la candidate brésilienne devait vendre des effigies des soldats en terre cuite. Mais l'équipe de tournage lui a tendu un piège en envoyant un faux couple de touristes se disputer en face de son étal et se servir des statuettes comme projectiles... Comment allait réagir la vendeuse dont une dizaine de statuettes avaient été réduites en miettes devant ses yeux ? Elle a tout simplement dit avec aplomb à ce couple de cinglés de « rembourser les dégâts immédiatement ! »

Dans la manche à Jingdezhen, le candidat zimbabwéen a appris que la notion du temps et de la distance en Chine n'est pas la même que dans son pays. Alors perdu lors de la chasse au trésor dans la ville, il demande son chemin à un vieux Chinois qui lui répond : « Ce n'est pas loin, à 50-60 m environ. Celui-ci, pensant être tout près du but, se croit vainqueur d'avance et compte donc ses pas devant la caméra, tout fier de lui, ne sachant pas que les Chinois aiment les euphémismes... Lorsqu'il découvre qu'après 50 pas, il n'est toujours pas arrivé à l'endroit indiqué, il panique et se met à courir partout dans les rues...

Enfin, la chaleur de l'été chinois a également mis à rude épreuve les candidats, dont certains se sont évanouis au cours des épreuves tant la température était haute. Alors que l'équipe de tournage était occupée à chercher l'équipe de secours, les autres candidats se sont empressés de ventiler et d'asperger d'eau leur camarade en attendant. La plupart des bénévoles sur place, impuissants devant cette situation qu'ils n'avaient prévue se sont émus de l'entraide et de la cohésion du groupe .

La grande finale, en plateau, un mois après le début de la compétition, est évidemment l'évènement grandement attendu par les téléspectateurs. Le show, soit très kitsch, mais très bien rodé, est impressionnant par les moyens techniques mis en œuvre et par le nombre de figurants engagés dans le spectacle. Sur le thème de « la Route de la Soie, cordon ombilical culturel entre la Chine et l'étranger », la cérémonie s'est voulue grandiose tout en restant « familiale ». Chaque lauréat de chaque continent participait à un tableau de cette grande fresque animée. On retrouvait évidemment les éléments des épreuves précédentes : la porcelaine, les arts martiaux, le thé, dispute au palais des Tang etc... Les cinq lauréats devaient également passer des épreuves finales consistant en des questions posées par le jury. Celui-ci étant composé de personnalités telles que la directrice de l'Institut Confucius de Croatie ou Tang Guoqiang, l'acteur qui joue souvent le rôle de Mao Zedong dans les films et les téléfilms et encore Hai Xia, la présentatrice du journal de la CCTV. Les votes étaient dévolus au public, les commentaires du jury ne comptant que comme conseil.

Et c'est finalement la candidate brésilienne qui remporta la première place. Elle a l'honneur d'être la première lauréate latino-américaine à le faire. C'est Xu Jialu, créateur du concours qui lui a remis le prix et l'a félicitée pour son parcours. Alors malgré la cruauté et la difficulté de ce concours, il faut quand même reconnaître que derrière tout cela, ce sont les sourires et la joie des candidats d'être en Chine et de progresser en chinois qui priment. Tous les candidats dans les 30 premiers sont même repartis avec une bourse pour un an d'études linguistiques en Chine.

 

La Chine au présent

Liens