CHINAHOY

22-January-2017

La Chine face à Donald Trump

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

(France) CHRISTOPHE TRONTI

Google, le Dalai Lama, la NSA ont un point commun : mis en cause sur des déclarations inacceptables ou des actions illégales, ils ont pu se refaire une virginité à bon compte en redirigeant leurs contempteurs contre la Chine. On vous accuse de censure, de nationalisme, de cyber-attaques ? Clamez haut et fort « C'est la faute de la Chine ! » et vous voilà hors de cause, vos péchés facilement absous. Donald Trump saura-t-il faire de même ? Le milliardaire a construit sa campagne électorale sur les peurs qui agitent l'Amérique, au premier chef desquelles celle de perdre son leadership au profit de la Chine. Jour après jour, il lançait devant des foules enthousiastes ses diatribes antichinoises de moins en moins subtiles.

On ne s'alarmait pas, en Chine, de propos outranciers qu'il fallait bien considérer comme faisant partie du folklore électoral. On s'est d'ailleurs réjoui de la victoire du candidat « anti-système » qui semblait sur bien des points plus pragmatique et moins dogmatique que son adversaire démocrate Hillary Clinton. Mais depuis qu'il est élu, Donald Trump multiplie les déclarations irresponsables, les faux pas diplomatiques et les nominations controversées. « Manipulation du taux de change du yuan », « la Chine ne doit pas me dicter ce que j'ai à faire », « ils ne font rien sur le dossier nord-coréen »... Comme le candidat Trump, le président-élu ne recule devant aucune déclaration outrancière. Du moment qu'il tape sur la Chine, la presse libre qui le vouait aux gémonies avec une unanimité suspecte commencerait-elle à le considérer d'un œil nouveau ?

Donald Trump a-t-il un problème avec la Chine ? s'interroge le Journal du Dimanche, avant de brosser le portrait trumpien d'une Chine qui « viole », « tue », « détrousse », « triche », « manipule » et « effraie » les États-Unis. Sans omettre sa déclaration selon laquelle le réchauffement climatique lui-même serait une invention chinoise dirigée contre les États-Unis... Le Télégramme pointe le risque que le nouveau président veuille revenir sur le principe diplomatique de la Chine unique, vieux de 40 ans. L'Obs pose la question : Que cherche Donald Trump en multipliant les provocations contre la Chine ? Mais sans y apporter de réponse, même sous la forme d'une hypothèse. Plus que ces déclarations fantaisistes, ce sont les nominations qui constituent « des signaux en forme d'avertissement à la Chine », affirment Les Échos qui rappellent que le conseiller économique désigné par le milliardaire est un économiste très critique de l'économie planifiée qui fonctionne en Chine. Donald Trump inquiète la Chine, affirme L'Opinion, un point de vue repris par La Croix, qui titre La Chine inquiète du ton de Donald Trump et poursuit en pointant le « ton menaçant » de la presse chinoise en réaction à ces provocations, avant de conclure très justement que le milliardaire aux formules à l'emporte-pièce semble confondre marchandage commercial et négociations diplomatiques.

La presse démocratique, habituée à trancher de façon manichéenne entre les « gentils » et les « méchants » se perd un peu alors que sa bête noire Trump vitupère contre son autre bête noire, la Chine. L'Express se fend même d'une petite moquerie en relevant la faute d'orthographe, grossière il est vrai, du président-élu alors qu'il dénonçait la Chine au sujet du drone sous-marin américain qui s'était montré un peu trop curieux en mer de Chine méridionale avant de finir dans les filets de la marine chinoise. « Un geste sans président » a-t-il tweeté, avant de rectifier son erreur. Unpresidented, un néologisme promu « invention linguistique de l'année » par le Guardian.

Seule Jeune Afrique prend clairement le parti de la Chine en suggérant à Donald Trump de prendre la mesure des risques qu'il fait prendre aux relations sino-américaines (En provoquant la Chine, Donald Trump sait-il ce qu'il fait ?), soulignant cependant qu'on a apprécié du côté chinois la nomination au poste d'ambassadeur d'un ami de longue date de la Chine et du président Xi, geste qui devrait faciliter le dialogue bilatéral.

Après un round d'observation, suivi d'une phase de grande indulgence envers ce « débutant en politique », la presse chinoise considère que la plaisanterie a assez duré et réagit avec fermeté aux rodomontades du 45e président. Dans un récent éditorial, le Quotidien du Peuple conseille de ne pas voir seulement dans ces tweets l'inexpérience ou la naïveté.

« Certains disent que M. Trump n'a pas d'expérience en diplomatie ou en affaires militaires (... ) en réalité, ce sont ses propres positions », et elles sont « incompatibles avec la logique fondamentale des relations sino-américaines ». Plus direct, China Daily cite des hauts fonctionnaires chinois énumérant les mesures que pourrait prendre la Chine, « principal détenteur de bons du Trésor » et « premier marché d'exportation pour l'agriculture américaine », entre autres. À cette énumération qui pointe les faiblesses d'une superpuissance qui a multiplié les imprudences, laissé s'empiler de dangereux déficits, reste embourbé dans plusieurs aventures militaires, où l'élection du candidat populiste souligne les tensions raciales exacerbées et un contrat social en lambeaux, on ne peut s'empêcher de se demander : la Chine adopterait-elle vis-à-vis de l'Amérique de Donald Trump ce principe de Sun Tzu ? « N'interromps pas un adversaire en train de commettre une erreur fatale. »

 

 

La Chine au présent

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