CHINAHOY

28-December-2016

Le Nouvel An chinois était passé par là...

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Elle nous refait le coup chaque année. Dans son empressement à chercher des signes avant-coureurs d'un effondrement de l'économie chinoise, la presse démocratique s'emmêle régulièrement les crayons. Des comparaisons janvier-janvier ou février-février pointent une chute catastrophique de la production industrielle chinoise. Bien sûr, c'est dû à Chunjie, la fête du Printemps appelée chez nous le Nouvel An chinois, qui tombe selon les années en janvier ou en février. Cette année encore, guettez les titres et les analyses apocalyptiques de saison. Les experts de la Chine arborent leur mine préoccupée.

L'année dernière, le Nouvel An chinois était salué comme il se doit par un feu d'artifice d'articles alarmistes. Chine : le grand ralentissement, titrait Alternatives économiques en février 2016, se demandant « risque-t-elle d'entraîner dans sa glissade tous ceux qui font des affaires avec elle ? » Jamais en retard d'un titre catastrophiste, Le Point avait ouvert le feu en janvier, titrant Détérioration de l'activité industrielle dans la deuxième économie mondiale. À en croire l'hebdomadaire souvent fâché avec les chiffres, « les exportations du géant asiatique, première puissance commerciale de la planète, ont reculé le mois dernier de 11,2 % sur un an (...) L'ampleur du plongeon a pris de court les marchés », en oubliant de mentionner, bien entendu, l'importance du facteur saisonnier. Même son de cloche dans Le Monde le mois suivant : « En février, les exportations de la Chine ont en effet baissé de 25,4 % par rapport au même mois de 2015, ont annoncé, mardi 8 mars, les douanes chinoises » sans mentionner, évidemment, la fête du Printemps. Le mensuel helvétique Bilan, qui se proclame « la référence suisse de l'économie » fait le même constat, quasiment mot pour mot, avant de se lancer dans une analyse détaillée des causes. Qui sont bien sûr « l'affaiblissement du commerce international » et « le vif ralentissement économique chinois ». Libération titre carrément L'économie mondiale au bord du gouffre et attribue bien entendu « la faute à la Chine, qui a moins besoin de carburant pour faire tourner une économie en (nette) baisse de régime ». La presse économique n'est pas en reste, comme Investir Traders, qui pointe « l'indice PMI manufacturier à son plus bas depuis huit mois » en février, tandis que Les Échos notent « un recul de 25,4 % par rapport à février 2015 », ces derniers précisant tout de même du bout des lèvres que les vacances annuelles pourraient ne pas être étrangères à ce plongeon spectaculaire.

Spectaculaire : pour de nombreux Chinois, Chunjie est la seule occasion de l'année pour se retrouver en famille, et pour cela ils sont prêts à traverser tout le pays en train, en avion, en voiture ou en bus. Un engouement qui conduit de nombreuses entreprises à tout simplement fermer annuellement pendant une à trois semaines, voire un mois, en attendant que les festivités se terminent.

L'importance du Nouvel An chinois est comparable à celle des fêtes de fin d'année en Europe. Pourtant, il ne vient à l'idée de personne de comparer les chiffres du PIB et de l'emploi de janvier avec ceux de décembre pour constater une baisse catastrophique des ventes ou au contraire un accroissement spectaculaire de l'activité salariée...

Cette année, le Nouvel An chinois tombe le 28 janvier. On peut donc s'attendre à 4 ou 5 jours travaillés en moins en janvier par rapport à janvier 2016, soit une baisse de la production comprise entre 12 et 16 %. Gare aux manchettes alarmistes et aux gros titres apocalyptiques !

Les statisticiens ont coutume de dire : « Un résultat inattendu s'explique le plus souvent par une simple erreur de méthodologie. » Ils devraient ajouter : « Surtout lorsqu'on parle de la Chine. »

 

La Chine au présent

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