CHINAHOY

28-December-2016

Empereur Yongle des Ming (1402-1424)

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Le prince Zhu Di était peut-être le quatrième fils de l'empereur des Ming Hongwu, donc pratiquement exclu de la succession, mais il avait la trempe des meneurs d'hommes. Dès la fin de sa formation à la cour impériale qui se trouvait alors à Nanjing, il fut envoyé par son impérial papa dans la région de Beijing (qui s'appelait alors Beiping, la « paix du Nord ») combattre les Mongols qui menaient sans cesse de dangereuses incursions sur un territoire qu'ils considéraient comme leur.

En dix ans passés à combattre les Mongols dans les plaines et les montagnes du Nord, il gagna deux choses : le titre de « Prince de Yan » (c'est le nom de la province qui entourait alors Beiping) et une soif de pouvoir, de commandement, une ambition insatiable pour lui-même et son pays.

Or voilà qu'en 1398, alors qu'il est déjà âgé de 38 ans et au sommet de sa puissance militaire, il apprend deux nouvelles, une bonne et une mauvaise. La bonne, c'est que son père Hongwu vient enfin de décéder, laissant le trône vacant. La mauvaise, c'est que son neveu Jianwen (« Le Lettré ») a été sacré à sa place. Son sang ne fait qu'un tour : ce n'est pas son binoclard de neveu qui va conduire les affaires de l'empire, tout de même ?

Oubliant un instant les Mongols, il dirigea son armée vers le Sud, à Nanjing, où il conduisit le siège de la cité impériale. Batailles, incendies, il lui faudra pas moins de quatre ans pour se saisir du pouvoir et monter sur le trône. En 1402, on le considère comme un usurpateur qui n'a pas hésité à enfreindre la volonté paternelle ni à faire la guerre à son propre neveu pour enfiler l'habit jaune. Mais son habileté politique, son ambition et son charisme allaient bientôt faire taire les envieux.

Persuadé que tous les complots, révoltes et autres cabales ne sont que le fruit du désœuvrement, il a une idée de génie : mettre tout le monde au travail, chacun suivant ses goûts et ses compétences. Les intellectuels, il les attèle à une œuvre monumentale : la grande Encyclopédie. Les soudards et les sabreurs, il les envoie « pacifier le Sud », c'est-à-dire consolider l'emprise des Ming sur l'empire, et enfin les aventuriers, sous la direction de son fidèle eunuque Zheng He, se préparent à partir explorer les mers et les océans.

Bientôt, Nanjing, théâtre d'un affrontement familial devient Nanjing, centre de la vie scientifique et culturelle du pays. Les plus grands savants, les lettrés, affluent pour travailler à la composition de l'Encyclopédie, ce mémoire qui doit regrouper l'ensemble des connaissances humaines.

Certains croient peut-être qu'à cette époque reculée, on ne savait pas grand-chose ? Deux mille savants, en cinq ans de travail, produisent un monument de l'érudition inégalé à ce jour. 11 000 tomes, 500 millions d'idéogrammes, 40 mètres cubes de papier, avec des articles sur tout, de l'agriculture à la zoologie, en passant par l'astronomie, la géographie, l'histoire, les mathématiques et les sciences naturelles... L'immensité de l'œuvre fait qu'on n'a jamais pu l'imprimer avec les planches de bois gravées de l'époque. Il en a donc été réalisé cinq copies seulement, à la main, qui ont toutes été perdues au cours des siècles. Seule une poignée de centaines de volumes ont traversé les incendies, inondations, guerres et vandalismes pour se retrouver conservés précieusement et bientôt numérisés et mis en ligne dans la bibliothèque de Beijing.

L'autre monument de savoir que produira l'empereur Yongle, bien après sa mort, c'est Merveilles des océans, encore une sorte d'encyclopédie ou plutôt d'atlas du monde exploré par les expéditions de Zheng He. C'est un certain Ma Huan qui accompagna l'« Amiral de la mer océane » dans ses trois dernières expéditions et qui dirigea cet ouvrage où étaient cartographiées toutes les découvertes faites dans l'océan Indien, dans les îles de Java et de Sumatra, en mer rouge, le long des côtes de l'Afrique, en Éthiopie... Un document dont il ne subsiste malheureusement que des fragments à ce jour.

Troisième empereur de la dynastie des Ming, Yongle commença sa carrière par un coup de force mais se révéla finalement l'un des meilleurs empereurs que le pays avait connu depuis longtemps. C'est à lui que nous devons la « Renaissance chinoise », cette explosion des sciences, des techniques et des découvertes qui précéda de plus d'un siècle la Renaissance européenne.

 

 

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