CHINAHOY

5-December-2016

Qiao Weiyue, inventeur de l’écluse

 

 

Chaque mois, La Chine au présent vous raconte l'histoire d'une invention chinoise, ancienne ou récente, absolument véridique ou un peu romancée, et de son auteur. Ces personnages qui ont fait la Chine et le monde tels que nous les connaissons aujourd'hui...

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Tout le monde connaît la Grande Muraille de Chine mais peu de gens connaissent un autre ouvrage bien plus important qui lui est presque contemporain : le Grand Canal. S'il a aujourd'hui perdu de son importance logistique, il reste navigable et classé au registre du Patrimoine mondial de l'UNESCO.

C'est au cours de la dynastie Sui (581-618) qu'il fut décidé de relier entre elles différentes sections de canaux de navigation et d'irrigation depuis Hangzhou dans le Sud-Est jusqu'à Beijing. Ce fut l'un des ouvrages d'art les plus importants d'un point de vue historique, puisqu'il permit, et permet encore, à la navigation fluviale de passer du fleuve Yangtsé au fleuve Jaune, et surtout de relier la capitale du Nord aux provinces du Sud, sur une longueur à peine croyable de 1 776 km. Contrairement aux royaumes européens qui allaient connaître un développement maritime et se concurrencer à l'international, le Grand Canal chinois permit le développement d'une économie nationale intégrée et florissante, et des villes de l'intérieur du pays dépassèrent en importance et en richesse les grands ports maritimes de Guangzhou ou de Quanzhou.

La ville de Bian (aujourd'hui Kaifeng) fut l'une des grandes bénéficiaires du canal. Dès le VIIe siècle, elle connut un développement foudroyant. Après une énième reconstruction, l'empereur Song Taizu décida en 960 d'en faire la capitale du pays. La ville de Bian devint ainsi Bianjing. Marchands et riches mécènes fourmillaient alors dans ce nœud du commerce fluvial qui comptait déjà 400 000 âmes. Seule ombre au tableau : les dénivelés qui empêchaient, aux alentours de la capitale, le fonctionnement optimal du canal.

À cette époque reculée, l'exploitation du canal butait sur un obstacle de taille : bien qu'on se fût efforcé d'assurer, sur toute sa longueur, un niveau d'eau aussi égal que possible pour faciliter la navigation continue des barges, il présentait pourtant une différence de niveau de 42 mètres entre son point le plus élevé (dans les montagnes du Shandong) et son point le plus bas (le niveau de la mer à Hangzhou). Il fallut donc bien, en différents points, et notamment autour de Bianjing, recourir à des écluses.

Mais les écluses de l'époque étaient rudimentaires : il s'agissait de simples barrages à vannes qui pouvaient s'ouvrir ou se fermer. Lorsqu'un navire devait changer de niveau, on ouvrait simplement la vanne, créant une vague qui emportait les navires vers le niveau souhaité, causant souvent des chocs, des dommages à la cargaison et parfois même des naufrages.

Ce problème était connu mais ne trouvait pas de solution. Fallait-il multiplier les écluses pour en réduire le dénivelé ? Coûteux. Ou bien renforcer les navires, afin qu'ils tiennent mieux le choc ? Compliqué. En 984, l'administration du canal fit venir un certain Qiao Weiyue, commissaire adjoint aux transports de Huainan et ingénieur à ses moments perdus, pour remédier à la situation dans les environs de la capitale.

En raison des difficultés du terrain, il dut dessiner et faire construire deux écluses traditionnelles situées à moins de 200 mètres l'une de l'autre. C'est en effectuant des essais sur le chantier qu'il trouva soudain la solution, simple et élégante, au problème séculaire. Les deux écluses formaient un bassin dont le niveau pouvait être sans effort adapté soit à l'amont, soit à l'aval. C'est à lui que l'on doit le principe et la réalisation d'écluses à sas semblables à celles que l'on connaît aujourd'hui. À niveau d'eau égal des deux côtés, les portes amont puis aval se ferment et s'ouvrent sans à-coup. Une ventelle pratiquée dans les portes permet à l'eau de suivre le principe des vases communiquants et de faire que les péniches et les barges s'élèvent ou s'abaissent tranquillement dans le sas pour atteindre le niveau souhaité. Génialement simple !

Il ne manquait plus que le principe des portes busquées, qui empêche l'ouverture des portes tant que le niveau de l'eau n'est pas égal des deux côtés. Cette amélioration attribuée à Léonard de Vinci viendra perfectionner, cinq cents ans plus tard, l'écluse de Qiao Weiyue.

 

 

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