CHINAHOY

2-December-2016

Ces Nouvelles Routes de la Soie qui inquiètent l’Occident...

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

1 400 milliards de dollars d'investissements, 64 pays partenaires : l'entreprise la plus ambitieuse actuellement en cours. Son but est de lier l'océan Indien, la mer Rouge, le golfe Persique, le canal de Suez et la mer Méditerranée. Les Nouvelles Routes de la Soie concernent près de 4 milliards de citoyens, veulent faire décoller enfin l'Asie centrale et renouer avec le commerce eurasiatique de la Renaissance. Comme à son habitude, la presse occidentale fait la fine bouche. Le plus souvent elle boude l'information, qui pourtant est de taille.

Si on la mentionne au détour d'un article, c'est pour en faire un simple « slogan » ou un « thème de propagande ». La Chine tisse sa route de la Soie, titre L'Obs au-dessus de l'article de Pierre Haski, qui insinue fielleusement que l'initiative chinoise ne vise qu'à « gagner de nouveaux ''amis'' utiles », achetés à coups de milliards de dollars. Dans la même veine, Les Échos publient une tribune du célèbre penseur américain Francis Fukuyama Une OPA de la Chine sur le monde qu'il voit riche en menaces et en catastrophes potentielles. « La forme de gouvernement autoritaire de la Chine acquerra un immense prestige avec des répercussions négatives considérables pour la démocratie dans le monde », prophétise ainsi l'auteur de La fin de l'histoire. Any Bourrier, de RFI, voit les choses de façon plus originale mais non moins négative : à en croire sa Chronique Asie, le monde entier aurait, depuis les années 1950, voulu et préparé cette renaissance des Routes de la Soie, et c'est la Chine qui entendrait aujourd'hui profiter seule de l'effort commun. La Chine à la conquête des Nouvelles Routes de la Soie titre quant à lui Le Figaro, s'efforçant de donner un sens agressif, voire militariste, à cette initiative qui cacherait selon lui « une politique agressive qui bouscule la diplomatie régionale ». Le Monde enfin considère que l'initiative annoncée par la Chine ne vise qu'à « accroître son influence sur le Kazakhstan et les pays d'Asie centrale et mieux contrôler ses exportations vers l'Europe ». Le « journal de référence », qui naguère se moquait des investissements chinois dans la « ville fantôme » de Khorgos, en Mongolie intérieure, y voit désormais le futur « centre névralgique de la mondialisation ». Non sans faire mine de s'inquiéter de ce que les « rails serpentent dans le désert, avant de s'arrêter abruptement à la frontière ». Pour Valérie Niquet, dans ce même journal, il s'agit d'un « nouveau mythe », d'un « miroir aux alouettes ».

Des lazzis et des quolibets qui sonnent creux lorsqu'on observe les tentatives désespérées des pays occidentaux de s'assurer un strapontin dans cette initiative qui progresse irrésistiblement : les pays européens, sentant le vent tourner, s'empressaient voici un an de sauter à bord du projet de l'AIIB, et les Américains, fidèles à leur diplomatie de la canonnière, s'efforcent depuis des années d'encourager, voire de créer de toutes pièces, conflits et séparatismes locaux dans les pays bénéficiaires et partenaires.

Et pourtant, la coopération au lieu du conflit, l'ambition collective au lieu du chacun-pour-soi, la construction et la jouissance partagée d'infrastructures transnationales, n'est-ce pas ce que chacun souhaite ? Ne devrait-on pas s'enthousiasmer, au lieu de se moquer, de cette volonté de la Chine de prendre les devants pour réunifier le continent ?

Les Nouvelles Routes de la Soie pourraient enfin donner une réalité économique à l'Eurasie, ce continent artificiellement partagé en deux par des géographes coloniaux plus préoccupés d'anthropologie que de géographie.

Un exemple à méditer pour un Occident complètement paralysé par la paranoïa, focalisé sur des « menaces à éradiquer » qui se renouvellent sans cesse comme les têtes de l'hydre. 1 400 milliards de dollars : c'est le budget du projet « une Ceinture et une Route ». C'est aussi à peu près ce qu'a coûté l'opération américaine de destruction de l'Afghanistan et de l'Irak en représailles du 11 septembre 2001.

Vaut-il mieux construire ou détruire ? La Chine a tracé la route, il s'agit maintenant de la construire.

 

La Chine au présent

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