CHINAHOY

29-September-2014

Le miracle de Shihezi

 

La récolte des piments à Shihezi.

 

Un jeune Congolais nous raconte son séjour au Xinjiang et nous fait part de ses impressions.

ANTOINE ROGER LOKONGO*

J'ai toujours eu envie d'aller au Xinjiang !

Mes connaissances sur cette contrée étaient très limitées auparavant. Tout ce que je savais, c'est que le Xinjiang est une région autonome située dans le Nord-Ouest de la Chine où cohabitent plusieurs ethnies, dont les Hans, les Ouïghours, les Kazakhs, les Mongols, les Tibétains, les Tadjiks, les Hui, les Kirghiz, etc. La majorité de ces ethnies sont de confession musulmane. Et puis, j'étais capable de citer la capitale du Xinjiang : Ürümqi.

En chinois, Xinjiang signifie « frontières nouvelles » ; le caractère 疆 (jiang) est d'ailleurs à l'image de la géographie de cette région traversée par trois chaînes de montagnes majestueuses : l'Altaï au nord, Tianshan au centre et la cordillère du Kunlun au sud. Au nord et au sud de Tianshan s'étirent deux plaines, à savoir respectivement le bassin semi-désertique de la Dzoungarie et l'immense désert du Taklamakan. Mais outre ces vastes étendues arides, le Xinjiang abrite encore des oasis et des sommets qui en font l'un des plus beaux endroits de la planète. Par ailleurs, cette terre recèle de ressources pétrolières et minières.

Cet été, j'ai eu la chance de partir au Xinjiang avec un groupe d'étudiants chinois, égyptiens, zimbabwéens, américains et allemands, pour y découvrir les projets agricoles établis par le régiment n°150 du Corps de production et de construction du Xinjiang. En effet, il y a près de 60 ans, l'Armée populaire de Libération avait mis en culture cette zone aride et accompli le miracle de transformer le désert en terres arables, donnant même naissance à une ville : Shihezi. Aujourd'hui, cette ville pleine de dynamisme occupe une place centrale dans l'économie du pays.

Des expériences originales

Pour éprouver les difficultés rencontrées par le régiment au moment de la construction de Shihezi, nous avons participé à un grand nombre de travaux agricoles totalement nouveaux à nos yeux. Par exemple, nous avons appris à développer l'agriculture intensive au beau milieu de dunes de sable ; nous avons pris part à une course à l'économie d'eau ; nous avons suivi une formation pour savoir comment traverser les canyons et escalader les montagnes ; nous nous sommes entraînés à allumer un feu, à faire rôtir un mouton, à monter une tente dans le désert ; nous avons appris à fabriquer des briques d'adobe, à retourner la terre à la charrue ou à produire du lait de soja. Je n'avais jamais vécu dans le désert auparavant ; il n'y en a pas dans ma patrie qu'est la République démocratique du Congo. C'était la première fois de ma vie que je participais à ce genre d'activités particulièrement plaisantes.

Un vieil homme qui avait pu observer en son temps l'édification de Shihezi nous a amenés visiter une base agricole située dans un pâturage à l'ouest de Shihezi et nous a raconté comment les gens vivaient à l'époque. Leurs conditions de vie s'avéraient très rudimentaires, ce qui nous a profondément touchés. Ils habitaient dans des grottes ou tout au mieux, dans de misérables bâtisses en adobe. Ils utilisaient des outils tout aussi primitifs pour défricher les terres. Mais à ma grande surprise, j'ai remarqué que les paniers en osier que portaient certaines femmes étaient tressés exactement de la même façon que dans mon village natal, et comme chez moi, ils servaient souvent de couffins. Voyant à quel point l'art et la culture de là-bas étaient proches de ce qui peut se trouver en Afrique, je m'étais tout à coup senti comme à la maison.

Nous avons également arpenté le Musée de défrichage de l'armée, qui décryptait toute l'histoire de ce processus à compter de 1952. On nous a présenté les méthodes modernes de traite particulièrement efficaces, ainsi que les nouvelles techniques de micro-irrigation. Nous avons également pris soin de bœufs, nettoyé leurs enclos, pêché et cherché des pierres précieuses dans la rivière de Shihezi, cueilli des fruits et préparé le repas (entre autres, des pizzas).

C'est une très bonne chose qu'étudiants chinois et étrangers puissent ensemble prendre part à ce type d'évènement. Cela permet de renforcer la compréhension entre les jeunes étudiants de tout continent. Les jeunes sont l'avenir du monde. Ainsi, le respect et la compréhension mutuelle entre jeunes de divers pays promouvront certainement la paix et le développement à travers le monde.

 

Antoine Roger Lokongo et les autres étudiants étrangers font l'expérience du travail agricole dans une plantation.

 

Amoureux du Xinjiang

Au Xinjiang, l'été est aussi torride qu'en Afrique. Mes moments préférés de la journée là-bas étaient donc le lever et le coucher du soleil, à couper le souffle. Et à 21 h, il faisait encore jour !

Quant aux plats du Xinjiang : exquis ! J'adore le mouton et le dapanji (un mélange de pommes de terre et de poulet). Les fruits y étaient aussi juteux et succulents.

D'ailleurs, nous avons cueilli des pêches dans une plantation, puis essayé de les vendre sur le bord de la route. Un Africain, un Allemand et une Américaine qui vendent des pêches dans la rue au Xinjiang… Insolite, n'est-ce pas ? Moi, je n'ai vendu qu'une seule pêche à un yuan seulement, alors que ma camarade américaine a récolté un pactole de 70 yuans. « Les jolies demoiselles attirent la clientèle ! » ai-je plaisanté. Le pire, c'est que notre pauvre ami allemand n'avait de son côté pas vendu la moindre pêche.

Alors que nous nous promenions un soir à proximité de notre hôtel, nous avons vu des femmes et des hommes d'un certain âge se rassembler sur une place et se mettre à danser de façon étrange. Nous avons tenté de suivre leurs pas. C'était chouette de se mêler à eux pour ensemble danser dans la joie et la bonne humeur.

Cette scène avait attisé mon intérêt pour la musique du Xinjiang. Par la suite, j'ai décidé d'acheter deux compilations CD de morceaux locaux, au prix total de 220 yuans. Aussi, le dernier soir de notre séjour, nous sommes retournés dans le désert, où une troupe artistique a présenté des danses locales et nous a conviés à se joindre à elle. Nous avons aussi été invités à entonner un chant ou à donner une performance en lien avec notre pays natal. « J'aime la Chine, j'aime le Congo ; les Chinois, les Africains, les Américains, les Zimbabwéens, les Allemands, les Égyptiens…sont tous des amis » : ainsi se résumaient les paroles de ma chanson.

Des expériences dont l'Afrique devrait s'inspirer

Les progrès qui ont été réalisés à Shihezi dans l'agriculture et d'autres secteurs sont de nos jours évidents. Un miracle vers l'autosuffisance accompli grâce aux efforts inlassables de plusieurs générations. Bien que la majorité des pays africains aient acquis leur indépendance il y près de 60 ans, ils sont loin de compter autant de réalisations ! J'estime que les armées africaines devraient elles aussi entreprendre des projets agricoles et bâtir des usines, plutôt que de se livrer des combats entre elles, parce que nos ennemis communs se nomment la pauvreté et le retard de développement.

J'ai d'ailleurs été ravi d'apprendre que la SARL Tianye Drip Irrigation, dont le siège se trouve à Shihezi, a déjà commencé à transférer ses nouvelles technologies de micro-irrigation vers de nombreux pays africains, comme la Namibie, l'Angola ou le Zimbabwe. Ainsi, dernièrement, la production céréalière au Zimbabwe a enregistré une hausse de 85 % !

Les Africains saluent les théories chinoises en matière le développement et les embrassent même, car le développement et le transfert technologique sont bien ce dont l'Afrique a le plus besoin. Les pays africains pourront alors exploiter et transformer eux-mêmes leurs ressources naturelles, pour créer des emplois et étendre le marché local. Mais entre-temps, les États-Unis établissent des bases militaires partout en Afrique, bien que ce ne soit pas au goût de la population africaine. En réalité, sous le couvert de l'aide militaire, les États-Unis cherchent à s'accaparer les ressources naturelles et minérales de certains pays africains, et par leurs manœuvres, incitent des nations à s'opposer à d'autres sur ce continent.

Pour conclure, je tiens à souligner que le Xinjiang est une région jouissant d'une position géographique stratégique, puisque, à nouveau, elle joue le rôle de pont reliant la Chine à l'Eurasie et au Moyen-Orient, comme il y a 2 000 ans. Le président Xi Jinping a en effet proposé la création de la ceinture économique de la nouvelle Route de la Soie, qui reliera la Chine et l'Asie centrale, une ceinture dont le Xinjiang constituera un important nœud.

 

*ANTOINE ROGER LOKONGO est doctorant au centre d'études africaines de l'Institut des études internationales relevant de l'université de Beijing.

 

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