CHINAHOY

17-February-2013

Le monde a besoin du « rêve chinois »

WU JIANMIN*

Les rêves de chacun des Chinois ont contribué à l'essor fulgurant qu'a connu le pays au cours de ces trente dernières années. Quel est le « rêve chinois » aujourd'hui ? C'est la question que doit se poser inlassablement le monde, pour mieux comprendre la Chine.

De 2006 à 2008, l'Institut de diplomatie de Chine, dont j'étais le président à l'époque, a organisé, en partenariat avec l'Université des langues étrangères de Beijing, l'Université des langues étrangères de Tianjin et l'Université des langues de Beijing, un séminaire ayant pour thème « Rêve chinois et harmonie dans le monde ». Chaque année, y participaient des personnes de tous milieux professionnels, hauts fonctionnaires, scientifiques, entrepreneurs, travailleurs ordinaires, professeurs, étudiants, ainsi que des étrangers. Ils s'asseyaient autour d'une table et décrivaient leur propre vision du rêve de la Chine et les efforts qu'ils déployaient personnellement pour y parvenir.

À l'issue de chaque session, je discutais avec mes élèves qui y avaient pris part. Tous déclaraient que les expériences des orateurs les avaient inspirés. Une telle inspiration est plus que nécessaire face à la conjoncture nationale et internationale actuelle. Il convient dès lors d'apprendre à mieux appréhender le « rêve chinois ».

La capacité de rêver est un bien commun à l'humanité et chaque peuple dans le monde possède ses propres aspirations. Pour la Chine, à l'époque révolutionnaire, son rêve national consistait à sauver le pays de l'occupation étrangère et de la destruction due à la guerre, pour ensuite établir un pays indépendant, fort et démocratique. De nombreux Chinois patriotes ont risqué, et même, sacrifié leur vie pour cette cause. La puissance d'un rêve partagé ne doit pas être sous-estimée.

Aujourd'hui, nous entretenons des aspirations différentes. La Chine a connu un développement spectaculaire au cours des trois dernières décennies, depuis la réforme et l'ouverture, essor qui n'a été possible que par la somme des efforts de tous ses citoyens. Poursuivre un rêve est un processus à la fois doux et amer. Il faut faire preuve d'une forte volonté et éprouver un dur labeur, parfois au coût de sa santé, voire de sa vie. Mais la fierté et la satisfaction d'atteindre enfin la ligne d'arrivée et de remporter le trophée nous comblent nécessairement de joie.

Cependant, nous devons faire face à une réalité incontournable : la culture de l'argent s'est glissée à tous les niveaux de notre société. En conséquence, la Chine est confrontée à trois crises qui concernent la confiance, l'honnêteté et la crédibilité. Si l'intérêt matériel prend le dessus sur tout, les effets en seront désastreux pour la société.

À mon avis, le « rêve chinois » revêt trois caractéristiques marquées.

Premièrement, il s'agit du rêve de 1,3 milliard de personnes. Dans l'émergence de la Chine, il faut voir l'émergence de la plus nombreuse population qu'un pays n'ait jamais comptée dans l'histoire de l'humanité. La politique de réforme et d'ouverture que mène la Chine laisse à tous ses citoyens un grand espace pour qu'ils puissent réaliser leurs rêves. En dépit des écarts de richesse et des disparités entre les agglomérations urbaines et les régions rurales, globalement, le niveau de vie du peuple chinois à travers l'ensemble du pays est bien meilleur qu'il y a trente ans. Ces changements résultent de la mise en place de politiques appropriées, mais aussi de la puissance générée par le rêve de 1,3 milliard de personnes.

Deuxièmement, ce rêve s'est infiltré dans les moindres recoins de la société. Construire une nation moderne exige des contributions venant de tous les horizons. Selon un vieux proverbe chinois, « chaque métier dispose de son élite. » En Chine, beaucoup de héros, pourtant inconnus, ont accompli un excellent travail dans l'exercice de leurs fonctions. Ils ont réalisé leurs propres rêves en fournissant des efforts constants.

Troisièmement, ce rêve est ouvert sur le monde. Depuis la mise en œuvre de la réforme et de l'ouverture, les étrangers ont afflué en Chine, à la recherche d'opportunités commerciales, d'un emploi ou tout simplement, pour eux aussi suivre leurs propres rêves. La Chine les accueille, car elle poursuit un développement inclusif favorable à une coopération mondiale et avantageux pour tous. La Chine ne peut parvenir à un développement sain sans collaborer avec le reste du monde. Le concept « gagnant-gagnant » constitue la pierre angulaire d'un partenariat international durable. La Chine doit partager ses aspirations avec le monde. En ce sens, le « rêve chinois » fait partie intégrante du rêve de toute l'humanité.

Ce « rêve chinois » peut différer d'un habitant à un autre. Quel que soit son contenu, il me semble que chacun doit se comporter dignement et faire le bien autour de soi, en faveur de la société, de son pays et du monde. Tout emploi légitime a sa raison d'être et reflète une demande dans un service en particulier. Bien qu'un travail puisse paraître banal, chacun doit prendre conscience de l'honneur qu'il est de l'exécuter et déployer tous les efforts nécessaires pour améliorer ses performances.

Le monde a lui aussi besoin du « rêve chinois ». Aujourd'hui, la montée de la Chine a suscité l'inquiétude et la peur de certains pays. Ils n'osent imaginer ce qu'un si grand pays pourrait faire quand il sera surpuissant. Il est donc important pour eux de connaître et de comprendre les aspirations personnelles du peuple chinois qui constituent ce rêve chinois.

Les peuples du monde entier ont beaucoup en commun. Découvrir la vie quotidienne des Chinois ainsi que leurs expériences dans la poursuite d'un rêve passé peuvent leur permettre de nouer des liens plus étroits avec la Chine et leur faire comprendre que tout comme eux, les Chinois font des plans pour l'avenir. Cela pourrait apaiser la méfiance et l'hostilité d'autres pays envers l'émergence de la Chine.

Lors de ma rencontre avec Joshua Cooper Ramo, directeur général de Kissinger Associates, je l'ai informé de la tenue de la 3e session de « Rêve chinois et harmonie dans le monde ». Il a hautement apprécié le séminaire et a rédigé par la suite un article sur le sujet pour le journal Newsweek. Il partage l'avis que le monde a besoin de connaître la Chine, et que le discernement du « rêve chinois » peut contribuer à cette mission.

Aujourd'hui, l'Asie, et plus particulièrement l'Asie de l'Est, est devenue le centre de croissance économique mondiale. Les pays dans ces régions ont brillé par l'instauration de la paix au niveau régional et d'un contexte favorable à la mondialisation, en menant des réformes économiques orientées sur le marché et en réglant convenablement les conflits.

Depuis le XVIIIe Congrès national du PCC, la Chine entre dans une nouvelle phase de développement. Les dix prochaines années seront tant cruciales pour la Chine que pour le monde. La planète doit connaître le « rêve chinois », mais la Chine a également besoin que les autres pays soient informés de son rêve, parce qu'elle ne pourra pas l'accomplir en étant repliée sur elle-même. Le soutien et la coopération du monde sont nécessaires à la réalisation du « rêve chinois ».

*WU JIANMIN est professeur à l'Institut de diplomatie de Chine et membre de l'Académie européenne des sciences.

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