CHINAHOY

17-February-2013

Une percée dans l’exploration des fonds marins

 

ZHU HONG, membre de la rédaction

 

Du 3 juin au 16 juillet 2012, Jiaolong (fabuleux dragon des mers), le submersible des abysses de fabrication chinoise, a réussi à accomplir six plongées dans la Fosse des Mariannes, atteignant même lors d’une de ces plongées la profondeur de 7 062 m sous la mer. Auparavant, seuls quatre pays possédaient de tels sous-marins habités : les États-Unis, le Japon, la France et la Russie.

 

L’avance technologique chinoise

 

À 7 000 m sous la mer, Jiaolong doit subir une pression de 7 000 tonnes par mètre carré, mais cela ne l’a pas empêché d’effectuer une série de manœuvres : d’assumer différentes positions, de prendre des photos des paysages sous-marins, de prélever des échantillons de sédiments, de minéraux et d’espèces vivantes marines, de disposer des balises au fond de la mer, de réunir des données et des informations précieuses, enfin, de communiquer en temps réel avec la station à terre et même avec les astronautes dans l’espace. Cela signifie que le submersible chinois est désormais capable de fonctionner dans 99,8% des zones maritimes du monde.

 

En 2002, la Chine a officiellement mis en place un projet de recherches sur un engin sous-marin capable de descendre à 7 000 m de profondeur. Avant cela, les submersibles habités chinois ne pouvaient atteindre que 600 m de profondeur.

 

Selon Xu Qinan, ingénieur en chef du submersible habité Jiaolong, le projet a été entièrement réalisé par des ingénieurs et des techniciens chinois, et les technologies clés, comme la structure résistante à la pression, le système de survie en eau profonde, la communication acoustique à distance sous la mer ou le système de contrôle, sont aussi de facture chinoise. Même l’assemblage final et la plongée d'essai ont été accomplis par les techniciens chinois de manière indépendante.

 

Selon Xu Qinan, Jiaolong possède trois atouts que les autres submersibles habités ne possèdent pas. D’abord, il est capable de naviguer en mode automatique près du plancher océanique et peut ainsi facilement chercher et localiser sa cible sous la mer. Si l’on se réfère aux publications existantes, les submersibles habités des autres pays ne possèdent pas encore cette fonction. La technologie de communication acoustique sous-marine de Jiaolong est son deuxième point fort. Celle-ci a été élaborée par l’institut acoustique de l’Académie des Sciences de Chine. Avec cette technologie, toutes les informations, acoustiques, visuelles, et autres, peuvent être transmises au vaisseau-mère, et ce dernier peut aussi transmettre des informations à Jiaolong. Là aussi, la plupart des submersibles habités du monde n’ont pas cette technologie. Enfin, troisième avantage, Jiaolong porte des batteries argent-zinc de grande capacité : plus de 110 kWh. Celles-ci ont été conçues par la Chine. C’est à l’heure actuelle la capacité maximale au monde. Le Japon utilise des batteries de 86 kWs et la France et les Etats-Unis, de 50 kWs. Seules les batteries russes peuvent soutenir la comparaison avec la Chine.

 

Maîtriser les technologies essentielles

 

Xu Qinan poursuit : « Actuellement, 60 % des équipements de Jiaolong est fabriqué par la Chine, le reste ayant été acheté à l’étranger. Bien qu’on ait utilisé des technologies avancées des pays étrangers, la Chine maîtrise désormais la conception, les technologies, et elle possède l’expérience nécessaire à la fabrication des autres modèles de submersible. »

  

Xu en veut pour preuve le fait que : « Jiaolong possède sept propulseurs, qui ont été commandés auprès d’une entreprise américaine. Mais après avoir reçu ces propulseurs, on a eu beaucoup de problèmes. On a alors demandé à cette entreprise de les améliorer. Mais après une réparation, l’entreprise en question a refusé de remédier aux autres problèmes. Dans cette situation-là, la Chine a dû commencer immédiatement à chercher à résoudre ces problèmes par elle-même. Maintenant, la Chine est parvenue à obtenir un niveau de bruit des propulseurs plus bas que celui de ses concurrents américains. »

 

Un autre exemple : « on voulait d’abord utiliser le transducteur acoustique sous-marin des États-Unis, mais il y a eu des problèmes lors des essais. On a alors renvoyé le produit aux États-Unis pour réparation mais le gouvernement américain, qui ne veut pas que des technologies sensibles soient transférées en Chine, a empêché son retour. Donc on a perdu ce produit, et les ingénieurs chinois ont dû entamer des recherches pour fabriquer un produit de haute qualité, en se basant sur un modèle de transducteur sous-marin pour une profondeur de 500 m seulement. Heureusement, ils ont réussi. »

 

Quant à la cabine habitée de Jiaolong, sauf la trappe d’accès de la cabine, qui a été co-dessinée par des ingénieurs chinois et russes, elle a été entièrement dessinée par des ingénieurs chinois. À cette époque-là, la technologie de moulage et de soudage de plaques en un alliage de titane n’était pas bien développée en Chine. Il avait donc été demandé à un chantier naval de Russie d’en fabriquer, et un institut russe avait aidé à faire des tests de pression. Maintenant, les Chinois ont réalisé de grands progrès dans le traitement de plaques en un alliage de titane, ils peuvent donc désormais aussi fabriquer des cloisons de submersibles habités de bonne qualité.

 

Xu Qinan explique : « Au début, les recherches sur les submersibles en Chine en étaient à un stade rudimentaire. Les pays étrangers bloquaient tous les transferts de technologie à la Chine, et on a rencontré beaucoup d’obstacles lors de l’achat des pièces du submersible. D’après moi, à travers le projet Jiaolong, on a déjà appris à maîtriser les technologies essentielles pour les submersibles. »

 

« Maintenant, de plus en plus de pays étrangers ont demandé à coopérer avec la Chine. » Liu Feng, commandant en chef lors de la plongée d'essai du sous-marin Jiaolong, nous explique : « Auparavant, il était difficile de visiter un submersible à l’étranger, même ceux qui n’étaient pas équipés de technologies de pointe. On voulait apprendre des autres pays, mais l’écart technologique était vraiment énorme, c’était un peu comme si un enfant voulait converser directement avec des professeurs d’université. »

 

Rattraper les pays développés

 

Évoluer à une profondeur de 7 000 m n’est pas le but final de Jiaolong. En fait, Jiaolong possède des fonctions pour l’exploration sous-marine, la détection et la pêche des objets pélagiques suspects, et pour la recherche de créatures des fonds marins. Dans les trois ou quatre prochaines années, Jiaolong devra exécuter différentes tâches comme amener un ou deux scientifiques en Mer de Chine méridionale ; y faire des explorations sur le plancher océanique du bassin abyssal à une profondeur de 4 000 m ; observer et faire des recherches sur les échantillons sous-marins ; faire des recherches sur la zone polymétalique sous-marine du Pacifique oriental ; délimiter une zone d’exploitation des abysses ; faire des recherches sur les mines de sulfure du Pacifique oriental, etc.

 

 « C’est pour mieux explorer les ressources sous-marines et mieux servir la recherche scientifique. En fait, les fruits de la recherche peuvent bénéficier à l’ensemble des peuples. » explique Liu Feng.

 

En même temps que la Chine réalisait la plongée d'essai du submersible Jiaolong, elle promouvait activement le développement de plusieurs autres projets de submersibles habités. Liu Feng détaille ainsi ces projets : « On a déjà mis sur pied un projet de recherche pour un submersible habité à 4 500 m de profondeur. Ce projet comprend la fabrication de la cabine du submersible, la fabrication de pompes à haute pression, la fabrication de piles au lithium, et les recherches sur le propulseur du sous-marin. On a prévu de terminer cette première phase du projet pour la fin de 2013. Après, on va se concentrer sur les travaux de conception et sur la fabrication de ce submersible, qui devraient être terminés en 2018 environ. Par rapport aux besoins du marché intérieur chinois, ce nouveau submersible pouvant descendre à 4 500 m de profondeur est en fait plus pratique et plus économique que celui de Jiaolong, il peut satisfaire à la plupart des demandes et économiser 40 % du coût d’utilisation. »

 

Par ailleurs, en mai 2012, la Chine a publié un plan de construction d’une station des grands fonds océaniques, qui est encore dans une phase initiale de recherche. Cette station est en fait comme un petit sous-marin, qui peut travailler une dizaine de jours d’affilée à une profondeur de 1 500 m, avec jusqu’à douze personnes à son bord. Dans ce projet, les ingénieurs font face à de grandes difficultés, et les expériences du projet Jiaolong vont leur servir de référence.

 

Enfin, pour terminer ce tour d’horizon, il faut mentionner la construction d’une autre station qui devra fournir un soutien au submersible Jiaolong. Une fois ce projet achevé, la Chine deviendra le cinquième pays qui possède sa propre station de soutien technique pour les submersibles, après la Russie, les États-Unis, la France et le Japon.

 

Et Xu Qinan de conclure : « Dans le domaine de la plongée des profondeurs, la Chine a mis du temps à démarrer, mais, par ses efforts redoublés, elle est en train de rattraper son retard. »

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