CHINAHOY

11-January-2016

Nécessité de réactualiser la zone de libre-échange Chine-ASEAN

 

Le port sous franchise douanière de Qinzhou (région autonome du Guangxi),du troisième groupe de zones de libre-échange.

 

BAI MING*

Ces dernières années, les autorités chinoises ont souligné la nécessité qu'il y a d'accélérer l'application de sa stratégie de la zone de libre-échange et ainsi de faire passer à un niveau supérieur l'ouverture du pays sur l'extérieur. C'est dans ce contexte qu'en octobre 2013, le premier ministre Li Keqiang a proposé, à l'occasion du Sommet Chine-ASEAN, de lancer des négociations en vue de rénover l'accord de libre-échange (ALE) Chine-ASEAN. Le 22 novembre 2015, la Chine et les dix pays membres de l'ASEAN ont conclu un accord à Kuala Lumpur visant à moderniser leur zone de libre-échange (ZLE).

Nécessité de réforme

La Chine est déjà signataire de 14 ALE avec 22 pays et régions, en comptant ceux conclus avec la Corée du Sud et l'Australie qui doivent entrer en application prochainement. Ces pays représentent 35 % du volume total des échanges de la Chine (le commerce Chine-ASEAN représente à lui seul 8 % du volume total du commerce extérieur du pays).

L'analyse de la liste des pays partenaires révèle quatre caractéristiques : il s'agit parfois de petits pays comme l'Islande ou le Costa Rica ; soit de pays qui affichent un excédent commercial important avec la Chine, comme par exemple la Corée du Sud ou l'Australie, où les volumes exportés vers la Chine représentent le double des importations ; certains pays plutôt pauvres comme le Pakistan peuvent difficilement négocier avec la Chine sur un pied d'égalité ; enfin dans certains cas les sentiments fraternels l'emportent sur l'accord commercial proprement dit, comme dans le cas de l'accord CEPA avec Hong Kong et de l'ECFA (Accord Cadre de coopération économique) avec Taiwan. En comparaison, l'ALE Chine-ASEAN évite dans une large mesure tous ces inconvénients.

Celui-ci a été le premier accord de libre-échange conclu par la Chine avec des pays étrangers, donnant ainsi naissance à la plus grande zone de libre-échange au monde. Cet ALE joue par conséquent un rôle majeur dans la stratégie de libre-échange de la Chine. On peut aujourd'hui constater les bénéfices substantiels qu'il a apportés : le commerce Chine-ASEAN est passé de 54,8 milliards de dollars en 2002 à 480,4 milliards de dollars en 2014, soit une multiplication par 9, tandis que les investissements croisés ont quadruplé, passant de 3,37 milliards de dollars en 2003 à 12,2 milliards de dollars en 2014. Aujourd'hui, la Chine est le premier partenaire commercial de l'ASEAN, qui lui-même est le troisième partenaire commercial de la Chine. Le montant total des investissements croisés dépasse 150 milliards de dollars. On voit que l'ASEAN occupe une place très importante aussi bien dans le commerce extérieur de la Chine que dans son portefeuille d'investissements à l'étranger.

Au moment de l'établissement de la ZLE Chine-ASEAN, les négociations de l'accord de partenariat transpacifique (TPP) ne concernaient que quatre pays : Singapour, la Nouvelle-Zélande, le Chili et Brunei. Aujourd'hui, les États-Unis, le Japon et dix autres pays sont parvenus à un accord sur le partenariat transpacifique, dont le Vietnam, Singapour, la Malaisie et Brunei qui sont en même temps membres de la ZLE Chine-ASEAN. Face à la nouvelle donne du TPP, il est urgent pour la Chine de procéder à une réactualisation de cet accord si elle veut bénéficier de ses retombées positives.

Toutes les conditions sont réunies

Il y a une douzaine d'années, alors que débutaient les négociations pour l'établissement de la ZLE Chine-ASEAN, la Chine venait à peine de rejoindre l'Organisation mondiale du commerce, et elle avait à surmonter bien des obstacles. Qui plus est, les dix pays membres de l'ASEAN se trouvaient à des niveaux de développement différents. On n'avait donc pas recherché la perfection pour ce premier accord. C'est pourquoi les négociations en vue de l'amélioration de l'accord viseront surtout à combler ses lacunes.

Actuellement le commerce Chine-ASEAN exempte 90 à 95 % des catégories de produits de droits de douane, on peut donc dire que la libéralisation du commerce de marchandises a atteint un niveau très élevé. C'est pour cette raison qu'il faut continuer d'insister sur la poursuite des mesures facilitant le commerce dans les négociations pour la remise à jour de la ZLE Chine-ASEAN : il est important de promouvoir le développement du commerce de marchandises par l'amélioration des règles d'origine et des mesures de simplification existantes.

D'autre part, le nouvel ALE s'est attaché à travailler davantage sur les détails. Par exemple, dans le commerce de marchandises, la ZLE Chine-ASEAN reste basée sur la règle d'origine qui comprend le critère du « 40 % ad valorem » avec une procédure assez compliquée de détermination du pays d'origine du produit. Afin de résoudre ce problème, les deux parties sont tombées d'accord après négociations pour appliquer le critère du « changement de classification tarifaire jusqu'au quatrième chiffre » en plus du « 40 % ad valorem », une nouvelle approche qui concernera plus de 3 000 produits. Les entreprises seront libres d'appliquer l'un ou l'autre critère, et bénéficieront donc mieux des traitements préférentiels prévus par la ZLE.

Par rapport à l'ancien ALE, le nouvel accord privilégie la promotion du commerce de marchandises tout en veillant à pallier les faiblesses du commerce des services. La Chine s'est engagée à améliorer les services dans les secteurs des travaux de bâtiment, des sociétés de Bourse, des agences de voyages et des exploitants touristiques. Les pays de l'ASEAN, de leur côté, ont promis une plus grande ouverture de quelque 70 sous-secteurs relevant de huit domaines, dont le commerce, les télécommunications, le bâtiment, l'éducation, l'environnement, les finances, le tourisme et le transport. Sur cette base, les mesures d'amélioration des deux côtés comprennent notamment : élargissement de l'ouverture à divers types de services, autorisation d'établissement de sociétés à un ou plusieurs actionnaires, assouplissement des restrictions de pourcentage des actions dans une société, élargissement des champs d'exploitation des sociétés, réduction des limitations géographiques, etc.

Aujourd'hui, l'essor du commerce électronique transfrontalier est une tendance très marquée du développement du commerce international. Conscients du rôle très important du e-commerce dans le développement économique, les négociateurs des deux parties ont intégré la coopération sur ce sujet dans le Protocole, afin de promouvoir le commerce et les investissements mutuels par le renforcement de l'échange d'informations.

Du changement quantitatif au changement qualitatif

Avant les négociations pour la mise à niveau de la ZLE Chine-ASEAN, la préoccupation libre-échangiste de la Chine privilégiait le nombre des accords de libre-échange bilatéraux. Grâce aux efforts déployés ces dernières années, la priorité est désormais d'améliorer le contenu de ces ALE.

Le Protocole de modernisation de la ZLE couvre de larges domaines, depuis le commerce des biens et des services jusqu'à la coopération économique et technique et aux investissements ; il vient donc enrichir, compléter et améliorer l'ancien accord et traduit les aspirations communes et les besoins réels des deux parties qui sont d'approfondir et d'étendre leurs relations de coopération économique et commerciale.

Désireuse de passer du statut de grand pays commercial à celui de grande puissance commerciale, la Chine applique une stratégie de libre-échange visant à élever ses capacités de répartition des ressources, sans perdre de vue sa diplomatie de bon voisinage, l'initiative « une Ceinture et une Route » ainsi qu'une vision planétaire. Après le succès des négociations d'amélioration de la ZLE Chine-ASEAN, il reste beaucoup de travail : améliorer d'autres ALE et faire aboutir, entre autres, les discussions en cours en vue de l'amélioration des ALE avec Singapour et le Pakistan, combler les lacunes des ALE avec l'Australie et la Corée du Sud concernant le commerce des services. Bien entendu, nous espérons surtout que les nouveaux ALE qui seront conclus à l'avenir traduiront, dans leurs clauses principales, l'ouverture de la Chine au commerce et aux échanges.

Ce qui comptera à l'avenir, dans l'application de la stratégie de libre échange du pays, ce n'est plus le nombre, mais la qualité des accords conclus. La modernisation de la ZLE Chine-ASEAN fournit un bon exemple à suivre.

 

*BAI MING est directeur adjoint du département du marché international de l'Académie du commerce international et de la coopération économique, relevant du ministère du Commerce.

 

 

La Chine au présent

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