CHINAHOY

1-February-2016

Tournée présidentielle au Moyen-Orient

 

Le président Xi et le président iranien Rohani, à Téhéran, le 23 janvier 2016.

 

WU SIKE*

Du 19 au 23 janvier, le président chinois Xi Jinping a effectué une visite d'État d'abord en Arabie saoudite, puis en Égypte et enfin en Iran.

Une visite qui coïncide avec le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l'Égypte. L'Arabie saoudite, l'Égypte et l'Iran sont trois pays-clé du Moyen-Orient mais aussi des partenaires indispensables à la construction des nouvelles Routes de la Soie. La Chine maintient de bonnes relations de coopération avec ces pays. Et de fait, la confiance politique mutuelle ne cesse de s'approfondir. Par ailleurs, les liens économiques se resserrent, grâce à des échanges et coopérations qui se développent dans tous les domaines. Les relations entre la Chine et les pays du Moyen-Orient ont pris un nouveau départ, et les mots d'ordre sont désormais la paix, la coopération, l'ouverture, la tolérance, l'apprentissage et l'inspiration mutuels, les avantages réciproques et le principe du gagnant-gagnant.

Le Moyen-Orient est un autre berceau de la civilisation humaine, et il est entré en relation avec la Chine dès l'antiquité. Les déserts et les mers, les chameaux et les bateaux, les épices et les soieries ont constitué les bases de cette relation. Les Routes de la Soie constituent un trait d'union culturel qui relie l'ancienne civilisation chinoise aux civilisations perse, arabe et grecque.

Aujourd'hui, la renaissance des Routes de la Soie lie à nouveau le destin de la Chine à celui du Moyen-Orient. En tant que point de jonction des Routes de la Soie terrestre et maritime, le Moyen-Orient a accueilli chaleureusement l'initiative des nouvelles Routes de la Soie, initiative qui vient compléter sa stratégie « orientale » et correspond à son besoin de réforme vers une mutation sociale.

Le renouveau des relations entre la Chine et l'Arabie saoudite

L'Arabie saoudite est la clé de l'Asie occidentale et le berceau de l'islam dont elle abrite deux hauts lieux : La Mecque et la Médina. Elle est aussi l'unique pays arabe du G20. Ces attributs font qu'elle exerce une influence importante dans le monde tant arabe qu'islamique.

Les relations entre la Chine et l'Arabie saoudite se développent rapidement depuis leur établissement en 1990. Lors de la dernière visite du président Xi, les deux pays ont publié une déclaration commune sur l'établissement d'un partenariat stratégique global, portant les relations sino-saoudiennes vers un nouveau palier. Des mémorandums d'entente ont par ailleurs été signés, visant à promouvoir la construction de la Ceinture économique de la Route de la Soie et de la Route maritime de la Soie du XXIe siècle, mais aussi la coopération sur les capacités de production. Par ailleurs, des documents ont précisé la coopération bilatérale dans les domaines de l'énergie, des télécommunications, de l'environnement, de la culture, de la navigation spatiale, des sciences et technologies. Le président Xi Jinping s'est entretenu avec Abdoulatif ben Rachid el-Zaïani, secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe, et Iyad Madani, secrétaire général de l'Organisation de coopération islamique, et les échanges de vues sur les relations entre la Chine et ces pays ont permis de dégager de larges zones d'accord.

L'Arabie saoudite occupe une des premières places dans l'économie mondiale du fait de ses exportations de pétrole. Mais elle abrite également le siège de l'Organisation de coopération islamique, reflet de son influence importante dans le monde musulman. Elle abrite également le siège du Conseil de coopération des États arabes du Golfe qui lui confère une position régionale particulière. En 2016, l'Arabie saoudite va lancer l'application de son IXe plan quinquennal qui coïncide avec le XIIIe plan quinquennal chinois. Entre la Chine qui dispose d'avantages comparatifs en matière industrielle et l'Arabie saoudite qui possède des ressources énergétiques et financières importantes, une coopération mutuellement bénéfique se dessine dans le domaine des capacités de production, qui pourra bénéficier de l'initiative des nouvelles Routes de la Soie. L'Arabie saoudite a annoncé sa volonté de participer à ce projet en accélérant sa transformation économique et sa diversification, rendues nécessaires par la période actuelle de baisse des prix du pétrole.

Le Moyen-Orient connaît des troubles incessants. La Chine et l'Arabie saoudite ont convenu d'intensifier leurs consultations et de coordonner leurs efforts pour la paix et la stabilité dans la région, mais aussi pour déployer davantage d'efforts pour une solution politique des conflits régionaux et la création d'un environnement favorable au développement pacifique. Parallèlement, elles vont approfondir leur coopération dans la lutte contre le terrorisme. Ces deux pays qui représentent deux cultures anciennes se sont engagés à promouvoir les échanges, le dialogue, la tolérance et l'inspiration mutuelle des civilisations et à nouer un partenariat qui se caractérisera par la sincérité, la confiance mutuelle, la coopération gagnant-gagnant et le développement commun.

La longue histoire de l'amitié sino-égyptienne

L'Égypte est un autre pays important dans les affaires régionales et internationales puisqu'il s'agit du pays arabe le plus peuplé et qu'il fait le lien entre l'Afrique et l'Asie. Les relations d'amitié entre la Chine et l'Égypte remontent loin dans l'histoire.

Un messager de la dynastie chinoise des Han de l'Ouest (202 av. J.-C.–8) a atteint l'actuelle ville égyptienne d'Alexandrie. Voici plus de 2 000 ans, les anciennes Routes de la Soie reliaient les civilisations chinoise et égyptienne. L'Égypte, carrefour commercial et nœud culturel traditionnel entre l'Orient et l'Occident, fait partie de l'histoire des Routes de la Soie, terrestres aussi bien que maritimes. C'est par l'Égypte que d'anciennes technologies chinoises ont transité vers l'Europe. Lorsque j'étais envoyé spécial en Égypte, un ministre égyptien m'a confié que seule la civilisation chinoise pouvait se comparer à l'ancienne civilisation égyptienne. L'esprit de la Route de la Soie, qui règne depuis des millénaires, symbolise les relations d'amitié qui lient la Chine et l'Égypte.

Le pays de Nasser a été le premier pays arabe et africain à établir des relations diplomatiques avec la Chine nouvelle, et cela a joué un rôle important, sinon déterminant pour le développement des relations entre la Chine et de nombreux pays arabes d'Afrique. Depuis l'établissement de leurs relations diplomatiques, voici plus de 60 ans, l'amitié et la coopération règnent, malgré toutes les vicissitudes historiques, dans le développement de ces relations. La Chine et l'Égypte sont comme des amis proches qui partagent depuis longtemps heurs et malheurs.

La construction des nouvelles Routes de la Soie et la mise en œuvre du nouveau canal de Suez ouvrent des opportunités rares à l'intégration des stratégies de développement chinoise et égyptienne. Ces deux dernières années, le montant du commerce entre les deux pays a dépassé 10 milliards de dollars, tandis que l'investissement chinois en Égypte ne cessait de s'accroître. La zone de coopération économique et commerciale de Suez s'est agrandie, l'Égypte fait partie des pays fondateurs de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, et la Chine et l'Égypte ont signé un accord cadre sur la coopération dans les capacités de production. Par ailleurs, de nombreuses entreprises chinoises sont implantées en Égypte où elles enregistrent d'excellents résultats commerciaux. Les deux pays voient leur coopération se développer dans les domaines de la production électrique, des chemins de fer, des sciences et technologies spatiales. Lors de la dernière visite du président Xi en Égypte, les deux pays ont planifié le développement de leurs relations, portant le partenariat stratégique global sino-égyptien vers de nouveaux sommets.

Mais l'amitié des deux pays réside aussi dans l'affection entre leurs peuples. C'est pourquoi les échanges culturels qui enrichissent les relations entre les deux peuples doivent être favorisés. Des échanges qui n'ont jamais cessé depuis des millénaires, depuis les anciennes Routes de la Soie jusqu'aux arts modernes.

Nouveau chapitre de coopération stratégique entre la Chine et l'Iran

L'Iran constitue lui aussi un trait d'union des anciennes Routes de la Soie. Voici plus de 2 000 ans, Zhang Qian (164-114 av. J.-C.) atteignait la Perse à la tête d'une mission diplomatique des Han de l'Ouest. C'est suite à ces premiers contacts que les Routes de la Soie ont établi un échange commercial et culturel, avec le commerce des grenades et des raisins de Perse et du thé et des soieries de Chine.

Ces dernières années, la Chine et l'Iran voient leurs relations se développer régulièrement et leur coopération dans tous les domaines connaître un nouvel essor. Le président chinois Xi Jinping s'est entretenu à plusieurs reprises avec son homologue iranien Hassan Rohani, consolidant la confiance politique mutuelle et élaborant des plans de développement futur des relations bilatérales. La Chine préconise une solution politique à la question du nucléaire iranien par des négociations politiques. Elle contribue par sa sagesse à l'élaboration d'un accord général. Les deux pays en développement que sont la Chine et l'Iran partagent de nombreux points de vue communs, que ce soit sur la préservation de la souveraineté et de l'indépendance nationale ou sur d'autres sujets tant internationaux que régionaux.

La Chine considère ses relations avec l'Iran d'un point de vue stratégique qui s'inscrit dans le long terme, c'est pourquoi elle s'efforce de jouer un rôle constructif pour une solution équilibrée au problème du nucléaire iranien. Avec l'accord général sur le nucléaire iranien passé en juillet 2015, les interactions entre l'Iran et la communauté internationale se multiplient, et les relations sino-iraniennes trouvent elles aussi d'importantes opportunités de développement. Des opportunités que les deux pays s'efforceront de saisir suite à cette visite officielle du président Xi Jinping en Iran, la première d'un dirigeant chinois depuis quatorze ans.

La Chine et l'Iran, relais importants sur cette antique voie de communication, placent de grands espoirs dans ces nouvelles routes de paix, d'amitié et de coopération. Alors que la Chine lance son XIIIe plan quinquennal, l'Iran vient d'entamer son VIe plan, et les stratégies de développement des deux pays convergent en de nombreux points, révélant un potentiel de coopération immense. Les deux parties se sont accordées sur un partenariat stratégique global visant à intensifier les échanges à tous les niveaux, qu'il s'agisse des partis politiques, des institutions législatives ou des régions. Par ailleurs, l'approfondissement de la coopération bilatérale a également été évoquée, aussi bien dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shang-hai, de la Conférence pour l'interaction et les mesures de confiance en Asie que de l'ONU. Les deux pays veulent en outre consolider la confiance politique mutuelle et enrichir leurs relations stratégiques, se prononçant pour la réciprocité et le partage de la prospérité et du développement. L'interconnexion, l'élargissement et l'approfondissement de la coopération pragmatique, la construction de corridors de transport est-ouest destinés à faciliter le commerce et les investissements des pays limitrophes, et à abaisser les coûts de circulation transfrontalière des personnes, des biens et des capitaux, mais aussi à consolider et à élargir la coopération en matière de ressources énergétiques et d'industries. Enfin, il a été question de favoriser les échanges entre civilisations que ce soit dans le domaine de la culture, de l'éducation, de la presse, de l'édition ou du tourisme, notamment par des échanges de jeunes et d'étudiants, pour perpétuer l'esprit de la Route de la Soie de génération en génération et d'assurer l'avenir des relations sino-iraniennes.

Construire ensemble l'avenir

Lors de sa visite en Égypte, le président Xi Jinping a prononcé un discours au siège de la Ligue arabe. S'adressant au monde arabe mais aussi plus généralement au monde musulman, il a expliqué les objectifs de la politique de la Chine au Moyen-Orient, soulignant le prix qu'accorde la Chine à ses relations avec les pays arabes et sa volonté de favoriser le développement de celles-ci sur le long terme. Avec ses amis arabes, la Chine souhaite agir dans les quatre domaines suivants : soutenir le processus de paix au Moyen-Orient, sauvegarder les droits et intérêts légitimes des peuples arabes ; favoriser les solutions politiques, promouvoir la paix et la stabilité au Moyen-Orient ; encourager l'exploration d'une voie de développement autonome dans ces pays, aider au développement des pays arabes ; enfin, faire progresser le dialogue entre les cultures et rechercher un nouvel ordre de paix entre les diverses civilisations.

Le Moyen-Orient est le berceau de plusieurs civilisations anciennes. La Chine, les trois pays visités, la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe se sont tous prononcés pour des solutions politiques aux problèmes de la région, ainsi que sur la promotion de la stabilité et du développement régionaux. Plusieurs points d'accord ont été formulés : la paix et la stabilité au Moyen-Orient constituent l'intérêt général de la communauté internationale puisqu'elles renforcent la communication et la coordination et permettent d'aboutir à une solution politique des problèmes régionaux ; par ailleurs, elles encouragent les nations et les peuples de cette région à explorer une forme politique et une voie de développement adaptés à leurs réalités capables de renforcer la stabilité et le développement durable dans la région. D'autre part, un effort doit être fourni pour prévenir la prolifération des armes de destruction massive conformément aux résolutions internationales, visant à faire du Moyen-Orient une zone dénucléarisée et exempte du type d'armes sus-mentionnées. Enfin elles favoriseront la réalisation au Moyen-Orient d'une paix totale et équitable, basée sur les résolutions correspondantes de l'ONU et sur l'initiative de paix arabe, la sauvegarde des droits et intérêts légitimes des Palestiniens. Ceci doit passer par la création d'un état de Palestine indépendant, unifié et pleinement souverain, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Le président Xi a souligné que la solution politique était la seule issue réelle pour résoudre les différends et les conflits. Compte tenu des particularités de l'histoire et des traditions du Moyen-Orient, les pays et les peuples de cette région et eux seuls doivent choisir leur mode de développement. La communauté internationale doit se contenter de soutenir cette exploration d'un mode adapté à leurs réalités.

Cette visite du président Xi vise à marquer un nouveau point de départ pour les relations de coopération stratégique entre la Chine et les pays du Moyen-Orient. Un partenariat stratégique global qui reliera la réalisation du rêve chinois et les plans de développement des nations arabes et perse, mais aussi ceux des pays du Moyen-Orient, pour composer un nouveau chapitre dans les échanges entre les civilisations chinoise, arabe et iranienne.

 

*WU SIKE est un ancien envoyé spécial de la Chine au Moyen-Orient et chercheur à l'Institut financier Chongyang relevant de l'université Renmin.

 

 

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