CHINAHOY

8-January-2016

Relations sino-européennes : ensemble dans la différence

 

Le 21 octobre 2015, Xi Jinping visite l'Imperial College London et s'entretient avec les professeurs.

 

ZHENG RUOLIN *

La Chine lance la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB), à laquelle l'Europe répond activement malgré l'opposition des États-Unis. La Chine encourage l'internationalisation du yuan, l'Europe a voté pour cette proposition lors de la réunion du FMI. Une nouvelle lune de miel pour les relations sino-européennes ?

La coopération financière

C'est sur la base des nouvelles percées dans les relations bilatérales entre la Chine et trois grands pays européens, Royaume-Uni, France et Allemagne, que tient la bonne entente entre la Chine et l'Europe. Un caractère commun pour ces succès : des idéologies politiques différentes, dans le domaine des droits de l'homme, du système politique et de la politiques étrangère, mais une coopération renforcée dans la finance, l'économie et d'autres domaines, comme la COP21 à Paris, la coopération dans le projet de la nouvelle Route de la Soie, et la lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden entre autres. De fait, ces percées s'adaptent parfaitement à la stratégie diplomatique chinoise de « ensemble dans la diversité » et du bénéfice mutuel.

Fin 2015, le yuan a officiellement été inclus dans le panier de devises composant les DTS (droits de tirage spéciaux) du FMI, c'est une étape clé dans l'internationalisation de la monnaie et de la finance chinoises. Ce succès du yuan est en relation directe avec le soutien de Londres. La Chine et le Royaume-Uni ont réussi à surmonter leurs divergences idéologiques dans le domaine financier et à s'allier.

En réalité, la coopération sino-britannique dans le domaine financier ne date pas d'hier. En mars 2013, après l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir, la Royaume-Uni a établi le plus grand centre offshore de transaction en yuan après Hong Kong. Dorénavant, en Europe, presque la moitié des transactions en yuan a lieu à Londres.

En mars 2015, le Royaume-Uni a été le premier pays à donner une réponse positive sur l'établissement de l'AIIB proposée par la Chine. Cette banque est considérée par l'opinion publique britannique et américaine comme un outil pour défier la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement dominées par les États-Unis.

Pourquoi le Royaume-Uni a-t-il décidé de donner son soutien à la Chine, malgré l'opposition des États-Unis ? Je pense qu'on peut dire que c'est parce que les compatriotes de Henry Lord Palmerston, auteur de « Un pays n'a pas d'ami permanent, mais des intérêts permanents », ont décidé de suivre cette maxime et de saisir cette occasion historique. Malgré le ralentissement de la croissance économique chinoise et l'adaptation à ce que l'on appelle « la nouvelle normalité », la Chine représente 25 % du PIB mondial. D'autant plus que l'internationalisation du yuan et le rôle de locomotive de la Chine dans la croissance économique mondiale ne sont pas négligeables. La Chine va pouvoir donner une poussée à la relance de l'économie britannique.

De plus, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est passé à 80 milliards de dollars, contre 20 milliards de dollars 10 ans auparavant. Depuis 2012, les investissements chinois directs au Royaume-Uni augmentent de 85 % chaque année. Depuis la visite du président chinois en octobre dernier, les relations des deux pays sont entrées dans un « âge d'or ». Le renforcement des investissements chinois dans les domaines de l'énergie nucléaire et du TGV est aussi un nouveau centre d'intérêt pour le monde entier.

C'est dans ce contexte que le Royaume-Uni a voté pour l'entrée le plus tôt possible du yuan dans le panier de devises du FMI. De l'AIIB à l'entrée du yuan dans les monnaies de référence, la coopération sino-britannique dans le domaine financier revêt un caractère particulier. Notamment parce que cette coopération ignore l'opposition des États-Unis.

Il est indéniable que l'internationalisation du yuan n'a pas été un long fleuve tranquille, le dollar et la réserve fédérale américaine, qui dominent la finance mondiale, ne souhaitent en aucun cas que l'on touche à son hégémonie, et ne veut surtout pas d'un nouveau concurrent potentiel. Pour le dollar, l'euro et le yuan sont des menaces. Pourtant, bien que le yuan ait déjà acquis le statut de monnaie d'échange et d'investissement sur le marché international, son importance par rapport au dollar est moindre.

C'est pourquoi Beijing a besoin d'alliés financiers. De son côté, Londres souhaite renforcer la coopération financière avec le yuan pour aider la reprise économique du pays. Les relations entre les deux pays sont donc bien basées sur une politique de bénéfice mutuel. Après Londres, Paris, Francfort et Luxembourg ont suivi dans cette voie.

 

Le 3 novembre 2015, Li Keqiang et François Hollande participent au Sommet franco-chinois Économie & Climat à Beijing.

 

La complémentarité

Dans un autre registre, la Chine et la France ont trouvé des atomes crochus dans le Sommet sur le changement climatique de Paris. Armé de sa « diplomatie climatique » lors du sommet de Paris, le président français a aussi réussi à relever sa cote de popularité et à faire oublier la courbe du chômage qu'il promettait d'inverser.

François Hollande avait d'ailleurs effectué une visite officielle en Chine avant la COP21. ll est reparti satisfait des discussions avec les dirigeants chinois et la Chine a soutenu la création du mécanisme de vérification tous les 5 ans proposé par la France lors du Sommet sur le climat. Le président chinois a tenu sa promesse de venir participer à la COP21 à Paris.

Une éclaircie dans les relations diplomatiques sino-françaises écornées ces dernières années à cause de la politique étrangère française atlantiste, même si elles avaient réussi à tenir le cap grâce à des relations stables et égales dues au profit économique avec les investissements chinois en France et le volume du tourisme chinois en France. Une période bien différente de l'ère Sarkozy. Le premier ministre chinois a décrit les nouvelles relations de deux pays comme « prometteuses et adaptées à la tendance».

Pour ce qui est des relations Chine-Allemagne, deux grands pays industriels, elles sont très cordiales. Les deux pays ont tous deux lancé le programme de restructuration industrielle, dit « industrialisation 4.0 » pour l'Allemagne et « made in China 2025 » pour la Chine. La haute technologie de l'Allemagne, le système industriel complet et le marché de l'industrie chinois se complètent. C'est la raison pour laquelle les relations économiques sino-allemandes se développent rapidement ces dernières années.

La chancelière allemande a pris conscience de l'importance des relations sino-allemandes et a régulièrement visité son partenaire chinois (8 fois depuis son premier mandat). Les deux pays connaissent un déséquilibre commercial en faveur de l'Allemagne, les importations d'équipement et de technologies allemandes ne baissent pas en Chine. Les besoins réciproques sont le garant de cette relation stable.

Un avenir gagnant-gagnant

Le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne jouent un rôle dominant dans les relations sino-européennes. Le renforcement des relations bilatérales entre la Chine et ces trois pays signifie des avancées conséquentes pour les relations sino-européennes.

C'est pour cela que je pense que les relations sino-européennes se trouvent aujourd'hui à la veille d'un changement du quantitatif au qualitatif. Après 50 ans de développement, la situation des deux parties a connu des changements profonds. Surtout la Chine, qui n'est plus un géant qui ignorait le monde.

Aujourd'hui, au contraire, la Chine se veut un grand pays ouvert et dans une voie d'industrialisation. Dans la diplomatie avec l'Europe, la Chine s'efforce de respecter le concept diplomatique de l' « harmonie du monde », c'est-à-dire que la Chine recherche l'entente respectueuse dans la diversité, et ne considère aucun pays comme un ennemi idéologique.

L'Europe s'est aujourd'hui dégagée du mode de pensée idéologique hérité de la guerre froide et de ses préjugés sur la démocratie chinoise et la Chine. C'est en réalité par intérêt et au vu de la puissance chinoise que l'Europe a commencé à reconnaître la Chine.

Dans le « choc des civilisations » suivant la guerre froide, la Chine, grâce à sa tradition de tolérance, est en train d'établir un exemple de valeur universelle de paix avec sa politique diplomatique « ensemble dans la diversité » et de bénéfice mutuel.

 

*ZHENG RUOLIN, ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai.

 

 

La Chine au présent

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