CHINAHOY

8-January-2016

Les relations sino-africaines vers de nouveaux sommets

 

Le président Xi Jinping et sa femme Peng Liyuan vistent un centre de sauvegarde de la faune sauvage au Zimbabwe.

 

La coopération sino-africaine fait rarement les gros titres dans la presse mondiale. C'est pourtant ce modèle de relations d'égal à égal qui pourrait finalement apporter les clés du décollage économique africain.

LI ANSHAN*

Alors que tous les yeux étaient tournés vers la COP21 à Paris, le 5 décembre 2015 à Johannesburg, en Afrique du Sud, s'ouvrait beaucoup plus discrètement le Sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA). Le président Xi Jinping, qui a enchaîné des visites d'État au Zimbabwe et en Afrique du Sud, est venu présider le Sommet où il a prononcé un discours dans lequel il annonçait un projet ambitieux pour le développement de la coopération sino-africaine : l'investissement par la Chine de 60 milliards de dollars visant à renforcer la coopération sino-africaine dans 10 domaines clé, dont l'industrie et la finance.

Le FCSA se tenait pour la sixième fois depuis sa création en 2000. Il a été décidé de faire de cette conférence ministérielle un sommet, un souhait qui émanait aussi bien des dirigeants chinois qu'africains et qui répond au besoin de développement des relations sino-africaines. Ces 15 dernières années, la coopération sino-africaine a avancé d'un pas assuré, élargissant sans cesse les domaines de coopération et approfondissant sans cesse la coopération dans les domaines existants.

Renforcer & approfondir

Cette année où le Zimbabwe assume la présidence tournante de l'Union africaine, on y célèbre aussi le 35e anniversaire de l'établissement de ses relations diplomatiques avec la Chine. La visite du président Xi dans ce pays était sa première visite en tant que chef d'État, et elle est venue conforter les bonnes relations qui existent depuis de longues années entre les deux pays. Le volume des échanges commerciaux bilatéraux a atteint 1,241 milliard de dollars en 2014, une hausse de 12,4 % en glissement annuel, et une multiplication par deux depuis 2010. Les produits que la Chine importe du Zimbabwe sont en particulier du tabac, du coton et du ferrochrome, tandis qu'elle lui fournit des équipements électromécaniques, des textiles et des technologies de pointe. La visite présidentielle au Zimbabwe est l'occasion pour la Chine d'annoncer un accroissement de ses investissements dans ce pays et d'y promouvoir la construction de parcs industriels et de zones économiques spéciales, espérant par là entraîner le développement du Zimbabwe grâce à l'expérience chinoise.

La visite du président Xi Jinping en Afrique du Sud a elle aussi permis d'enrichir le partenariat global stratégique entre les deux pays. La Chine et l'Afrique du Sud profitent pleinement de deux avantages, qui sont la confiance politique partagée et la complémentarité économique. Cela leur permet de promouvoir leur coopération dans des domaines prioritaires, ce qui entraîne un développement équilibré et durable du commerce bilatéral. La Chine et l'Afrique du Sud travaillent à la mise en musique de leur programme stratégique de coopération pour les 5 à 10 ans à venir, l'objectif étant de faire avancer la coopération dans les domaines du commerce, de l'investissement, des infrastructures, des parcs industriels, de la création d'entreprises, de la métallurgie et de l'économie maritime. L'Afrique du Sud espère élargir sa coopération avec la Chine en matière d'économie, de commerce, de sciences et techniques, d'énergies, d'aquaculture maritime, d'aviation commerciale et de financement de projets.

C'est la coopération sino-africaine tout entière qui a été portée vers un nouveau palier lors du Sommet du FCSA. On sait que la croissance économique naît d'un processus d'amélioration continue de la productivité et d'une montée en gamme des industries, qui entraîne l'évolution de l'économie depuis des industries à faible valeur ajoutée vers des industries à valeur ajoutée plus élevée. En Chine, l'accroissement du coût de la main-d'œuvre et les surplus de capacités de production font que des entreprises à forte intensité de main d'œuvre doivent explorer des marchés étrangers, tandis que les pays africains doivent eux développer leurs industries de ce type, à la fois pour augmenter leur productivité et pour créer des emplois, améliorant par suite les conditions de vie locales. En raison de leur différent niveau de développement, les pays africains ont un besoin urgent de produits chinois tels que les minerais semi-raffinés, l'acier, le ciment, le verre, le caoutchouc ou l'électricité, nécessaires à leur industrialisation. Cela fait de la Chine et de l'Afrique deux entités complémentaires. D'un côté, les pays africains dont l'industrialisation connaît un fort développement ont besoin de capitaux, d'équipements, de techniques et d'expérience de gestion pour mieux valoriser les ressources humaines dans leurs industries naissantes ; de l'autre côté, la Chine a besoin de réajuster son modèle économique et de procéder à une montée en gamme de ses industries. Cette complémentarité ouvre de nouvelles opportunités à la coopération sino-africaine. La coopération économique et commerciale sino-africaine ira en s'élargissant dans les domaines du commerce, du secteur manufacturier et de la coopération financière. Le gouvernement chinois a décidé d'accorder à l'Afrique un soutien financier de 10 milliards de dollars pour favoriser la coopération sino-africaine dans le domaine industriel.

Le Sommet présidé par Xi Jinping a adopté la Déclaration du Sommet de Johan- nesburg du Forum sur la coopération sino-africaine et le Plan d'action de Johannesburg (2016-2018), deux documents structurants. Le président chinois a profité du sommet pour réaffirmer la volonté de la Chine et de l'Afrique de renforcer leur coopération dans les 10 domaines suivants : industrialisation, modernisation agricole, infrastructures, finances, développement vert, ouverture du commerce et de l'investissement, réduction de la pauvreté et bien-être social, santé publique, culture et enfin la paix et la sécurité. C'est là l'affectation du soutien financier de 60 milliards de dollars que le gouvernement chinois a décidé d'accorder aux pays africains, qui permettra d'assurer la mise en œuvre des plans ambitieux de coopération sino-africaine.

Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique, qui était d'un peu plus de 10 milliards de dollars en 2000, l'année de la création du FCSA, atteint 220 milliards de dollars aujourd'hui. Le solde des investissements chinois en Afrique est passé de 500 millions de dollars à environ 30 milliards, alors que plus de 3 000 entreprises chinoises investissent en Afrique et y sont implantées.

 

Exposition des industries de l'équipement chinoise et africaine en Afrique du Sud, le 4 décembre 2015.

 

Les échanges socio-culturels ne sont pas oubliés

Tous les pays font face à trois missions fondamentales, à savoir la garantie de l'approvisionnement alimentaire, la création d'emplois et la garantie de la santé publique. Les pays africains ne font pas exception à cette règle. Dans la nouvelle phase de coopération qui suivra le Sommet, la Chine s'engage à aider l'Afrique à mettre en place trois éléments fondamentaux, à savoir une industrie compatible avec le développement durable, un système de sécurité alimentaire et enfin un modèle de prévention et de gestion de la santé publique. L'autre volet de la coopération consistera à aider l'Afrique à éliminer deux goulots d'étranglement qui freinent le développement du continent : le manque d'infrastructures et le manque de ressources humaines. Par ailleurs, la Chine et l'Afrique poursuivront leurs travaux qui donnent la priorité à la coopération sur l'industrialisation, l'agriculture, la santé publique, aux échanges culturels, à la paix et la sécurité.

On peut d'ores et déjà dire que le FCSA créé il y a 15 ans est un grand succès qui bénéficie à toute une série de pays. Si l'on prend l'exemple de la coopération économique avec l'Éthiopie, on y constate plusieurs premières : la première autoroute à péage, le premier projet éolien, le premier rail léger reliant Addis-Abeba et le premier chemin de fer moderne. L'amélioration des infrastructures permet d'attirer des investissements étrangers, de créer un environnement favorable à la promotion de l'industrie, et donc du développement local.

Une autre caractéristique des relations sino-africaines est son souci de renforcer les liens entre les populations. Les Africains ont en général une bonne impression de la Chine, ainsi que le montre le sondage Opinion sur la Chine réalisé par le Pew Research Center en 2015, ce qui contredit certaines histoires et cas d'espèce dont la presse est friande. Les résultats du sondage sont éloquents : 80 % des personnes interrogées au Ghana affirment avoir une opinion positive de la Chine. Elles sont 75 % en Éthiopie, 74 % en Tanzanie, 70 % Sénégal, au Nigeria et au Kenya et 52 % en Afrique du Sud. Cela ne signifie pas pour autant qu'il est inutile de promouvoir la compréhension mutuelle. Les rapports entre les populations constituent toujours la base de relations bilatérales durables.

Il est d'une importance cruciale d'approfondir la compréhension mutuelle pour consolider ces relations bilatérales dans tous les domaines. En préparation du FCSA, le livre intitulé 500 phrases sur la Chine, l'Afrique et les relations sino-africaines, rédigé par le secrétariat du Comité de suivi chinois du FCSA, a été publié en septembre 2015, une tentative de contribuer au renforcement de la compréhension mutuelle et à l'inspiration réciproque entre jeunes chinois et africains.

Relever ensemble les défis

La coopération sino-africaine fait face à de sérieux défis : comment réaliser les objectifs du développement vert sur le continent africain riche en ressources naturelles ? Comment rendre plus efficace le mécanisme de dialogue dans la coopération sino-africaine ? Comment promouvoir davantage, à travers la plate-forme qu'est le FCSA, la compréhension mutuelle entre la Chine et l'Afrique et faire de sorte que les peuples des différents pays du monde connaissent mieux le FCSA ?

Comment coordonner ses relations avec les différents pays africains, avec l'Union africaine, ainsi qu'avec les organisations sub-régionales, tels sont les défis auxquels la Chine doit faire face. Il est important, dans la coopération industrielle avec l'Afrique, de renforcer le contrôle de la qualité en matière de développement durable et de protection de l'environnement. Le but n'est pas de délocaliser les industries polluantes en Afrique. Et l'Afrique de son côté doit participer plus activement à l'élaboration du programme stratégique de la coopération sino-africaine. La Chine et l'Afrique devront multiplier les contacts entre les populations, car mettre l'accent uniquement sur la diplomatie et les sommets n'est pas suffisant. Le plus important, c'est que les deux parties doivent, en plus de leur coopération sur le plan matériel du FCSA, valoriser l'enthousiasme des forces sociales pour qu'elles prennent part à la coopération sino-africaine. Les entrepreneurs fortement impliqués dans les relations sino-africaines, par exemple, doivent jouer un rôle plus important dans le FCSA, ainsi que d'autres forces sociales, comme les femmes, les jeunes et les représentants de différents milieux de la société.

L'égalité est depuis toujours dans l'histoire humaine l'un des objectifs principaux des différents mouvements sociaux. Elle représente également une partie fondamentale de la Constitution de presque tous les pays du monde. Pourtant, la politique internationale insiste rarement sur cette notion, et on voit que la loi du plus fort est la règle dans la politique mondiale. Le FCSA doit contribuer, avec d'autres forces internationales, à améliorer cette politique asymétrique et œuvrer à l'élaboration de règles nouvelles concernant les questions internationales.

Ce Sommet du FCSA ne manquera pas de créer de nouvelles opportunités pour le développement aussi bien de la Chine que de l'Afrique. Le réajustement de la structure industrielle de la Chine offre des opportunités à la montée en gamme de l'industrie africaine. J'écrivais, dans mon article intitulé Sur les relations sino-africaines dans le contexte de l'émergence de la Chine publié dans la revue Économie et politique mondiales (n°11, année 2006) : « L'Afrique a besoin de la Chine et la Chine a encore plus besoin de l'Afrique. » Un point de vue justifié par les faits, accepté tant par les officiels des gouvernements que les milieux académiques. Mais aujourd'hui, j'ajouterai les mots suivants : « L'industrialisation de l'Afrique a besoin de l'aide chinoise, le progrès de la Chine ne peut se passer de l'Afrique. Une coopération stratégique qui illustre à la fois l'idée de « communauté de destin » dans les relations sino-africaines et un nouveau modèle de coopération Sud-Sud.

 

*LI ANSHAN est directeur du Centre de recherches sur l'Afrique de l'Université de Beijing.

 

 

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