CHINAHOY

30-October-2015

Chine–Royaume-Uni : un âge d’or

 

La conférence de presse du président chinois et du premier ministre britannique après leur entretien le 21 octobre.

 

L'évolution des relations sino-britanniques est prometteuse. Échanges commerciaux, politiques et culturels sont en constante progression.

LI JINGKUN*

Le 23 février au soir, le premier ministre britannique David Cameroun a déclaré depuis le 10 Downing Street que 2015 serait une année en or pour les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et la Chine. Plus récemment, Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, a commenté que la visite d'État du président Xi Jinping au Royaume-Uni en octobre reflétait bien ce sentiment. Il a ajouté que cet événement allait réellement porter les relations sino-britanniques vers de nouveaux sommets et les faire entrer dans un âge d'or.

Après la pluie, le beau temps...

Les échanges entre les deux pays remontent à des siècles déjà. Dès 1950, le Royaume-Uni est la première puissance occidentale à avoir reconnu la République populaire de Chine. Le 13 mars 1972, les relations bilatérales ont accédé à un niveau supérieur, les deux pays nommant chacun un ambassadeur pour remplacer leur chargé d'affaires. En juillet 1997, le recouvrement par la Chine de la souveraineté sur Hong Kong a inauguré une nouvelle phase dans les relations entre les deux pays. En 1998, la Chine et le Royaume-Uni ont établi un partenariat global, qui a évolué en un partenariat stratégique global en 2004. Malgré des vicissitudes des dernières décennies, la relation sino-britannique s'est, d'un point de vue général, approfondie et élargie à davantage de champs de coopération.

Un revers inattendu s'est produit le 14 mai 2012 : David Cameron et le vice-premier ministre Nick Clegg ont reçu le Dalaï-Lama, en dépit de l'opposition répétée de la Chine et du contexte global des liens bilatéraux Chine–Royaume-Uni. Cet acte a constitué une grave ingérence dans les affaires intérieures de la Chine. En réponse, la Chine a suspendu pour une période indéterminée les réunions ministérielles entre les deux pays. Les liens politiques bilatéraux étaient au plus bas...

Début 2013, après la prise de fonctions de la nouvelle direction chinoise, les deux parties se sont efforcées de remettre leurs relations sur la voie. En mai 2013, David Cameron a affirmé devant la Chambre des communes que le gouvernement britannique reconnaît le Tibet comme faisant partie de la Chine et qu'il ne prône pas l'indépendance de cette région. Un mois plus tard, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a eu une conversation téléphonique avec son homologue britannique William Hague, qui a confirmé que le Royaume-Uni respectait la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine. M. Hague a indiqué que le Royaume-Uni accorde une grande importance à ses relations avec la Chine et qu'il espère mener avec elle des échanges plus étroits dans divers domaines. En septembre 2013, le secrétaire d'État à l'énergie et au changement climatique, Edward Davey, s'est rendu en Chine, ce que n'avait pas fait un membre du Cabinet britannique depuis mai 2012. Cela a marqué le début d'un dégel dans les relations sino-britanniques. En octobre de la même année, le chancelier de l'Échiquier George Osborne est venu en Chine, une visite qui a réchauffé un peu plus encore les relations bilatérales. Enfin, le déplacement de David Cameron en Chine en décembre 2013, accompagné de la plus large délégation britannique de l'histoire, a signé le total rétablissement des relations sino-britanniques.

L'année 2014, date du 10e anniversaire du partenariat stratégique global noué entre les deux pays, la coopération bilatérale a battu son plein dans divers domaines. Lors de sa visite au Royaume-Uni en juin 2014, le premier ministre Li Keqiang a eu une rencontre avec son homologue britannique, durant laquelle les deux parties ont conclu des accords commerciaux inter-gouvernementaux estimés à un montant record de 32,5 milliards de dollars. Dans ses discussions avec M. Cameron, M. Li a mis l'accent sur le besoin des deux pays de pousser plus avant leur croissance commune et leur développement inclusif. Il a également proposé un nouveau modèle de coopération combinant innovation britannique et marché chinois, par le biais duquel les deux pays pourraient se positionner en chefs de file de la coopération économique et commerciale entre la Chine et l'Europe.

En mars 2015, le prince William, duc de Cambridge, a réalisé une visite historique de quatre jours en Chine, une première pour un membre de la famille royage britannique depuis la visite de la reine Élisabeth II en 1986. Un important symbole du renforcement des relations sino-britanniques.

 

Le 21 octobre, le président Xi et son épouse accompagnés du prince William et de Kate Middleton, ont participé à un événement consacré à l'industrie de la création au manoir de Lancaster House à Londres.

 

Vers un âge d'or

La dernière visite du président chinois Xi Jinping a resserré encore les liens politiques tissés entre la Chine et le Royaume-Uni.

C'était la première visite d'un haut dirigeant chinois depuis une dizaine d'années et donc la première du chef de la nouvelle direction chinoise. Elle coïncidait avec l'entrée dans une nouvelle décennie du partenariat stratégique global sino-britannique. Elle constituait par conséquent un événement de haut niveau, dans le sillage des visites réciproques des chefs de gouvernement chinois et britannique qui ont eu lieu en 2013 et 2014.

Il est assez rare de voir des visites de haut niveau aussi fréquentes, que ce soit dans l'histoire des relations sino-britanniques ou dans les liens diplomatiques unissant la Chine et d'autres pays. À l'évidence, les deux parties sont enclines à enrichir encore leurs relations bilatérales et à affermir leurs liens politiques.

La visite de M. Xi en octobre a également consolidé les liens bilatéraux, à la fois sur les plans institutionnel et stratégique. Jusqu'à présent, les deux pays ont établi trois mécanismes piliers : dialogue politique, dialogue économique et financier, dialogue interpersonnel de haut niveau. Ces derniers forment ensemble un cadre fondamental pour le développement stable des liens bilatéraux, qui permet d'éviter qu'un incident inopiné vienne entamer la relation. Des trois, le dialogue politique est le plus important, puisqu'il s'agit d'une base indispensable pour maintenir cette relation stratégique reposant sur divers mécanismes. La récente visite du président Xi a sans aucun doute fortifié cette base.

En outre, elle promeuvra la coopération économique et commerciale, autre « ciment » de la relation sino-britannique d'aujourd'hui et de demain. Les liens économiques et commerciaux entre les deux pays se sont fortement développés ces dernières années, malgré les tensions d'ordre politique au second semestre de 2012. L'année dernière, le volume du commerce bilatéral a dépassé 80 milliards de dollars, soit une hausse de 15 % en glissement annuel. L'investissement réciproque est également plus dynamique. Le Royaume-Uni est désormais, en Europe, le deuxième partenaire commercial de la Chine, sa deuxième source d'investissements étrangers et une destination majeure des investissements chinois. De même, la coopération dans le secteur financier a réalisé de nouvelles percées ces dernières années.

Le Royaume-Uni appelle à commercer avec la Chine et souhaite la bienvenue aux investissements chinois. David Cameron a clairement émis cette idée lorsqu'il a déclaré publiquement que son pays se félicitait d'être le partenaire le plus ouvert qu'ait la Chine. Accords d'investissement et financiers étaient d'ailleurs à l'honneur lors de la visite présidentielle. Les contrats commerciaux intergouvernementaux passés dans ces domaines devraient stimuler la croissance économique des deux côtés et faire fructifier leur coopération, jetant ainsi des bases solides pour le futur développement de leurs liens bilatéraux.

La visite du président Xi a également ouvert de nouvelles opportunités de coopération, portant celle-ci à un niveau supérieur.

De nos jours, la coopération sino- britannique, dépassant même le cadre du commerce et de l'économie, s'imprègne dans tous les aspects de la société. Il est toutefois nécessaire d'approfondir et d'élargir encore cette coopération dans de multiples domaines. La visite du président chinois, sur fond de nouveaux pactes de coopération signés, a été perçue comme une opportunité pour les deux pays d'exploiter de nouveaux pôles de croissance et d'optimiser leur partenariat stratégique. La Chine et le Royaume-Uni mènent ainsi une collaboration efficace dans des secteurs autres que le commerce et l'économie, comme l'énergie, le changement climatique, l'innovation, les sciences et technologies... Tous affichent un vaste potentiel de croissance.

Cette visite a aussi permis des avancées dans les négociations sur la participation de la Chine au projet de centrale nucléaire à Hinkley Point et au réseau TGV britannique. Par ailleurs, les deux parties envisagent une plus grande coopération financière pour accélérer l'internationalisation du yuan. Parmi les autres sujets soulevés figuraient des champs de coopération restés inexploités jusqu'à ce jour tels que la santé, l'urbanisation, les capacités de production et la gestion des ressources hydriques. De longues discussions en matière de coopération bilatérale ont été entreprises dans le cadre double de l'initiative « une Ceinture et une Route » et de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB).

Ces coopérations renforcent la compréhension mutuelle entre la Chine et le Royaume-Uni. Bien que les relations entre ces deux pays ont globalement progressé sans heurts, des malentendus et une certaine méfiance persistent. Pour les dissiper, il est nécessaire d'intensifier les contacts. Les visites d'État des dirigeants représentent un moyen clé de promouvoir la communication entre deux pays ainsi que les échanges entre les deux peuples respectifs. Le président Xi a tenu des discours en diverses occasions au Royaume-Uni, rencontré les représentants des diverses couches de la société britannique et partagé avec eux ses opinions. Ces activités sont utiles pour redorer l'image de la Chine à l'international. Par ailleurs, la première dame chinoise, Peng Liyuan, accompagnait le président dans ce déplacement. Son sens de la mode, son intelligence et sa personnalité pétillante ont permis de faire taire certains préjugés que les Britanniques ont de la Chine via le charme féminin du soft power.

De brillantes perspectives

Les relations sino-britanniques ont déjà une longue histoire, mais suite à la visite de Xi Jinping, elles devraient poursuivre leur progression rapide. D'un côté, le président Xi, au nom de la direction chinoise, a explicitement exprimé son intention d'approfondir la coopération avec le Royaume-Uni. De l'autre, la politique extérieure britannique vis-à-vis de la Chine va globalement dans ce sens depuis la victoire des Conservateurs en mai 2015. La façon de penser et les mesures adoptées par le Royaume-Uni, caractérisées par leur pragmatisme, leur ouverture et l'esprit du libre-échange, préparent le terrain pour le développement des liens bilatéraux.

La coopération commerciale, économique et financière demeurera le socle des relations sino-britanniques dans les années à venir. Le Royaume-Uni prend très au sérieux sa diplomatie à la fois politique et économique avec les pays émergents, en particulier la Chine, et considère l'expansion de son commerce extérieur comme primordiale pour sa croissance économique. De fait, on s'attend à ce que le pays rehausse son partenariat avec la Chine dans les secteurs du commerce, de l'investissement et de la finance, accélérant ainsi sa croissance intérieure. Étant donné les incertitudes qui planent sur la zone euro, le marché et l'investissement chinois apparaissent en effet vitaux. Le Royaume-Uni est l'un des quelques pays occidentaux ouverts aux investissements chinois pour les projets d'infrastructure, et qui plus est, les deux pays sont clairement complémentaires à cet égard.

Sur la base du commerce, de l'économie et de la finance, la coopération bilatérale devrait se raccorder à toujours plus de domaines et s'intensifier. La collaboration sur le changement climatique, l'énergie (en particulier les énergies nouvelles) et l'innovation technologique, par exemple, vont devenir les grands thèmes chers aux relations sino-britanniques, insufflant à ces dernières un nouveau dynamisme.

Mais, au-delà des liens bilatéraux, les intérêts partagés des deux pays sont également engagés dans les relations multilatérales et les affaires mondiales. Le Royaume-Uni est un pays porteur d'une vision globale. La Chine et le Royaume-Uni sont tous deux des pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, qui s'accordent sur des questions clés comme le maintien d'un bon ordre international, la promotion du multilatéralisme et le soutien du rôle de l'ONU. Cette bonne entente permet à leur partenariat de ne pas se focaliser uniquement sur les dossiers bilatéraux mais de s'intéresser aussi à la gouvernance mondiale, notamment aux enjeux actuels comme le changement climatique et la lutte anti-terroriste. Elle ouvre également la possibilité de coopérer sur des marchés tiers.

Cependant, il est probable que, du fait de valeurs différentes, de méprises et d'un manque de compréhension mutuelle, les relations sino-britanniques se heurtent à certains problèmes, dont les solutions ne seront pas évidentes même à long terme. Les relations bilatérales risquent donc de connaître à nouveau des hauts et des bas. Mais ces différends ne dégraderont pas l'état global des relations sino-britanniques. Dissonances et disputes sont inévitables entre deux pays. Pour y faire face, il convient de multiplier les échanges mutuels et les coopérations, afin de réduire les fausses idées et d'accroître la confiance mutuelle. C'est la voie que doivent suivre la Chine et le Royaume-Uni pour atteindre leur objectif commun de bâtir une communauté d'intérêts et de destin partagés.

 

*LI JINGKUN est chercheur à l'Institut d'études européennes de l'Académie des sciences de Chine.

 

La Chine au présent

La Chine et l'étranger

Liens