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Je vous envoie une carte postale de Qingdao
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L'ancienne demeure du gouverneur allemand, construite en 1907. |
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
Cinq jours au bord de la mer dans le Shandong, Qingdao, « l'île verte ». La ville est jolie et me fait penser à la côte de granit rose à Perros-Guirec en Bretagne. Pourtant, c'est bien en Chine, sur le bord de la mer Jaune...
Connue mondialement pour sa bière : la Tsing Tao, la ville, elle, est souvent comparée à la Riviera suisse. Et c'est vrai qu'elle en a toute l'architecture, un peu germanique, hôtels du front de mer. Mais elle n' a pas les crustacés, ni le granit rose qui me font penser à Perros-Guirec en Bretagne. On s'aperçoit dès la descente du TGV qui relie maintenant Qingdao à Beijing en moins de 5 heures qu'il flotte une atmosphère européenne dans le vieux centre de la ville. En effet, la gare datant de l'époque allemande n'a pas été détruite comme celle de Jinan et les bâtiments de la place Victoria sont encore - pour la plupart - debouts, et il suffit de s'engouffrer dans une des rues face à la gare pour se rendre vite compte que l'ancien centre-ville a bien gardé son cachet. Le nouveau centre, lui, situé aux alentours de la place du 4 Mai se veut moderne et plus dynamique. Gratte-ciels et tours, nouveau port, et grandes esplanades au bord de la mer forment l'architecture générale.
Élue « Ville d'avenir » en 2011 par la Chambre de Commerce et d'Industrie de France en Chine, Qingdao est aujourd'hui un port de commerce majeur, le quatrième plus important après Shenzhen et Tianjin. La stratégie de développement de la ville promeut les centres de recherches maritimes d'où découle une forte activité dans le secteur de pêche. Qingdao est aussi la capitale commerciale du Shangdong. Les capitaux étrangers y sont très importants, notamment les capitaux coréens, japonais et allemands sans oublier ceux français. La ville est le berceau de plusieurs entreprises chinoises de renom, dont la brasserie Tsing Tao, Haier, le troisième fabricant mondial de produits électroménagers. Depuis septembre 2013, Dalian Wanda Group y a investi 48,8 milliards de yuans pour créer un parc de l'industrie du film et de la télévision dans le but de créer une sorte de nouveau « Festival de Cannes » en Chine. De nombreuses stars chinoises : Fan Bingbing, Huang Bo par exemple sont originaires de Qingdao et participent à la renommée de la ville. Il faut également rappeler que c'est là que se sont déroulées les épreuves nautiques des Jeux Olympiques d'été de 2008.
À travers les rues
Après cette introduction très factuelle, je vous emmène dans les rues de Qingdao comme je l'ai fait moi-même pendant ces cinq jours, pour visiter, goûter aux fruits de mer, et flâner dans les parcs et sur le bord de mer. Goûter un peu à cette atmosphère européenne si particulière à la ville.
J'ai décidé de commencer au hasard des souvenirs de mes visites antérieures en entrant dans la vieille ville par le côté nord, à l'angle de la rue sur laquelle se trouve l'église Saint Paul. Toute de briques rouges, celle-ci est moins connue que les deux autres : la cathédrale Saint Michel près de la gare et le temple protestant « carte postale » avec son clocher recouvert de cuivre vert et ses murs jaunes sur la colline. Sur ma route, je croise plusieurs peintres assis face à leur chevalet, dessinant les perpectives qu'on entrevoit entre les villas lorsque l'on remonte les rues. Je dois avouer que je serais incapable de vous dire exactement dans quelle rue j'étais, je sais juste que mon sens de l'orientation m'a permis de retrouver les chemins par lesquels j'étais passé deux ans plus tôt. Au hasard des montées et des descentes, on aperçoit la mer, les anciens lotissements blottis entre les collines. S'il fait beau, au loin on aperçoit même les monts de Laoshan.
J'ai donc tourné dans plusieurs petites rues, admirant au passage les anciennes villas, leurs jardins, les vieux platanes et les pavés de certaines rues qui rappellent l'Europe. La ville était le centre administratif de la concession de Kiautschou (Deutscher Schutzgebiet Kiautschou), selon la graphie allemande de l'époque qui désignait la baie de Jiaozhou. C'était une époque particulière où l'on construisait pour que cela soit différent de la Chine, pour bien montrer que les colons sont installés et que la ville n'est pas chinoise. L'ironie de l'histoire a fait que les ceux-ci ne sont pas restés à Qingdao longtemps. Ils ont du rendre les colonies après la Première Guerre mondiale. Par la suite, les Japonais, qui avaient combattu les troupes allemandes à Qingdao dès 1914 - sur le seul champ de bataille asiatique de la Première Guerre mondiale -, ont pris la ville et les colonies du Shandong, ce qui déclencha le mouvement chinois du 4 mai 1919. Mais très vite, en 1922, la ville redevint chinoise.
Les héritages architecturaux de la période de la colonisation marquent encore fortement le paysage urbain. On dit souvent que Qingdao a été construite par les Allemands. Ce n'est qu'à moitié vrai. Au départ, ceux-ci souhaitaient faire de la ville une station balnéaire et de repos. Ils ont posé les plans de la ville autour de la gare, établit le système de canalisations d'eau et d'égouts, construit le train et une partie du port. Mais leur défaite lors de la Première Guerre mondiale changea la donne et la ville connut une autre destinée. Elle devint la villégiature de Chinois et d' étrangers aisés. Russes et autres Américains en firent leur villégiature pendant les années 30. La partie proche de la gare est effectivement de l'époque allemande, dans son style et dans son organisation. Mais la partie autour du parc Sun Yat-sen et de Badaguan, dans son architecture, s'éloigne de plus en plus de l'Allemagne et tend vers l'éclectisme et l'Art déco typique des années 20-30.
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Les habitants de Qingdao profitent de la marée basse pour ramasser des coquillages. (CFP) |
La résidence du gouverneur
Ainsi, la résidence du gouverneur général par exemple, est un des bâtiments emblématiques de la vieille ville avec l'ancien bâtiment de l'administration coloniale austro-hongroise, les églises et la gare de Qingdao. Cette bâtisse très imposante, juchée sur la colline face à la mer et à l'embarcadère de Qingdao semble un bâteau échoué sur un rocher. Cette demeure est aujourd'hui un musée, qui recèle quelques pans de l'histoire moderne chinoise en ses murs. Lorsque vous écoutez les guides présenter la maison, vous découvrez qu'ils commencent souvent par raconter l'humiliation des colonies, puis décrivent ensuite avec admiration l'ingéniosité de l'architecte allemand et surtout la qualité de la construction. Qingdao a appris à vivre avec ses contradictions historiques. La majorité de l'architecture de la ville a été conservée et le mode de vie plutôt lent et bourgeois des gens de Qingdao montre bien que l'influence européenne est passée par là. La plupart des femmes de Qingdao se mettent d'ailleurs du rouge à lèvres, ce qui n'est absolument pas le cas dans les autres villes du Shandong par exemple.
Dans la maison, plusieurs reliques attirent l'œil des visiteurs : les premières sont les radiateurs en fonte moulée, ensuite ce sont les poêles de chauffage prussiens recouverts de céramique. Dans ce qui était le petit salon, avait été installée la chambre de Mao Zedong qui était venu à Qingdao en villégiature. Un lit-bibliothèque spécialement fait à sa taille y est toujours exposé. Dans l'ancienne salle à manger du gouverneur, on trouve un vieux piano Steinway estampillé « for the colonies ». Dans la salle de bal, c'est un piano à queue Blüthner Leipzig et du mobilier allemand. Lorsque les guides connaissent bien la maison, ils sont capables de faire découvrir des détails architecturaux très intéressants. Comme par exemple, la rampe d'escalier double, sculptée de façon ergonomique et permettant aux enfants de monter tout seuls. Ensuite, les fenêtres guillotines de la maison rappellent que le gouverneur était un officier de marine, le bois et le vernis des huisseries ainsi que les lambris à l'intérieur de la maison rappellent ceux d'un navire. L'ameublement, les double-portes coulissantes, les luminaires et les meubles datant de l'époque du gouverneur allemand montrent l'aisance et la modernité dont profitait déjà au début du siècle les habitants de cette demeure. Dans ce qui était l'ancienne chambre du gouverneur au premier étage, par les fenêtres, on a une vue imprenable sur les anciens lotissements allemands au pied de la colline et au loin sur la baie de Qingdao.
Coquillages et crustacées
Le front de mer s'étend sur un vingtaine de kilomètres qu'il est possible de faire à pied le long d'un parcours qui relie toutes les plages entre elles. Le bord de mer s'apparente un peu à celui de la Bretagne nord en cela qu'il y a du granit rose et des pins maritimes. Mais l'eau y est plus chaude et le sable plus fin. Le matin, à la fraîche, les pêcheurs sont nombreux sur les rochers. À marée basse, les Chinois aiment aller ramasser les coquillages entre les récifs. Le long de la promenade, on trouve des vendeurs de souvenirs. Sur leurs étals, on trouve des colliers, des pendentifs en nacre pas laids du tout. Lors de mon passage à Qingdao, j'ai aussi profité d'une belle matinée pour aller me baigner sur une des plages de Qingdao. Il y a des vestiaires pour se changer et des lignes de baignade, bien que ce ne soit pas très dangereux, car il n'y pas de fond si la marée est basse. L'eau était déjà bien chaude en ce début de mois de mai et les baigneurs assez nombreux. Un peu plus loin, des gens faisaient du ski nautique et d'autres du hors-bord. On voyait passer de gros paquebots au loin et leurs sirènes résonnaient dans la crique.
Sur le bord des plages, vous trouverez beaucoup de restaurants à fruits de mer. Pour le Breton que je suis, il y a vraiment de quoi se régaler, même les huîtres, énormes et servies cuites sont à essayer... Les palourdes et autres coquilles Saint-Jacques cuisinées à la mode chinoise sont délicieuses !
La promenade des Chinois
Le quartier des « huit passes » ou Badaguan en chinois est un ancien quartier résidentiel huppé. Le lotissement de Badaguan a été en majorité construit après le départ des Allemands. Les villas construites face à la mer bordant la deuxième plage de Qingdao, datent de 1927 à 1930, donc de l'époque de la République de Chine. Le nom du lotissement vient du fait que les huit rues de ce quartier sont nommées d'après les huit passes les plus importantes de la muraille de Chine. Ces villas appartenaient à de hauts fonctionnaires du gouvernement chinois de l'époque, de riches commerçants, intellectuels ou nobles étrangers. Après 1949, les villas furent soit confisquées, achetées ou déléguées à l'administration. En tout, ce sont plus de 300 maisons qui furent récupérées. La plupart furent transformées en centre de repos, hôtels et autres facilités.
Ce lotissement, qui contient plusieurs parcs en son sein est le lieu privilégié des gens de Qingdao ou de l'extérieur pour les photos de mariage. Par jour de beau temps, le quartier - où les voitures n'ont pas le droit de circuler sauf autorisation - est assailli par des couples de jeunes mariés. Vous avez alors droit à un défilé de mode « mariage et compagnie » pendant toute la durée de votre promenade, et rien que pour le kitsch de certains costumes, ça en vaut la peine !
Sur la rue Huanghai, bien en vue sur la pointe au bout de la deuxième plage de Qingdao, la villa rocaille est une villa qui date de 1932. Elle fut construite par un architecte russe pour un noble de son pays. Celle-ci tient son nom de la décoration en galets dont elle est recouverte. Le style médiévalisant et les mosaïques intérieures en font sa réputation. L'intérieur, vidé malheureusement presque intégralement de ses meubles est visitable, on peut également monter jusqu'à la tour qui orne le toit et avoir une vue panoramique sur la baie. On dit qu'elle aurait été la demeure d'un espion du Kuomintang avant la Libération et que Tchang Kaï-chek y aurait séjourné. De quoi laisser voler son imagination pendant la visite. Plus loin, la villa dîte de la princesse est une ancienne demeure dont l'architecture s'inspirerait des contes d'Andersen. Malheureusement, la jeune princesse, qui s'était éprise de Qingdao lors d'un voyage et pour laquelle la villa a été construite, ne vint jamais l'habiter.
Qingdao, perle du Shandong, est un endroit qui laisse à rêver et vous fera sentir, le temps d'un petit weekend, comme ailleurs. Entre Orient et Occident, mer et montagne, passé et présent.
La Chine au présent