CHINAHOY

23-January-2017

La natation chinoise évolue

 

Le 10 juillet 2016, à Hangzhou, des enfants suivent des cours de natation.

 

MATEO HERRERA, membre de la rédaction

 

Il y a trois ans, International Swimming Hall of Fame (ISHOF) a décerné le prix Esther au casting et aux équipes de production de Enter the Water Dragon (1959) et Diving Girls (1964), deux films chinois tournés à l'époque de Mao. Il s'agit d'une récompense accordée aux films et industries du divertissement qui réussissent à promouvoir une image positive de la natation en tant que discipline agréable, bénéfique pour la santé et essentielle pour la sécurité aquatique.

 

Bien que réalisées avant le commencement de la période de réforme de la Chine, les productions ont servi à montrer des années plus tard au monde occidental que le peuple chinois maîtrisait déjà la natation et les sports aquatiques il y a plusieurs siècles, et cela bien avant bon nombre de peuples de l'autre extrémité du globe.

 

« Je pense que le reste du monde – ou du moins les Occidentaux – ne connaissait vraiment rien au sujet de la natation en Chine avant les années 70, moment où nous avons pu connaître le pays », a dit le président du ISHOF, Bruce Wigo, lors d'une interview pour le journal China Daily. Wigo fait ici référence à l'époque où une importante mission sportive américaine avait voyagé en Chine après la visite historique du président Richard Nixon en 1972.

 

Des grands dirigeants tels que Deng Xiaoping et Jiang Zemin avaient l'habitude d'aller nager fréquemment, et il est dit que Mao Zedong, dont les premiers poèmes ont été inspirés par l'exemple de la natation représentant la lutte entre l'homme et la nature, avait un jour proclamé qu'il avait nagé dans les trois grands cours d'eau du pays : la rivière Xiang, la rivières des perles et le fleuve Yangtsé.

 

Les athlètes de niveau olympique se forment dès le berceau

 

Malgré sa pratique développée et ses énormes bénéfices pour la santé, sur le plan de la compétition, la natation n'arrive pas au niveau de certains autres sports aquatiques en Chine tels que le plongeon, la natation synchronisée ou le waterpolo féminin. Une chose est sûre : le pays ne ménage aucun effort pour élever le niveau et parvenir à amener de plus en plus de nageurs à un niveau professionnel afin de se glisser en haut du podium lors des compétitions professionnelles.

 

Un exemple de cette affirmation est que la plupart des écoles équipées d'une piscine offrent des cours de natation aux enfants du primaire dans le cadre de leur programme d'éducation physique. Si un élève démontre une aptitude exceptionnelle, il pourra être envoyé à une académie provinciale spécialisée dans le sport, et même recevoir des bourses et d'autres avantages depuis son plus jeune âge.

 

D'autre part, dans l'objectif d'entraîner les futurs champions nationaux, le gouvernement chinois a investi d'énormes ressources financières pour construire au moins un complexe de sports aquatiques d'envergure mondiale dans chaque district administratif du pays, selon les dires de Wigo, qui a passé six semaines dans le pays asiatique à visiter les piscines. En outre, chacune de ces divisions a son propre championnat de natation par groupes d'âges pour encourager la discipline et la concurrence saine.

 

Dans son article L'importance de la natation en Chine, Wigo explique que « la différence entre les États-Unis et la Chine est qu'en Chine les parents conçoivent le sport depuis le plus jeune âge comme une profession sérieuse, tandis que la plupart des athlètes américains se lancent dans la pratique des sports nautiques par loisir, comme passe-temps ou comme discipline à temps partiel ».

 

Wigo révèle également que le style le plus pratiqué par les nageurs varie considérablement entre les deux pays. En Chine, on préfère la brasse, couramment pratiquée par Mao et enseignée dans les écoles de natation, alors qu'aux États-Unis le crawl est plus communément pratiqué.

 

La « Miss Sympathie » des JO de Rio

 

La Chine peut bien avoir failli à la tache de se positionner au top du classement général des médailles aux JO de Rio 2016, elle n'en demeure pas moins, grâce à une femme sensationnelle, le pays qui a conquis le plus de cœurs. Avec sa spontanéité et sa franchise, la nageuse Fu Yuanhui a réussi à s'attirer la sympathie des téléspectateurs du monde entier et elle est aujourd'hui devenue une célébrité nationale, ayant même récolté plus d'attention que ses compagnons athlètes qui ont pourtant rapporté une médaille d'or au pays.

 

Née dans la ville moderne de Hangzhou, la nageuse a terminé troisième lors de la finale du 100 mètres dos, partageant sa médaille avec la canadienne Kylie Masse. Cependant, ce n'est pas pour avoir obtenu une médaille de bronze que Fu est devenu un tel phénomène dans les médias, mais plutôt par son charisme pendant la compétition et les déclarations rigolotes faites aux médias de son pays.

 

« 58.95 ? Je pensais que j'étais à 59 secondes ! Ouah, que je suis rapide ! Je suis ravie ! », a-t-elle dit devant les caméras de CCTV après la demi-finale du 100 mètres dos où elle était certaine d'avoir terminée quatrième jusqu'à ce que le journaliste lui confirme sa troisième place. « J'ai utilisé ma force cosmologique ! » a-t-elle alors poursuivi en plaisantant.

 

À seulement 20 ans, Fu a également été applaudie à Rio pour son honnêteté, car elle a su briser l'un des plus grands tabous dans le sport, surtout en Chine : parler des menstruations. Après avoir concouru en dessous de son niveau en relais 4x100 lors de sa deuxième finale, elle est apparue devant les caméras en se tordant de douleur. « Je n'ai pas assez bien nagé cette fois-ci », a-t-elle avoué. « Mes règles sont arrivées hier et je me sens particulièrement fatiguée. »

 

« J'admire vraiment Fu Yuanhui pour nager de la sorte tout en ayant ses règles. Les femmes peuvent être affaiblies durant ces périodes, surtout si elles ressentent de la douleur (...). Elle se sentait coupable en arrivant quatrième, mais nous en sommes tous très fiers », a dit un internaute du nom de Tao sur son compte Weibo.

 

En fait, la nageuse a conquis tellement de cœurs à travers le monde qu'en seulement deux jours de compétition son compte Weibo est passé de 56 000 à plus de trois millions de fans.

 

Après un peu de repos suite à l'achèvement de la 31e édition des Jeux olympiques, Fu a participé aux championnats d'Asie de natation à Tokyo à la fin Novembre. Bien qu'elle ait dit ne pas s'être entraînée autant que pour le Brésil, l'athlète charismatique a remporté l'or au 50 m dos, terminant l'épreuve en seulement 27,86 secondes.

 

Fu Yuanhui est devenu une idole pour la société chinoise, et plusieurs médias la définissent comme la « représentante d'une nouvelle génération » grâce à ses grimaces et sa sympathie devant les caméras. Mais plus important encore, la nageuse est en train de changer la façon dont le sport de compétition est perçu en Chine.

 

« Un jour, les générations des jeunes chinois pourront utiliser leur propre façon d'apprécier les sports », a évoqué Zhao Jun, directeur général d'un opérateur de droits d'auteur sportifs, dans une interview accordée à l'agence Xinhua. « Ils chercheront le bonheur, plutôt que la gloire ou l'argent. »

 

 

La Chine au présent

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