CHINAHOY

28-December-2016

De la tendance des études à l’étranger à la ferveur pour les écoles internationales

 

Le 1er novembre 2016, des échanges ont eu lieu entre le directeur étranger et les élèves chinois dans l'école Run Run Shaw à Shengzhou dans le Zhejiang.

 

Sous l'élan de la mondialisation, les écoles internationales poussent comme des champignons dans la partie continentale de la Chine ces dernières années. Alors, quels sont leurs points forts et leurs points faibles par rapport aux établissements publics classiques ?

 

GAO XIAOMEI*

 

Ces dernières années, au fil de l'approfondissement des échanges tous azimuts entre la Chine et l'Occident ainsi que de l'accroissement du nombre de Chinois partant étudier à l'étranger, un certain nombre de pratiques occidentales en matière d'éducation sont peu à peu adoptées par la Chine. À l'heure où l'enseignement tend vers l'internationalisation et où les entreprises recrutent de plus en plus de talents au parcours multiculturel, une ferveur pour les écoles internationales a vu le jour.

 

Par rapport aux méthodes chinoises d'enseignement traditionnellement axées sur les examens, les méthodes occidentales mettant l'accent sur le côté ludique de l'enseignement, sont prisées par le plus grand nombre. Cependant, pas mal de controverses entachent la réputation des écoles internationales, à savoir la cherté des frais de scolarité, l'avenir des élèves ou leur difficulté à se conformer aux conditions nationales chinoises et le manque de surveillance de la part du gouvernement.

 

Un développement rapide

 

D'après les statistiques, le nombre d'écoles internationales en Chine a presque doublé entre 2011 et 2015, passant de 276 à 546 établissements, en grande majorité répartis dans les métropoles de Beijing, Shanghai et Guangzhou. Les experts estiment que dans cinq ans, ce nombre devrait continuer de progresser et franchir la barre des 1 000 ; de même, les effectifs d'élèves inscrits dans ces écoles internationales, aujourd'hui aux alentours de 180 000, devraient augmenter de 30 000 ou 40 000 environ. Li Meng, assistant du directeur de la Beijing World Youth Academy, confirme que l'établissement dans lequel il travaille a connu cette période d'essor : « Quand l'école a ouvert ses portes en 2000, elle accueillait 146 élèves. Aujourd'hui, elle en dénombre plus de 830. »

 

« En effet, ces dernières années, les écoles internationales se sont rapidement développées dans la partie continentale de la Chine, mais leur positionnement n'est plus tout à fait le même », nuance Xu Tao, directeur de la Yew Chung International School of Beijing. Au début, les écoles internationales en Chine visaient à assurer l'instruction des enfants des expatriés, travaillant notamment dans des représentations diplomatiques ou des entreprises étrangères installées en Chine. L'objectif était d'offrir aux élèves la possibilité de poursuivre le programme scolaire en vigueur dans leur pays d'origine. Telle était d'ailleurs la vocation de la Yew Chung International School of Beijing. Mais de nos jours, c'est différent. Ces écoles internationales s'orientent de plus en plus vers les élèves chinois, de telle sorte que le nombre d'établissements ouverts aux élèves chinois a déjà rattrapé celui des écoles internationales réservées aux fils et filles de ressortissants étrangers.

 

Li Meng décrit les trois catégories d'écoles internationales qui existent aujourd'hui en Chine. Premièrement, les écoles internationales qui accueillent exclusivement des enfants d'expatriés sont actuellement une centaine à l'échelle du pays, mais leur source d'élèves continue de se tarir. Deuxièmement, les 200 et quelques établissements publics qui proposent des études à l'étranger et des classes internationales, qui acceptent principalement des candidats chinois sur examen, sont celles que connaissent le mieux les parents chinois. Troisièmement, les écoles privées offrant des programmes scolaires étrangers sont un peu plus de 200 dans le pays. Bénéficiant d'une demande forte et de capitaux privés, ces établissements sont ceux qui affichent dorénavant le développement le plus dynamique parmi les trois catégories. « Chaque année, en moyenne, une dizaine d'établissements de ce type ouvrent. » Reprenons l'exemple de la Beijing World Youth Academy. La première année, les inscrits étaient au nombre de 146, dont un seul élève de nationalité chinoise ; désormais, les élèves chinois représentent 70 % des effectifs de l'établissement.

 

Toutefois, Li Meng rappelle que les élèves qui suivent des programmes scolaires internationaux sont moins de 20 millions, contre un total de 200 millions d'élèves dans le primaire et le secondaire sur la partie continentale de la Chine. D'un point de vue statistique donc, c'est encore le choix d'une infime minorité.

 

Pourquoi une telle ferveur ?

 

Quelles sont les raisons qui expliquent le « boom » des écoles internationales ? D'une part, ces dernières années en Chine, les jeunes ont tendance à partir étudier à l'étranger. De nombreux parents chinois s'efforcent alors, dans une certaine mesure, de planifier très tôt le futur de leurs enfants. Ils inscrivent leur progéniture dans une école internationale avec l'espoir qu'elle soit dès son plus jeune âge au contact des concepts didactiques et pédagogiques étrangers. D'autre part, certains analystes considèrent que cette « planification avancée » se nourrit de l'inquiétude de nombreux parents vis-à-vis de la charge de travail exhaustive donnée aux enfants dans les écoles publiques classiques, ainsi que de leur aspiration à une atmosphère plus libre en classe.

 

Xu Xiao est actuellement en 11e année (équivalence de la première) à la Beijing World Youth Academy. Avant d'intégrer cette école internationale, elle a effectué son primaire et sa première année de collège dans des établissements publics de la capitale chinoise. De cette expérience, Xu Xiao garde le souvenir de « leçons écrasantes », de telle sorte qu'elle trouvait son quotidien ennuyeux et commençait à se replier sur elle-même. C'est pourquoi sa mère Hu Yifei l'a envoyée poursuivre ses études dans une école internationale.

 

Lorsque son dossier a été officiellement transféré de son école publique à sa nouvelle école internationale, Xu Xiao s'est retrouvée confrontée non seulement à un environnement linguistique nouveau, mais aussi à des méthodes d'enseignement globalement différentes. Elle a mis six mois à s'adapter, puis à commencer à ressentir le poids d'une pression d'un autre genre. « Réussir à l'école internationale n'est pas aussi facile que ce que j'imaginais. J'étais parfois épuisée, mais les cours m'apportaient de la gaieté et un profond sentiment d'accomplissement, parce que les questions traitées en classe sont abordées par les élèves eux-mêmes. Il est possible d'exprimer ses opinions sans honte. De là, naît la confiance en soi. »

 

« À ce niveau-là, l'école internationale présente effectivement des avantages, convient Zong Wa, secrétaire général adjoint de la China Education Association for International Exchange. De nos jours, les pays occidentaux promeuvent une "éducation holistique". Les écoles internationales utilisent des programmes importés de l'étranger, principalement avant l'entrée au lycée. Les établissements publics dans la partie continentale de la Chine livrent en revanche un enseignement principalement orienté vers les examens, avec pour objectif la réussite au gaokao (examen d'entrée à l'université en Chine). Dans la situation nationale actuelle, le gaokao demeure le modèle d'évaluation le plus équitable, mais pour obtenir ce diplôme, les élèves de 3e année (équivalent de la terminale) sont contraints de réviser non-stop et n'ont pas l'occasion d'acquérir de nouvelles connaissances. Par rapport à cet enseignement chinois traditionnel qui accorde de l'importance aux notes à l'examen, les écoles internationales, relativement alignées sur la philosophie étrangère en matière d'éducation, recourent à une méthode pédagogique plus globale et prête plus d'attention au processus d'apprentissage. Ainsi, un élève chinois diplômé d'une école internationale, s'il décide de partir à l'étranger, aura certainement plus de facilités à s'adapter à sa nouvelle vie qu'un élève issu d'une école publique. »

 

Face à l'épreuve difficile qu'est le gaokao, quantité de parents estiment que les classes internationales des établissements publics classiques offrent plus de débouchés, même si leurs enfants fréquentent des établissements intégrés au système chinois. En outre, dans le contexte actuel, un jeune présentant une expérience d'étude à l'étranger aura plus de chances de trouver un emploi convenable une fois de retour au pays. « Ce sont les deux facteurs qui poussent de plus en plus de parents à envoyer leurs enfants dans une école internationale », analyse Zong Wa.

 

Cependant, des préoccupations nouvelles inquiètent les parents. Beaucoup se sont rendu compte que leurs enfants perdent leur niveau de chinois à l'école internationale et font régulièrement des fautes à l'écrit. Mais ce qui chiffonne Hu Yifei, c'est surtout le fait que les élèves, une fois diplômés, n'ont pas beaucoup d'échappatoires : « La plupart des jeunes étrangers peuvent s'inscrire à l'université en Chine, alors que les jeunes chinois sortant d'une école internationale n'ont que l'option de quitter le pays, ce qu'ils ne peuvent pas toujours faire aisément. J'espère vraiment qu'à l'avenir, les enfants chinois pourront eux aussi choisir librement de rester sur le territoire ou de partir à l'étranger pour poursuivre leurs études. »

 

Des frais de scolarité exorbitants

 

Les écoles internationales posent encore un autre souci : elles ne sont pas à la portée de toutes les bourses. En effet, en l'absence d'un soutien budgétaire de la part de l'État, les coûts d'exploitation assumés par les écoles internationales privées sont extrêmement élevés. Par conséquent, les frais de scolarité dans ces établissements sont souvent plusieurs fois supérieurs à ceux demandés par les écoles publiques. À Beijing, comptez entre 100 000 et 300 000 yuans l'année.

 

Li Yue a inscrit sa fille Wang Lin au primaire et son fils Wang Feng en maternelle à la Beijing World Youth Academy pour passer outre les filets de l'enseignement traditionnel chinois qui, à ses yeux, tend à restreindre le développement de l'enfant. « Je suis prête à payer plus de 200 000 yuans de frais de scolarité chaque année pour qu'ils reçoivent un enseignement heuristique, qui leur donne la capacité et l'habitude de s'instruire en continu. »

 

Zong Wa avoue que les frais de scolarité des écoles internationales en Chine sont très onéreux. L'introduction de programmes avancés venus de l'étranger et le recrutement de professeurs étrangers hautement qualifiés font grimper les coûts d'exploitation, lesquels se répercutent sur les frais de scolarité. « À l'heure actuelle, les écoles internationales en Chine ont importé principalement trois programmes scolaires étrangers. Le plus populaire est le A-level britannique (équivalent du baccalauréat), proposé dans près de 160 établissements. Vient en second le programme AP (Advanced Placement), qui dispense des cours avancés de niveau université certifiés par le College Board américain. Il est disponible dans environ 124 établissements. Enfin, environ 70 écoles internationales utilisent le programme IB (baccalauréat international). Au-delà de ces trois grands cursus, les collèges offrant des sections bilingues (en particulier les classes sino-américaines, sino-canadiennes et sino-australiennes) se multiplient. »

 

D'après Li Meng, les écoles privées occidentales comptent principalement sur des dons de la société et leurs partenaires pour financer les charges d'exploitation, tandis que les écoles privées chinoises s'appuient principalement sur les frais de scolarité pour maintenir leurs activités. Le cumul des coûts pour la construction de l'établissement, son fonctionnement au quotidien et la rémunération du personnel enseignant déterminent le montant des frais de scolarité, ce qui explique les différences de prix d'une école à l'autre.

 

Quant au profil des parents qui décident de mettre leurs enfants dans une école internationale, Li Meng affirme qu'au vu des données, ils ont en commun un haut niveau d'instruction, complété pour la plupart par une expérience de vie ou d'études à l'étranger. Mais ils ne font pas tous partie des familles aisées.

 

Des contrôles à renforcer

 

Selon des statistiques incomplètes, plus de 180 000 élèves suivraient des programmes internationaux en Chine, précise Zong Wa. À vrai dire, envoyer ses enfants dans une école internationale est, dans une certaine mesure, risqué.

 

Zong Wa explique qu'un enfant issu d'une école internationale, s'il ne réussit pas à intégrer une université étrangère à sa majorité ou s'il décide ultérieurement de revenir en Chine pour développer ses compétences, peinera à comprendre les modes de vie et les méthodes d'enseignement propres à la Chine. Il est certain qu'il n'y sera pas « acclimaté ». Aussi, un élève fréquentant une école internationale prend un grand risque s'il prend la décision de réintégrer le système chinois pour passer le gaokao. « Il est alors très difficile pour ce genre d'élève d'obtenir une bonne note à l'examen, la clé pour pouvoir pousser les portes des universités réputées. Être admis dans une université tout ce qu'il y a de plus ordinaire relève déjà du défi. Pourtant, en fin de compte, les familles qui envoient leurs enfants dans une école internationale nourrissent souvent de grandes attentes pour leur progéniture. Il est hors de question que leurs enfants finissent dans une filière professionnelle. »

 

En outre, des problèmes persistent au sein des écoles internationales. Zong Wa distingue trois catégories : les établissements fondés par des étrangers destinés aux élèves étrangers, les sections internationales proposées dans les établissements publics et les écoles internationales privées. « Globalement, les deux premières catégories sont contrôlées avant d'être approuvées ; mais dans la troisième catégorie, celle qui séduit le plus d'étudiants, c'est plutôt le désordre. »

 

« Ces écoles proposent souvent un large choix de programmes internationaux. Mais certaines, une fois ces programmes mis en place, ne vérifient pas suffisamment la juste compréhension des cours, les ressources étrangères utilisées ou encore l'aptitude des enseignants étrangers. Ainsi, le système est assez chaotique », poursuit Zong Wa. Il souligne que les programmes chinois et étrangers de niveau lycée ne sont pas si différents. Seulement, l'enseignement chinois tourné vers les examens limite le travail d'équipe, ce qui se traduit chez les élèves par un manque de lecture critique. Toutefois, dans l'enseignement des matières fondamentales, la Chine surpasse les autres pays en fait. « À l'heure actuelle, le Royaume-Uni incorpore dans ses cours les mathématiques à la chinoise. Le gouvernement britannique accorde même des subventions pour encourager les professeurs à aller se perfectionner en Chine. »

 

Zong Wa conclut que les écoles internationales feraient mieux d'intégrer les concepts occidentaux au système éducatif chinois lors de l'introduction de programmes étrangers, pour permettre l'assimilation parfaite des deux méthodes.

 

 

*GAO XIAOMEI est journaliste de Nouvelles d'Europe.

 

 

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