CHINAHOY

28-June-2016

Le Dalaï-Lama est-il si zen qu’il ne le paraît ?

 

Les enseignes en tibétain, chinois et anglais à Lhassa.

 

HU YUE, membre de la rédaction

 

Rencontre avec Maxime Vivas, l'auteur du Dalaï-Lama, un moine pas si zen, qui nous parle de son livre et de la vision qu'il a du Dalaï-Lama.

 

Maxime Vivas est un journaliste français, auteur de plusieurs articles et ouvrages sur la Chine dont Le Dalaï-Lama, un moine pas si zen. Il a été récompensé du Prix Roger Vaillant en 1997 et s'occupe actuellement du site d'information alternatif Le Grand Soir.

 

Une réalité différente

 

En 2010, Maxime Vivas se rend au Tibet, voyage pendant lequel il découvre que ce que les médias occidentaux racontent sur le Tibet et la réalité qu'il a pu voir de lui-même étaient aux antipodes. « Au Tibet, les kiosques sont en tibétain, les enseignes de magasins sont en tibétain, la télé et la radio sont en tibétain, des cours de la culture tibétaine sont donnés dans les universités. L'environnement est très bien préservé, les gens travaillent 7 heures par jour, 5 jours par semaine, et ont un salaire. Les médias français ne parlent jamais de ça. »

 

Cela l'intrigue, et à son retour de France, après un an de recherches, il écrit Le Dalaï-Lama, un moine pas si zen. « À l'époque, j'ai étudié des documents officiels chinois, des documents internationaux et des documents provenant du Dalaï-Lama lui-même. Puis j'ai décidé d'utiliser une stratégie différente pour rédiger mon livre », explique Maxime Vivas. « J'ai pris le parti d'utiliser uniquement des documents provenant du Dalaï-Lama : des livres, des textes, des articles et des vidéos. Et j'ai pu remarquer des contradictions dans ses propos. Je les ai exposées une à une dans mon livre. Beaucoup de gens doutaient de la véracité de ce que je racontais dans mon livre, ma seule réponse est "c'est le Dalaï-Lama lui-même qui l'a dit. Ce n'est pas moi qui l'invente." »

 

L'omniprésence du Dalaï-Lama

 

D'après Maxime Vivas, « la stratégie du Dalaï-Lama c'est d'être omniprésent sur tous les médias pour prêcher la bonne parole, mais en réalité, son niveau spirituel est loin d'être très élevé. » Il nous raconte une petite expérience qu'il a menée pendant une émission de radio avec des intellectuels français. « J'ai pris 10 phrases dont cinq seulement étaient du Dalaï-Lama. Les cinq autres étaient de moi et j'ai demandé aux six invités présents, qui étaient tous des intellectuels, de deviner lesquelles étaient du Dalaï-Lama, lesquelles étaient de moi. Ils se sont tous trompés. Ce qui veut bien dire qu'il n'y a pas besoin de s'appeler Dalaï-Lama pour faire de ''la philosophie''. »

 

Après la publication de son livre Le Dalaï-Lama, un moine pas si zen, les médias français ont critiqué l'ouvrage en disant que c'était une publication sur commande du gouvernement chinois et que le livre ne représentait pas la réalité. Vivas leur a répondu en disant : « Les visites organisées par des gouvernements pour les journalistes sont chose courante. Des journalistes français sont parfois invités par le Qatar, les Émirats ou le Maroc pour réaliser des reportages, mais ce que les journalistes voient pendant ces voyages et écrivent dans leurs articles peut différer. Pour ma part, après cette visite au Tibet, j'ai décidé de relater les choses telles que je les avais vues pendant mon voyage, c'est tout. »

 

Selon lui, s'il n'avait pas eu l'occasion d'aller au Tibet et fait ses propres recherches, il n'aurait pas eu la capacité de raconter la réalité du Tibet. Il explique en donnant un exemple tiré de son livre : « Le Dalaï-Lama a dit que le gouvernement chinois s'était livré à un génocide des Tibétains. À l'époque, il y avait un million d'habitants au Tibet. Selon lui, après le "génocide", la moitié avait été décimée. La plupart des gens sont évidemment choqués à l'écoute de ces déclarations et diront volontiers que la Chine est une dictature sanguinaire etc. Mais d'après les études démographiques faites par des démographes étrangers, si cela avait vraiment eu lieu, il aurait fallu que chaque femme tibétaine fasse 10 à 12 enfants pour que le Tibet atteigne sa population actuelle. C'est donc impossible. Ce soi- disant ''génocide'' n'a jamais existé, et en plus, cette conclusion sort des études faites par des démographes proches du Dalaï-Lama. »

 

« La plupart des Français ne sont pas réellement au courant de la situation au Tibet, parce que les chercheurs et journalistes qui connaissent vraiment le Tibet ne sont pas amenés à s'exprimer sur ce sujet dans les médias. Il y a des obstacles politiques à cela. Les articles écrits sur le sujet sont d'ailleurs souvent refusés », explique Maxime Vivas quand on lui demande si ses théories sont bien acceptées en France.

 

D'ailleurs, sur les présentoirs des librairies, son livre est souvent étiqueté « Critique du Dalaï-Lama », d'où un rejet de la part des lecteurs. « En fait, après la lecture du livre, beaucoup changent d'opinion et peu de gens remettent en question ce que je dis dans le livre, puisque je ne fais que répéter ce que dit lui-même le Dalaï-Lama. »

 

Un Dalaï-Lama qui n'aime pas la critique

 

En 2011, au moment de la publication du livre, le Dalaï-Lama était à Toulouse, la ville où réside Maxime Vivas. Une télévision régionale avait proposé à Maxime Vivas de le rencontrer et arrangé une entrevue avec son traducteur français attitré : Matthieu Ricard. Mais les deux ont refusé de rencontrer Maxime Vivas prétextant qu'ils « ne [s'intéressaient] pas à la politique et ne [souhaitaient] parler que de spiritualité ».  On peut imaginer que le Dalaï-Lama ou ses conseillers avaient déjà pris connaissance de la teneur du livre de Maxime Vivas.

 

Pendant le séjour du Dalaï-Lama à Toulouse, les télévisions locales faisaient des reportages quotidiens le plus souvent dithyrambiques sur celui-ci. Alors pour équilibrer un peu le ton, le JT local a quand même décidé d'inviter Maxime Vivas à commenter cette venue du leader spirituel tibétain pendant tout le direct.

 

Après le début de l'émission, Maxime Vivas fait la présentation de son livre, puis quelques minutes plus tard, le présentateur lui dit en off « si vous n'avez rien d'autre à faire, vous pouvez partir, c'est bon, on a ce qu'il faut. » Un peu surpris d'être congédié aussi rapidement, Maxime Vivas s'en va sans trop savoir de quoi il retourne.

 

Puis on lui apprend plus tard qu'un journaliste envoyé spécial dans l'hôtel où résidait le Dalaï-Lama à Toulouse avait téléphoné en urgence à la chaîne pour leur dire que lui et ses conseillers étaient en train de regarder le JT quand ils ont vu Maxime Vivas et se sont indignés de sa présence à l'écran. D'où le message dans l'oreillette du présentateur et l'apparition éphémère de Maxime Vivas à la télévision.

 

Ce n'était pas fini puisqu'un des conseillers du Dalaï-Lama a même écrit une lettre au président français d'alors : Nicolas Sarkozy, pour se plaindre de la présence de Maxime Vivas pour commenter la venue de celui-ci à Toulouse. « Ce que je trouve vraiment ridicule, c'est que le Dalaï-Lama est resté trois jours à Toulouse et qu'il a pas arrêté d'en faire des tartines sur la ''liberté d'expression, la démocratie, l'émancipation des Tibétains et tutti quanti'' et je n'ai pas le droit de m'exprimer sur ses idées – avec lesquelles je ne suis pas forcément d'accord mais dont j'accepte l'existence et le droit qu'il a de les exprimer – et on me demande de la fermer alors que je n'ai parlé que trois petites minutes à la télévision. Trois minutes qui ont mis en colère ''sa Sainteté le Dalaï-Lama'' qui a fait censurer la télévision et s'est plaint au président de la République. Mais d'où il vient nous faire des leçons de démocratie ?! », lance Vivas, visiblement piqué au vif par cet épisode.

 

Maxime Vivas explique le rôle qu'incarne le Dalaï-Lama en Occident : « En réalité, c'est un outil dont se servent les pays occidentaux pour embêter la Chine. Je l'ai écrit plusieurs fois dans mon livre. La pensée du Dalaï-Lama change beaucoup dans ses écrits. Pendant un moment, il évitait beaucoup la question de sa réincarnation. Il avait même dit qu'il pourrait potentiellement se réincarner en une ''jolie fille'', puis il a changé de version, en disant que la réincarnation était un système archaïque et féodal qu'on ne devait plus utiliser. En réalité, ce problème de la réincarnation n'est que politique, c'est le Dalaï-Lama et ses acolytes qui décident en quoi il se réincarne, c'est tout. »

 

Chef spirituel ou jouet des puissances occidentales ?

 

« En France, beaucoup de personnes considèrent le Dalaï-Lama comme un chef spirituel qui est en conflit religieux avec le gouvernement chinois. En plus, la plupart des Français ont l'impression que la religion est complètement bâillonnée au Tibet et que la culture tibétaine a été exterminée. Mais quand je suis allé au Tibet, ce qui m'a surpris, c'est que la religion est beaucoup plus présente qu'en France. Les gens prient dans la rue, accroche des banderoles de mantras sur les bâtiments. Tout ça, en France, ce serait illégal », fait remarquer Maxime Vivas.

 

En effet, la Loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905, principe suprême de la laïcité en France, interdit toute manifestation religieuse dans les espaces publics en même temps qu'elle respecte la liberté spirituelle de toutes les religions.

 

La France, défenseur de la liberté, de la démocratie, et dont la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » est inscrite aux frontispices des bâtiments officiels, utilise pourtant des normes différentes quand elle s'intéresse aux intérêts des autres pays. « Les médias ''libres'' comme on les appelle en France, n'écrivent rien sur les problèmes d'indépendance dans notre pays : par exemple la Bretagne, le pays-basque, la Corse ou encore la Savoie. Ces sujets sont interdits officieusement. Par contre, les médias français vont s'intéresser au Tibet, questionnant le fait qu'il appartienne ou non à la Chine, s'il a été envahi… »

 

Le livre de Maxime Vivas sur le Dalaï-Lama a été traduit en six langues après sa parution. Mais il n'a pas reçu un accueil très chaleureux en France, car le Dalaï-Lama y est un peu comme Gandhi : c'est un symbole intouchable. Ce livre va à contre-courant de l'opinion générale et on peut penser que c'est pour cela qu'il a été accueilli très froidement par la critique et les lecteurs.

 

Et Maxime Vivas de conclure : « L'image du Dalaï-Lama en tant que chef spirituel a été créée par les médias occidentaux qui utilisent celle-ci pour attaquer la Chine. Le Tibet est le Toit du Monde, c'est aussi l'endroit le plus élevé de la Chine et la société occidentale n'a pas envie que la Chine ne se redresse pacifiquement, elle préfère que la Chine reste empêtrée dans ses problèmes, le Dalaï-Lama en est un, et c'est aussi un très bon outil contre la Chine. »

 

 

La Chine au présent

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