CHINAHOY

30-November-2015

Il est temps que la France se réveille

HAN BING﹡

 

Les attentats de novembre ont pris la France par surprise. Tout le monde s’interroge mais ce journaliste chinois livre les clés du drame.

Personne ne s’attendait à ce que ce vendredi 13 novembre 2015 soit un jour aussi tragique pour la France. Au moment de terminer cet article, les données officielles faisaient état de 129 tués et 352 blessés, dont 99 personnes dans un état critique, par les attentats terroristes qui ont eu lieu le 13 novembre à Paris. Le gouvernement français a signalé que le bilan risquait de s’alourdir.

Des millions de gens se sont posé la même question après ce malheur : pourquoi la France ? Pourquoi à nouveau ?

Depuis le début de l’année, Paris avait déjà subi deux autres incidents graves liés au terrorisme :

Le 7 janvier, le siège de Charlie Hebdo à Paris a été attaqué par trois terroristes armés, faisant 12 victimes dont 8 membres de la rédaction. L’attentat a été suivi du meurtre d’une policière municipale à Montrouge le lendemain et de 4 otages dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes le 9 janvier.

Le 26 juin, une explosion s’est produite dans une usine de gaz en Isère, causée par des terroristes qui ont décapité un homme.

Trois causes ont fait de la France une zone cible des attaques terroristes :

Premièrement, l’intervention active de la France dans les affaires de la Syrie, de l’Irak et de la Libye, où elle a en particulier mené des frappes contre Daech avec les États-Unis. La France est ainsi devenue l’un des premiers pays envers lesquels les organisations terroristes cherchent à exercer des représailles. Difficile d’imaginer que ce risque se réduise, sauf à voir la France changer de politique ou Daech perdre ses capacités opérationnelles.

Marc Trévidic, ancien magistrat du pôle antiterrorisme au Tribunal de grande instance de Paris, avait suggéré en octobre lors d’une interview dans un magazine français que la France serait désormais la première cible de l’organisation terroriste, ajoutant qu’il était probable que cette organisation terroriste préparait une opération d’ampleur dirigée contre la France, peut-être similaire à celle des attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis. « La véritable guerre est encore à venir, prédisait-il. Des frappes lourdes et systématiques sont à redouter. » Aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de s’étonner de sa prescience.

Deuxièmement, les organisations terroristes ont non seulement bien des raisons de s’attaquer à la France, mais c’est également facilité par la géographie. Selon M. Trévidic, il est plus facile aux terroristes en provenance de Syrie d’entrer en France que d’arriver aux États-Unis. Une fois parvenus dans l’espace Schengen, le contrôle simplifié de la circulation des personnes et des biens facilite le transport d’armes et de munitions, mais aussi le rassemblement et la dispersion des groupes terroristes. Daech lui-même a accru son savoir-faire ; ses moyens et méthodes d’attaque ne cessent de se perfectionner. Face à un risque terroriste de plus en plus important, les autorités compétentes se voient impuissants à faire face aux nouvelles menaces.

Enfin, le troisième facteur est à rechercher dans les graves lacunes de la gouvernance sociale en France. Le taux de chômage élevé, la mobilité sociale sclérosée, tout cela a préparé le terrain aux idées religieuses extrémistes. Un bon nombre de descendants des immigrés musulmans, financièrement précaires et vides spirituellement, finissent par se laisser séduire par ces idées. Selon les statistiques du gouvernement français, en date du 23 octobre 2014, ce sont près de 1 100 Français qui s’étaient rendus ou cherchaient à se rendre dans des pays comme la Syrie et l’Irak, parmi lesquelles 370 personnes faisaient la guerre et 200 autres étaient rapatriées en France. On peut voir à quel point les idées extrémistes ont pénétré la société française. Or, la France n’est pas le seul pays européen à connaître ce genre de problème. En Belgique, selon des reportages locaux, on compte 440 ressortissants partis en Syrie depuis avril 2014 pour participer au djihad. Parmi ceux-ci, plus d’une quarantaine de personnes seraient rentrées en Belgique.

Après les attaques du 13 novembre dernier à Paris, Daech a affirmé dans un communiqué qu’il ne s’agissait « que du début de la tempête ». Une menace qu’on ne peut prendre à la légère.

Suite à l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, le gouvernement français a pris une série de mesures visant à renforcer la lutte contre le terrorisme sur son territoire, mais ses actions et leur faible efficacité donnent l’impression qu’il ne prend pas la mesure de la dangerosité réelle de cette organisation internationale, qu’il n’accorde pas suffisamment de considération aux failles sécuritaires qui demeurent dans le pays.

Cette leçon sanglante doit réveiller la France. Le président Hollande a déclaré que la France « luttera sans merci contre les terroristes ». Il a décrété l’état d’urgence sur tout le territoire français, une situation que le pays n’a pas connu depuis 2005. Les médias français ont pour leur part avancé des suggestions pour renforcer la défense du pays. On peut espérer que le dispositif sécuritaire de l’Hexagone, qui ressemble à une passoire, sera finalement colmaté.

﹡HAN BING, correspondant de Cankao Xiaoxi à Paris.

 

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