CHINAHOY

29-December-2014

La stratégie « une Ceinture et une Route » : profitable à la Chine comme à la France

 

L'ancienne Route de la Soie a autrefois apporté des avantages à la Chine, bien sûr, mais à d'autres pays encore, France incluse. La France saura-t-elle tirer parti de la stratégie « une Ceinture et une Route » récemment proposée par la Chine ? Analyse.

SHEN XIAOQUAN*

En 1964, la Chine et la France ont établi des relations diplomatiques. Voilà maintenant 50 ans que les deux pays coopèrent ! Pour l'occasion, en mars 2014, le président français François Hollande et son homologue chinois Xi Jinping, alors en visite en France, ont publié une déclaration conjointe, celle-ci indiquant : « Les deux pays vont œuvrer ensemble pour une nouvelle étape d'un partenariat global stratégique sino-français étroit et solide. »

En 2014, les deux gouvernements et les deux peuples ont organisé une grande variété d'événements majeurs pour célébrer le 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques. Plus de 800 activités ont eu lieu au cours de l'année. Passant en revue les 50 ans d'essor exceptionnel de ces relations bilatérales, Chinois et Français se sont mis à prêter une attention accrue au futur développement de celles-ci, dont ils attendent beaucoup.

Ainsi, l'année 2015 inaugure la nouvelle ère des relations sino-françaises. Leurs perspectives s'annoncent encourageantes, étant donné que le gouvernement chinois a décidé d'approfondir sa réforme tous azimuts, en tablant notamment sur la nouvelle stratégie globale « une Ceinture et une Route ». Cette dernière offrira de nouvelles opportunités de développement aux relations sino-françaises.

La réforme et l'ouverture toujours en cours en Chine

La situation internationale connaît actuellement des changements considérables, dont l'ascension de la Chine qui polarise l'attention du monde entier. Quelles répercussions directes sur les relations sino-françaises aura donc cette montée en puissance de la Chine ? Lors de sa visite en France en mars 2014, Xi Jinping a éclairci cette question et dissipé les doutes de certains. Jadis, Napoléon avait comparé la Chine à un lion endormi, avec la formule : « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera... » Xi Jinping a repris cette métaphore bien connue des Français, en soulignant : « Ce lion qu'est la Chine s'est déjà réveillé, mais il s'agit d'un lion pacifique, gentil et civilisé. » Sylvie Bermann, alors ambassadeur de France en Chine, a entériné ce point de vue : « C'est une expression fantastique finalement, parce qu'en Chine, quand un nouveau magasin ouvre ses portes, une danse du lion est organisée pour fêter l'événement. » Lors de sa visite en Allemagne, Xi Jinping a en outre déclaré sans ambages que « la Chine ne suit pas la vieille logique suivant laquelle "un pays puissant recherche l'hégémonie" ». Et d'ajouter : « La Chine ne choisira pas d'autre voie que la voie d'un développement pacifique. » Un engagement que le dirigeant chinois a pris solennellement devant le monde entier.

De nos jours, le PIB chinois s'octroie le deuxième rang mondial, alors que l'économie française est en récession. Cet écart aura-t-il un effet négatif sur l'évolution des relations sino-françaises ? Existe-t-il encore des complémentarités économiques entre les deux pays ? Des questions qui préoccupent les Français...

Pour y apporter des réponses, il faut étudier le facteur qui pousse au développement de ces relations bilatérales, en parcourant leur histoire d'un demi-siècle. Les relations diplomatiques sino-françaises ont été établies dans les années 1960, mais ce n'est qu'au début des années 1980 qu'elles ont connu de réels progrès. Pourquoi à ce moment-là ? Ce n'est pas un hasard. Il faut savoir que les années 80 coïncident avec la période importante où la Chine a décidé de sortir de son isolement et d'entamer une politique de réforme et d'ouverture, comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Les faits ont prouvé maintes fois que le resserrement des liens sino-français est attribuable à cette démarche chinoise de réforme et d'ouverture, qui a mis en évidence les complémentarités économiques entre les deux pays. À l'époque, la France possédait les produits, les capitaux et les techniques, tandis que la Chine disposait d'une main d'œuvre foisonnante et d'un vaste marché. Ces qualités diverses offraient une solide assise et de larges possibilités à l'élargissement de la coopération économique et commerciale entre les deux parties.

En 1964, au moment de l'établissement des relations diplomatiques sino-françaises, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays n'était que de 100 millions de dollars, alors qu'en 2011, ce chiffre s'élevait à 53 milliards, un niveau record. La France s'impose comme quatrième partenaire commercial européen de la Chine ; quant à la Chine, elle demeure le plus important partenaire commercial asiatique de la France.

Après trois décennies de mise en application, la réforme et l'ouverture chinoises ont engendré des résultats fructueux et suivent leur cours aujourd'hui encore. À la fin de 2013, la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC a pris l'importante décision d'approfondir la réforme dans tous les domaines. C'est bien la preuve que la réforme et l'ouverture constituent en Chine la politique fondamentale, qui, d'une part, ne sera pas remplacée, et d'autre part, continuera à être approfondie et élargie. Ainsi, cette décision majeure d'intensifier la réforme globale jette une nouvelle base, donne une nouvelle confiance et ouvre de nouvelles perspectives au développement des relations sino-françaises.

Stratégie de la nouvelle Route de la Soie : des bénéfices partagés

Pour approfondir la réforme sur tous les plans, la Chine a pris une importante initiative : elle a avancé son projet stratégique d'établir la Ceinture économique de la Route de la Soie ainsi que la Route de la Soie maritime du XXIe siècle. Ce projet est capital pour accroître l'ouverture de la Chine et soutenir l'économie des pays le long de ces deux « routes ».

À l'heure actuelle, la mondialisation ne cesse de progresser ; l'intégration économique régionale s'accélère ; les modèles de croissance économique, d'échanges commerciaux et d'investissement sont en profonde mutation partout dans le monde. Les pays du continent eurasiatique, en cette étape cruciale de leur transition économique, doivent faire le plein d'énergie de développement et de potentiel de coopération. La stratégie « une Ceinture et une Route », en accord avec les besoins communs des pays le long des deux « routes », permettra à ces derniers de tirer parti de leurs avantages respectifs et de bénéficier de nouvelles opportunités de développement et d'ouverture sur le monde.

Les Français connaissent bien la Route de la Soie à laquelle fait référence l'expression « une Ceinture et une Route. » La France fut un pays acteur et bénéficiaire de l'ancienne Route de la Soie. Lyon, deuxième ville française, représentait l'étape ultime de la Route de la Soie antique en Europe. Cette ville, positionnée au centre de l'Hexagone, est un nœud de communication européen. C'est là que les produits associés à la soie chinoise convergeaient, avant d'être redistribués vers d'autres villes européennes. Après l'introduction des techniques de travail de la soie en Europe, la soierie a prospéré à Lyon, au point que cette ville fut considérée comme la « capitale européenne de la soie » aux XVIIe et XVIIIe siècles. Pôle commercial majeur en Europe à l'époque, Lyon ne peut être négligée dans l'histoire de la Route de la Soie. D'ailleurs, lors de sa visite en France en mars 2013, Xi Jinping a choisi Lyon comme première escale, un choix clairement symbolique.

La stratégie « une Ceinture et une Route » avancée par la Chine adhère à l'idée d'un développement partagé et d'une prospérité commune, en liant les deux grands marchés que représentent l'Asie et l'Europe. L'ancienne Route de la Soie y trouvera ainsi un sens nouveau. La ligne ferroviaire traversant le continent eurasiatique constitue l'axe majeur de cette nouvelle Route de la Soie. Duisbourg, terminus de ce chemin de fer en Europe, est le plus grand port fluvial au monde et une importante plaque tournante en Europe en termes de transport et de logistique. Lors de sa visite en Allemagne, Xi Jinping s'est rendu spécialement dans cette ville et a assisté à l'entrée en gare d'un train de fret. Ce train venait de parcourir 11 179 km en 16 jours. En provenance de Chongqing, il était passé par le Xinjiang, le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne, avant d'arriver enfin à Duisbourg.

Il est évident que la France, qui avait saisi des avantages liés à l'ancienne Route de la Soie, devra trouver sa place dans cette nouvelle Route de la Soie afin d'en devenir un bénéficiaire direct. La nouvelle Route de la Soie qui relie les « cercles économiques » d'Asie-Pacifique et d'Europe, couvre plus de 40 pays et abrite près de 3 milliards de personnes. Ce vaste territoire est de surcroît riche en ressources naturelles et touristiques, présentant donc un large potentiel de croissance. D'après des statistiques, en 2013, le commerce extérieur entre la Chine et les pays concernés par la stratégie « une Ceinture et une Route » dépassait 1 000 milliards de dollars, soit un quart du montant des échanges commerciaux chinois. Au cours de la dernière décennie, le commerce extérieur entre la Chine et ces pays était en hausse de 19 % par an. Dans les 5 ans à venir, la Chine importera des marchandises pour une valeur de 10 000 milliards de dollars et le montant de ses investissements à l'étranger excèdera 500 milliards de dollars, sans parler du nombre de touristes chinois à l'étranger qui approchera les 500 millions. Ces chiffres sont bien la preuve des immenses possibilités économiques que renferme cette stratégie.

En tant qu'initiatrice et conceptrice de ce projet « une Ceinture et une Route », la Chine a décidé de débloquer 40 milliards de dollars pour créer le Fonds de la Route de la Soie. Ce geste, d'une part, montre la détermination et la sincérité de la Chine, et d'autre part, stimule l'esprit d'initiative des différents pays pour qu'ils participent à la construction de la Ceinture économique de la Route de la Soie.

Xi Jinping a affirmé lors de son voyage en France : « Le rêve chinois constitue une opportunité pour la France, tout comme le rêve français en est une pour la Chine. Les deux parties doivent se comprendre mutuellement et travailler main dans la main pour ensemble réaliser leur rêve respectif. »

Pour les relations sino-françaises, 2015 deviendra sans doute l'année la plus décisive depuis 1964. Les deux gouvernements continueront à faire progresser durablement leur coopération bilatérale et atteindront certainement l'objectif gagnant-gagnant ciblé à travers la stratégie « une Ceinture et une Route ». Les relations sino-françaises se développeront et se consolideront encore à travers les efforts de deux parties, qui cherchent à accomplir les « rêves chinois et français ».

 

*SHEN XIAOQUAN est chercheur au centre d'études des affaires internationales de l'agence de presse Xinhua.

 

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