CHINAHOY

29-September-2014

La Chine, pays profiteur ou pays contributeur ?

 

Lors de sa visite en Mongolie en août dernier, le président chinois Xi Jinping et son homologue mongol Tsakhiagiyn Elbegdorj assistent à la fête du Naadam. (XINHUA)

 

ZHU FENG*

Dans une interview accordée début août au New York Times, le président américain Barack Obama a affirmé que la Chine a joué un rôle de profiteur sur la scène internationale au cours des 30 dernières années, et que les États-Unis ne s'attendaient pas à une action substantielle de sa part sur la question irakienne. Le président Obama n'est pas le premier à accuser la Chine de se comporter en « passager clandestin ». En septembre 2005, l'ancien secrétaire d'État adjoint Robert Zoellick avait déclaré que la Chine devrait devenir un acteur responsable, l'invitant à assumer une plus grande responsabilité internationale pour aider les pays occidentaux - les États-Unis en tête de file - à maintenir l'ordre international. L'interview du New York Times, cependant, est la première critique publique de la Chine faite par un président américain.

L'immense contribution chinoise minimisée

Dans les relations internationales, l'épithète de « passager clandestin » désigne généralement des pays qui ne sont pas disposés à agir, ou qui fuient leurs responsabilités lorsque des questions internationales, des crises ou des conflits surviennent. Depuis 2005, les critiques constantes visant la Chine dans les cercles universitaires et politiques aux États-Unis façonnent la vision nationale américaine lorsqu'il s'agit de juger et de définir la diplomatie de la Chine. Tom Christensen, professeur de sciences politiques et de relations internationales à l'Université de Princeton et ancien secrétaire d'État adjoint pour l'Asie de l'Est et le Pacifique, est l'un des représentants de ce courant. Selon ce point de vue, la Chine, en dépit de sa puissance et de son statut internationaux croissants, est réticente à aider les États-Unis et les autres pays occidentaux à répondre efficacement aux questions internationales et régionales. Elle est d'autant moins disposée à supporter les coûts inhérents aux responsabilités internationales qui lui incombent avec son nouveau statut, préférant plutôt se concentrer sur ses propres intérêts. Tom Christensen a déjà observé à cet égard que la Chine mène une « diplomatie abrasive ». Ceci est bien sûr un jugement injuste.

Depuis que l'élan de réforme et d'ouverture a débuté en 1978, la croissance économique et le développement national de la Chine ont grandement contribué à la prospérité, à la stabilité et à la coopération dans le monde. En tant que premier exportateur mondial et deuxième plus grand marché de la consommation, la Chine est devenue, grâce à son développement vigoureux, un moteur important de la croissance économique mondiale. Les rapports des organisations internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, soulignent que la croissance soutenue et rapide de la Chine est cruciale pour les perspectives économiques mondiales. Depuis la fin des années 1990, avec son entrée à l'OMC, l'internationalisation progressive du taux de change du yuan et la promotion de la coopération économique et financière entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), la Chine a régulièrement injecté une nouvelle vitalité à l'économie mondiale. Aujourd'hui, la Chine est l'un des principaux porte-drapeaux du libre-échange, de l'intégration économique régionale et de la mondialisation. La coopération de la Chine avec l'Afrique, l'Amérique latine, l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient dans les domaines de l'énergie, des ressources minérales et de l'économie est en train de transformer la géo-économie traditionnelle de ces régions. En 2013, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique a dépassé 200 milliards de dollars. La même année, ses échanges avec l'Asie du Sud-Est se sont élevés à plus de 400 milliards de dollars, et à plus de 280 milliards avec l'Amérique latine. La Chine est ainsi le contributeur le plus dynamique au développement durable aux niveaux mondial et régional. Depuis le début des années 1990, l'aide économique et l'assistance sociale versées par la Chine pour le développement de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine ont dépassé 280 millions de dollars. Le développement économique et social dynamique que la Chine a généré dans les régions les moins développées au cours des 20 dernières années dépasse de loin les efforts des pays occidentaux.

La montée de la Chine a remodelé le paysage économique mondial. L'Asie de l'Est, l'Europe et l'Amérique du Nord sont devenues trois puissances économiques, et la région Asie-Pacifique connaît le développement et l'essor commercial les plus rapides au monde. La richesse mondiale a ainsi été redistribuée. On prévoit que dans 200 ans, l'Orient et l'Occident atteindront un niveau égal de développement. Les accusations américaines qui qualifient la Chine de « passager clandestin » dévaluent clairement son énorme contribution politique et économique sur la scène internationale au cours des 20 dernières années.

Le commentaire d'Obama reflète en réalité la déception des États-Unis due à la réticence de la Chine à suivre l'exemple américain d'ingérence dans les affaires mondiales. Depuis les attaques du 11 septembre, la Chine a apporté son soutien aux États-Unis et a participé à la campagne de lutte contre les forces terroristes internationales. Cependant, la Chine et plusieurs autres pays ont clairement exprimé leur opposition à la guerre en Irak provoquée par les États-Unis en mars 2003, qui constituait une intervention militaire unilatérale contournant la décision de l'ONU. La situation chaotique actuelle, apparente dans la férocité des groupes terroristes émergents, prouve la clairvoyance des pays opposés à la guerre, dont la Chine faisait partie. Les États-Unis ont prétendu vouloir libérer le peuple irakien en renversant le régime de Saddam Hussein par la force, et ont fait valoir leur intention de mettre en œuvre des réformes démocratiques au Moyen-Orient. Toutefois, les troubles et le désordre sans fin dans la région illustrent l'échec de la vision politique des États-Unis et de l'imposition présomptueuse de leurs valeurs dans d'autres pays. La situation actuelle en Afghanistan en est un autre exemple.

C'est le refus de la Chine de soutenir la conception du monde et l'ingérence des États-Unis qui a donné lieu à ce qualificatif de « passager clandestin irresponsable ». Cette accusation sans fondement reflète le mépris total du rôle positif joué par la Chine dans le monde.

Harmonie et diversité

Des différends et des points de vue divers selon les intérêts de chaque pays sont inévitables dans les affaires internationales. Pour traiter des problèmes épineux, des crises ou des conflits sur la scène internationale, le rôle positif d'un pays n'est pas révélé par une action unilatérale née de son évaluation et de son jugement particuliers de la situation, mais par sa capacité à parvenir à un consensus avec les autres pays et à adhérer à la Charte ainsi qu'aux principes de l'ONU. La diplomatie américaine ne dispense des louanges ou des critiques sur le comportement d'un pays en vertu de son respect de la Charte des Nations unies ou des normes internationales généralement reconnues, mais en vertu du concept d'ordre international libéral qui place les États-Unis au centre du monde. L'insistance avec laquelle les États-Unis défendent cette position, en ignorant complètement la diversité des civilisations et des voies de développement, ainsi que les situations des différents pays et leurs opinions, constitue un comportement irresponsable à l'égard de la communauté internationale.

La diplomatie chinoise, qui prend en compte la réalité d'un monde diversifié et la logique de développement du pays, reflète les principes de modestie et d'harmonie inhérents à la culture chinoise, sur lesquels elle évalue ses propres actions et celles des autres. Ce concept fondamental démontre la maturité d'un pays et sa compréhension de plus en plus profonde des affaires internationales. Il incarne également le respect des civilisations, des valeurs et des modes de développement, ainsi qu'un plaidoyer pour un monde multipolaire. Les responsabilités assumées par la Chine doivent être proportionnées à sa puissance et à son évaluation fondamentale des affaires internationales. La Chine, par conséquent, n'emboîtera pas le pas à l'ingérence militaire du monde occidental. Elle préfère se conformer à la Charte des Nations unies et mettre l'accent sur un développement harmonieux du monde dans toute sa diversité. Sa position claire et son point de vue franc sur les affaires internationales soulignent l'attitude responsable du pays envers le développement mondial.

Comment rassurer les États-Unis ?

Les États-Unis insistent constamment pour que la Chine agisse en suivant les normes américaines et de manière conforme aux intérêts américains, tout en minimisant les contributions exceptionnelles du pays au développement mondial. Sur de nombreuses questions régionales, la Chine a choisi de suivre les règles internationales dans l'intérêt des peuples du monde, plutôt que de « se liguer » avec les États-Unis, au mépris de ces intérêts.

En réalité, d'un point de vue stratégique, pendant qu'ils critiquent la Chine, les États-Unis sont tout à fait prêts à laisser la Chine « profiter ». Une autre connotation de ce terme fait ici référence à la diplomatie prudente qui ne cherche pas activement à changer l'ordre international. Si elle devait cesser de coopérer avec les États-Unis pour le maintien de l'ordre international actuel, la Chine pourrait renforcer sa place en installant un nouvel ordre selon des principes différents. Cela serait inacceptable pour les États-Unis. C'est pourquoi certains commentateurs américains estiment qu'il vaut mieux laisser la Chine se comporter en « passager clandestin », car cela est préférable à une situation dans laquelle elle s'opposerait aux États-Unis.

Le président Obama a beau maugréer contre l'inactivité de la Chine, il est bien possible qu'il traverse une crise d'incertitude. Les opinions américaines contradictoires en ce qui concerne le rôle que devrait jouer la Chine reflètent les évaluations chancelantes de cette puissance mondiale montante.

La Chine invite les autres pays à profiter de son développement

Stratégiquement, se comporter en « passager clandestin » est un choix judicieux pour la Chine dans un contexte de profonds changements structurels politiques et économiques. Le plus grand défi de la Chine dans les années à venir ne viendra pas de l'étranger, mais de l'intérieur. Tant que le pays maintient son unité nationale et sa force, aucune influence internationale ne pourra entraver son ascension historique. Être « passager clandestin » sur le plan international est conforme à la priorité donnée au développement interne, à la réduction des risques stratégiques dans sa politique étrangère et au maintien de faibles coûts dans les relations internationales. En ce sens, s'il est possible de profiter, pourquoi ne pas le faire ?

En assumant sa responsabilité internationale, la Chine invite les pays voisins et le monde entier à tirer profit de son développement économique et social. Cela permettra d'atteindre la prospérité et la stabilité communes à travers le monde.

Durant la visite d'État du président chinois Xi Jinping en Mongolie du 21 au 22 août 2014, en plus de nombreux accords de coopération, la Chine a signé une déclaration commune avec la Mongolie pour renforcer les relations bilatérales, en faisant de leurs liens un partenariat stratégique global. Le 22 août, dans son discours au Grand Khoural d'État (le parlement mongol) Xi Jinping a déclaré que la Chine fournirait des opportunités et de l'espace au développement commun des pays voisins, y compris la Mongolie, et leur a souhaité la bienvenue « à bord du train de développement chinois ».

Après tout, le « profit » mutuel de la Chine et des États-Unis contribuera à leur développement respectif, ainsi qu'à la paix, à la stabilité et à la prospérité dans le monde.

 

*ZHU FENG est directeur exécutif du Centre d'innovation collaborative des études sur la mer de Chine méridionale relevant de l'Université de Nanjing, et vice-doyen de l'Institut des études internationales et stratégiques de l'université de Beijing.

 

La Chine au présent

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